Avec la démocratisation d’internet et notamment les réseaux sociaux, les faits se mélangent aux opinions dans un « nuage informationnel »[1] où le sensationnel l’emporte sur le rationnel. Dans ce contexte, les entreprises ne semblent pas toutes disposées à favoriser l’esprit critique, qualité pourtant essentielle pour attribuer à chaque information le degré de certitude qui lui convient[2].
L’esprit critique, une qualité essentielle en entreprise
Pour faire face à l’intensification de leurs champs de contraintes, les entreprises doivent combiner simultanément productivité et adaptabilité[3]. Répondre à cette double exigence nécessite à la fois de comprendre le monde tel qu’il est réellement - sans s’enfermer dans un modèle de pensée pré-mâché - mais aussi d’être capable de décider et d’agir efficacement. L’esprit critique, en tant qu’examen logique continu[4], consiste à garder ses capteurs ouverts et aiguisés afin de comprendre les situations, les liens entre les choses et les marges de manœuvre dont on dispose pour y faire face. Il s’agit en cela d’une compétence clé pour faire preuve d’adaptabilité à condition de savoir gérer le risque et l’incertitude ; faute de quoi, l’esprit critique s’englue dans des boucles de contradictions sans fin.
Une qualité qui n’est pas toujours favorisée en entreprise
Créer les conditions favorables à l’expression de l’esprit critique n’est pas évident pour tous les modèles d’entreprise : appeler de ses vœux les esprits à la critique en inscrivant cette « soft skill » dans un leadership model ne peut suffire pour que les collaborateur·rices fassent réellement preuve de discernement tant les systèmes de contrôle et de pensée unique étouffent les initiatives individuelles. À l’origine de l’esprit critique, il y a la question. Or, questionner l’ordre établi peut parfois être considéré comme une forme d’impertinence voire un affront aux yeux de celles et ceux qui y verraient une menace pour leur pouvoir. Alors, dans ces entreprises-là, on prônera certainement davantage une sorte de bienveillance d’apparence au questionnement du réel, tuant ainsi dans l’œuf toute tentative de remise en question.
Un besoin d’évolution des cultures et des mentalités
En plaidant la bienveillance de façade et en refusant les conséquences de la critique, les entreprises se privent d’une confrontation pourtant source de richesse. Sans cette exposition aux questionnements, aux doutes et aux idées nouvelles, elles risquent de s’assécher et in fine de disparaître. De plus, exiger du corps social des qualités dont on ne souhaite pas voir s’exprimer les résultantes constitue une telle contradiction qu’elle est nécessairement source d’incohérences et par conséquent d’incompréhension pour les salarié·es. Si l’esprit critique est reconnu comme compétence clé, le favoriser ne peut se limiter à un travail de surface. Une réflexion en profondeur sur la culture de l’organisation, ses modes de fonctionnement et ses habitudes est nécessaire, et ce, sur plusieurs axes :
- Le respect des personnes et de leurs idées : sans quoi nous ne pouvons espérer de chacun·e qu’il ou elle exprime librement ses doutes et questionnements, fondement même de l’esprit critique.
- La transparence : si les questions constituent le fondement de l’esprit critique, la recherche de réponse en est le moteur. Sans transparence cette recherche est vaine.
- L’humilité de la remise en question : conscient·es que nous ne savons rien, l’esprit critique nous rappelle que les réponses à nos questions seront toujours partielles et temporelles. Il convient alors de rester humble et ouvert, à commencer par celles et ceux qui dirigent qui doivent accepter de ne pas détenir la vérité.
- La diversité des idées : tous les points précédents est d’autant plus vrai et bénéfique lorsque les points de vue qui s’expriment et se confrontent sont différents les uns des autres.
Alors critiquons avec esprit !
Critiquons le travail de chacun·e, les propositions, les réalisations, en étant constructif·ves et en allant dans le sens du bien commun. Ceci n’empêche pas une réelle bienveillance dans le respect de ce que chaque être humain est en tant que personne et ce qu’il fait pour le collectif. Chercher à faire progresser en questionnant et en proposant, n’est pas incompatible avec la bonne humeur et la politesse. Encore faut-il le faire sincèrement et avec discernement !
La contradiction permanente et la critique excessive consistant à s’inscrire en faux de chaque décision prise, empêchent certes de tourner en rond mais surtout de tourner tout court. Critiquer avec esprit demande d’appréhender la nuance des temps : le temps pour la réflexion et celui pour l’action, dans un cercle vertueux où l’un vient nourrir l’autre. L’examen critique permanent, l’acceptation des doutes, la remise en question des représentations établies et la diversité des idées comme moteur d’une pensée féconde sont autant de préalable à la décision éclairée. C’est à cette condition de discernement alliée à une action efficace que l’entreprise trouvera les voies de l’agilité qu’elle réclame de ses vœux.
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