Une approche puissante... sous réserve de bien la comprendre

Comme toutes les notions récentes en matière de management et de RH, celle d’expérience collaborateur est suspecte : ne relève-t-elle pas d’un effet de mode ? Auquel cas il suffirait d’attendre et de laisser passer. Au regard de la façon dont certaines organisations se sont saisies de l’approche, nous affirmons ici qu’elle est structurante dans la façon d’aborder les enjeux humains dans l’entreprise. Sous réserve qu’elle soit bien comprise et abordée avec les bonnes clés.

Ne pas se tromper sur ce que c’est

L’expérience collaborateur désigne l’ensemble des interactions et expériences vécues par un collaborateur au sein de son entreprise, dans les moments essentiels de son parcours comme dans son quotidien professionnel, de son premier contact avec l’organisation jusqu’à son départ. S’interroger sur l’expérience collaborateur, c’est considérer globalement ce que vit le salarié dans son environnement de travail. Cette expérience est multidimensionnelle : elle passe certes par des éléments formels comme le contrat de travail. Elle renvoie aussi aux relations fonctionnelles et hiérarchiques, à l’équipe, au management. Plus largement encore, elle relève des processus de décision, des sensations physiques, des émotions, des conditions matérielles de travail, des outils mécaniques et digitaux, des repères, du rythme, etc.

L’erreur fréquente consiste à se limiter aux processus RH. Mais qui pourrait penser que ce que vit le collaborateur dans l’entreprise se réduit à l’impact direct ou indirect de ces processus ? Son vécu est beaucoup plus large. Il ne s’agit donc pas seulement d’œuvrer au bon ordonnancement des processus RH autour de lui, mais plus largement de comprendre, puis d’agir sur ce qui constitue son expérience globale.

Comprendre qu’il s’agit d’une rupture

Cette approche introduit une rupture essentielle : l’entreprise n’aborde plus ce que vit le collaborateur à travers le regard, la structure de pensée et les grilles d’analyse de l’entreprise, du manager ou du RH. Elle se centre au contraire sur ce que ce que vit le collaborateur à travers ses perceptions et son analyse à lui. Tout comme l’ethnologue qui veille à ne pas introduire de biais lié à son conditionnement culturel propre et à entrer dans les logiques des populations qu’il analyse.

Conséquence directe : le manager et le RH se centrant sur l’expérience collaborateur se libéreront du prisme déformant de leur métier.

Intégrer le caractère central des perceptions

Qu’est ce qui est perçu par les collaborateurs ? C’est bien de cela dont il s’agit : les perceptions. Rappelons ici que ce ne sont pas les faits qui comptent, mais bel et bien les ressentis, puisque ce sont eux qui conditionnent les comportements. « Les pensées deviennent perception, et la perception réalité. » écrivait le philosophe et psychologue américain William James.

Pour ne prendre qu’un exemple, celui de la rétribution, peu importe que les enquêtes de rémunération démontrent que l’entreprise se situe au niveau du marché si les collaborateurs sont convaincus du contraire. C’est bien cette perception qui conditionnera leur relation à l’entreprise sur cette dimension.

Définir l’expérience ciblée

Sur chacune des dimensions de l’expérience collaborateur, l’entreprise peut être vécue par ceux qui la composent comme démotivante, comparable aux autres ou différenciante. Elle doit bien sûr systématiquement œuvrer à sortir de la zone de démotivation, mais ne pourra devenir différenciante sur tout. Sur quels axes doit-elle travailler en priorité ?

Là est sans doute la clé essentielle : c’est sur les dimensions qui vont servir son business que l’entreprise doit construire une expérience collaborateur différenciante. L’autonomie et les marges de manœuvre laissées par Orangina à ses collaborateurs sont sans comparaison : l’entreprise en a besoin pour renforcer l’agilité et la vitesse qui la caractérisent dans ses relations avec ses clients de la grande distribution. Les possibilités de développer leurs compétences sont vécues comme hors normes par les collaborateurs d’Egis : ce groupe a adopté un positionnement d’expert sur ses marchés.

De même que l’entreprise structure l’expérience client à partir de sa proposition de valeur client, elle doit définir l’expérience collaborateur qu’elle cible à partir de la proposition de valeur collaborateur qu’elle a prédéfinie comme devant alimenter son activité.

Prendre en compte les effets de la crise actuelle

Nous sommes loin d’avoir cerné l’ensemble des conséquences de la crise sanitaire sur les perceptions que les collaborateurs ont de leur entreprise. Il est néanmoins vraisemblable que les ressentis des collaborateurs sur ce qu’ils vivent dans leur entreprise auront été très fortement impactés. Sans doute la diversité des situations individuelles au regard de ce qui a été vécu durant le confinement et celle des nouvelles modalités de travail génèrent-elles une hétérogénéité accrue de ces perceptions.

Cette situation renforce la nécessité pour l’entreprise d’appréhender et de mesurer ce que ressentent ses collaborateurs. Plus que jamais, manager une organisation et ses ressources humaines sans connaître les représentations et attentes des salariés revient à conduire une voiture les yeux bandés.

La première voie à emprunter est le contact direct. L’entreprise doit développer la capacité de ses managers à capturer ces ressentis, à les analyser et à agir en conséquence. Il existe aussi désormais des outils simples d’enquêtes flash qui permettent d’objectiver cette mesure, de suivre les évolutions, pour pouvoir décider ensuite des actions à mener.

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