Selon une étude de RégionsJob de 2017, seuls 19% des recruteurs contactent toujours les anciens employeurs des candidats et 52% le font parfois voire jamais.

Pourquoi ? Par manque de temps mais aussi par manque de crédit apporté à cette pratique. Nombreux sont ainsi ceux qui doutent fortement de l’apport de la prise de références. Principal argument avancé ? La subjectivité des référents : avis trop complaisants des référents ou a contrario propos emprunts d’aigreur avec en arrière-pensée la volonté plus ou moins dissimulée de régler des comptes.

L’étude de Frank Schmidt et John Hunter [1] attribuant un taux de prédictibilité de future réussite d’un candidat dans son poste de seulement 7 % pour une prise de références est également un argument supplémentaire en défaveur de la prise de références.

Alors que faire ? Abandonner une bonne fois pour toute cette pratique et la ranger parmi les pratiques désuètes et dépassées ? De manière contre-intuitive, je préconise plutôt l’inverse à savoir démocratiser au maximum son usage et systématiser son recours mais en améliorant sensiblement sa pratique.

J’attribue, en effet, ce score de 7% non pas à la prise de références en elle-même mais à la manière dont elle est mise en œuvre aujourd’hui au sein des organisations hors cabinets de recrutement. Force est de constater que cette ultime étape d’évaluation est trop souvent réalisée à la va-vite sans réelle préparation en amont.

La prise de références doit globalement se « professionnaliser » et être effectuée de manière plus rigoureuse, structurée et réfléchie.

Je vous invite donc à découvrir quelques-uns de mes conseils pour améliorer sensiblement et facilement vos prises de références et bénéficier au maximum des avantages de cet outil d’aide à la décision.

Bien choisir et cibler les référents

Tout d’abord, la première question à se poser c’est quels sont les référents intéressants avec lesquels échanger pour ce poste précis.

Certes, les recruteurs sont contraints par le cadre légal. Ils ne peuvent pas, en effet, recourir à des prises de références « sauvages » et ne peuvent contacter que les référents communiqués par le candidat lui-même après avoir obtenu son autorisation expresse et formelle.

Néanmoins, ce sont souvent les recruteurs eux-mêmes qui se limitent trop ou manquent d’imagination dans leurs demandes de référents à solliciter. Le contrôle de références est ainsi majoritairement mené auprès des N+1 et ce de manière écrasante (dans 45% des cas pour les cabinets de recrutement, structures les plus matures sur le sujet et diversifiant le plus leurs sources) [2].

Il est pourtant important de ne pas se cantonner aux N+1 et tout particulièrement pour les recrutements de managers. Dans ce cas précis, je recommande de contacter deux N-1 ayant été managés par le candidat en guise de référents. Ils sont les mieux placées pour en dire plus sur le mode de management réel du candidat : management directif, persuasif, participatif ou délégatif. C’est une pratique qui n’est pas assez répandue mais qui me semble cependant incontournable.

Il peut également être intéressant pour de nombreuses fonctions de diversifier ses sources et de faire appel à d’autres acteurs tels que des référents extérieurs. Par exemple, dans le cadre du recrutement d’un ingénieur d’affaires, il peut être instructif de contacter un ancien client.

Pour éviter au maximum les avis biaisés, je recommande de toujours recouper les informations en échangeant avec idéalement 3 référents, de préférence plutôt récents, pour confronter les avis obtenus.

Enfin, analyser les contacts transmis spontanément par le candidat et identifier les grands absents qui semblaient pourtant évidents est riche en enseignements et est un point qui mérite d’être creusé.

Structurer sa prise de références

La prise de références exige d’être réalisée de manière structurée, méthodique et rigoureuse.

Ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra pleinement jouer son rôle de « sécurisation » d’un recrutement et contribuer au maximum à éviter une « erreur de casting ».

La structuration lui permet, en effet, de se prémunir, autant que faire se peut, contre la subjectivité inhérente des référents ainsi que contre l’emprise des biais cognitifs aussi bien côté référents que recruteur.

En termes de structuration de l’échange (~15/20 minutes), je préconise, classiquement, un découpage en trois volets :

  • Vérifications des faits
  • Appréciation globale du candidat
  • Focus sur certains points à creuser

Cette démarche ne saurait cependant être complète et effective sans une réelle réflexion préalable sur les questions à poser et surtout sur la manière même de les formuler.

Bien préparer ses questions

Dans de nombreux cas, la prise de références se résume – en grossissant volontairement le trait - à quelques questions extrêmement larges et génériques du genre « Avez-vous bien travaillé de telle date à telle date avec Casimir et comment cela s’est-il passé ? » ne générant, en guise de réponse, qu’un « gloubi-boulga » consensuel inexploitable.

Aussi, je recommande de vraiment prendre le temps de réfléchir en amont de la prise de références aux points que l’on souhaite approfondir avec les référents et de s’interroger sur la meilleure manière de tourner les questions pour obtenir la réponse la plus authentique et la moins biaisée possible.

Il convient, en fait, d’appliquer globalement les techniques de l’entretien structuré à la prise de références à savoir :

  • identifier des points ou critères précis à creuser uniquement centrés sur l’emploi
  • préparer en amont ses questions avec une attention accrue sur la formulation
  • et privilégier les questions comportementales.

Cette manière de procéder permettra d’obtenir des réponses pertinentes et exploitables en limitant la subjectivité inhérente des parties prenantes ainsi que l’influence excessive des biais cognitifs (tout particulièrement des biais de confirmation et d’ancrage côté recruteur).

Quelques exemples de questions

Pour finir et afin d’illustrer mes propos, je vous livre, pêle-mêle, quelques exemples de questions :

  • Pouvez-vous me raconter la plus grande réussite de Casimir au sein de votre organisation ?
  • Comment se comportait-il face à des situations stressantes, inattendues avec des deadlines serrées ? Pouvez-vous me raconter un projet particulièrement stressant qu’il a mené en tant que chef de projet ?
  • Quel était son style de management ? Avez-vous en tête un conflit qu’il a dû gérer ? Pouvez-vous m’en dire plus et me décrire sa manière de gérer la situation ?
  • Casimir a-t-il régulièrement atteint les objectifs qui lui étaient fixés ?
  • Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à son futur manager pour lui permettre d’exprimer au maximum ses talents/son potentiel ?
  • Réembaucheriez-vous Casimir si l’occasion se présentait ?
  • Quelles compétences pouvons-nous aider Casimir à développer/approfondir ? Je conseille d’utiliser cette tournure en lieu et place d’une question sur ses défauts ou axes d’amélioration. Cette formulation devrait délier davantage les langues.
  • Et « la question qui tue » de Ludovic Girodon [3] : « Faisait-il partie du top 5%, 20% ou 50% de vos meilleurs collaborateurs ? ». Si le candidat était dans les 20 ou 50% : « Que lui manquait-il pour être dans les 5% ? ».

Conclusion

Par manque de temps et surtout de crédit apporté à la prise de références, moins d’un recruteur sur cinq en France y recourt systématiquement.

A titre personnel, je prône cependant un recours plus large voire systématique à la prise de références. Je suis, en effet, convaincue qu’il s’agit d’un précieux outil complémentaire d’aide à la décision si tant est qu’elle ait été réalisée de manière professionnelle et structurée en s’interrogeant en amont sur les référents à contacter, sur les points à creuser ou bien encore sur les questions à poser.

Cerise sur le gâteau, la prise de références renvoie, de plus, une image de professionnalisme aux candidats.

Attention toutefois à ne pas trop en attendre. La prise de références n’est, en aucun cas, une solution miracle et ne saurait éliminer définitivement les « erreurs de casting ».

Casimir peut, en effet, exceller sur un poste au sein de L’ile des Enfants mais ne pas s’y retrouver en termes de culture, de valeurs et de mode de management au sein de la Forêt des Rêves Bleus. Il peut également avoir récemment vécu des événements délicats qui impactent la qualité de son travail et de son intégration. Bref, Casimir est un être humain qui ne saurait totalement rentrer dans une case. Là est la limite de l’exercice mais également de tout processus de recrutement.
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Références

[1] Schmidt, Frank L.; Hunter, John E. (1998). The validity and utility of selection methods in personnel psychology: Practical and theoretical implications of 85 years of research findings, Psychological Bulletin, Vol 124(2), 262-274

[2] Consultants Cabinets de chasse tête et de recrutement : entre tabous et idées reçues, quelles pratiques et quelle contribution réelle ? | Etude du cabinet Oasys

[3] Dream Team de Ludovic Girodon

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