« Ode aux recruteurs »

On a coutume de dire que la France est un pays qui compte 66 millions de sélectionneurs des Bleus ou de « procureurs » en ce moment pour actualiser la référence. Cela s’applique à merveille au recrutement. Tout le monde semble, en effet, avoir un avis sur le sujet. Dans l’absolu pourquoi pas me direz-vous mais dans les faits, ce métier souffre du syndrome du « c’est pas sorcier », « je pourrais le faire moi-même et d’ailleurs bien mieux ! ».

J’ai, pour ma part, le plaisir d’exercer ce beau métier de recruteur depuis plus de 15 ans déjà et je n’ai de cesse d’être confrontée à des retours « mitigés » sur ma profession pour manier l’euphémisme. Force est de constater que les recruteurs sont globalement peu appréciés, peu considérés voire même dénigrés. Je vous avoue être fatiguée par ces préjugés qui circulent sur ma profession.

Heureusement, les lignes sont fortement en train de bouger et ce métier est en train de gagner en visibilité et en crédibilité. On voit, en effet, fleurir depuis quelque temps plus de littérature sur le sujet, plus d’articles, plus de podcasts (comme Les Lois de l’attraction de François-Xavier Guilet), plus d’experts/blogueurs (comme Pierre-André Fortin), des spécialistes du recrutement sont mis en valeur et nommés Top Voices LinkedIn (comme Hélène Ly), des formations modernes dédiées exclusivement au recrutement voient le jour ( L’Ecole du Recrutement) et enfin les salaires sont revus à la hausse.

Bref, une nouvelle dynamique est clairement à l’œuvre et perceptible depuis quelques années avec des acteurs défendant haut et fort les couleurs du recrutement tels que, tout particulièrement, L’Ecole du Recrutement. Je me reconnais et m’inscris dans ce courant de pensée et je souhaite, par le biais cette tribune, apporter ma minuscule pierre à l’édifice et défendre ma vision du métier de recruteur.

Recruter, une activité trop souvent dénigrée

Je suis régulièrement confrontée à des retours peu flatteurs et élogieux sur le métier de recruteur.

Les recruteurs sont globalement dénigrés et perçus, disons-le franchement, comme n’ayant pas inventé l’eau tiède. Notre métier semble facile et à la portée du premier venu. De nombreuses personnes résument ainsi le recrutement à : diffuser une annonce rédigée par un manager, trier les candidatures reçues selon certains mots-clés, taper ces mêmes mots-clés dans un moteur de recherche et enfin « papoter » avec les candidats sur leur parcours.

Je ne compte d’ailleurs plus le nombre de fois où - dans mon passé au sein d’ESN et de cabinets de conseils - l’on m’a dit « Marie-Sophie, tu peux transmettre les codes de la cvthèque à X, il va faire du recrutement pour s’occuper pendant son intercontrat ?!? » Cette phrase d’apparence anodine ne l’est en fait pas du tout. Elle traduit le fait que le recrutement est profondément considéré comme une activité simple et basique que tout un chacun peut pratiquer s’il en a le temps et l’opportunité.

Au sein même des services RH sévit d’ailleurs une hiérarchie officieuse positionnant tout en bas de l’échelle les recruteurs versus les autres fonctions RH et parmi les recruteurs les chargés de recherche ou de sourcing, - bref ceux ne rencontrant pas les candidats – se retrouvent tout en bas. Il est ainsi fréquemment conseillé à un jeune diplômé ou à recruteur junior de ne pas le rester trop longtemps de peur d’être étiqueté à vie recruteur et de ne pas réussir à grimper vers un poste jugé plus ambitieux (que ce soit dans les RH ou dans le commerce).

Le recrutement est ainsi dénigré et peu valorisé. C’est un fait. Comment l’expliquer ? Cela s’explique en partie par des pratiques malheureusement encore très répandues et qui laissent à désirer et ne font pas honneur à la profession. Je ne vais pas le nier. Néanmoins, je ne peux me résoudre à ce que ces mauvaises pratiques entachent toute la profession et la perception même de ce métier.

Recruter, un vrai métier à part entière

Vous l’aurez compris, je ne suis pas d’accord avec cette manière de considérer ou plutôt de déconsidérer mon métier.

Non le recrutement n’est pas une activité à la portée du premier venu à qui l’on transmettrait les codes d’une cvthèque. Non, le recrutement ne s’improvise pas et ne repose pas que sur le fameux « feeling » car il s’agit d’un vrai métier à part entière.

Il est étonnant d’avoir besoin de le dire en 2021 mais recruter est un métier et comme tout métier, il s’apprend. C’est certes un « art » qui se peaufine sur le tas avec l’expérience mais qui nécessite néanmoins préalablement d’acquérir un réel bagage théorique et technique. En effet et comme l’exprime parfaitement Nicolas Galita « plus on connaît la théorie de sa discipline et plus on évite les erreurs des gens qui nous ont précédés. Au lieu de réinventer la roue on se hisse sur les épaules des êtres humains. Et on décuple sa performance et son plaisir. »

A la croisée du marketing, de la communication, des sciences humaines et de la vente, le recrutement est un métier riche et complet qui requiert la mise en œuvre de compétences pluridisciplinaires et nécessite une réelle formation spécifique initiale mais aussi continue.

En très forte évolution ces dernières années, le recrutement exige une veille constante ainsi qu’une perpétuelle remise en question de ses pratiques et de leur adéquation avec les mutations du monde du travail et les attentes de plus en plus élevées des candidats

Et c’est là que le bât blesse en France et c’est ce qui peut également expliquer, en partie, la mauvaise réputation des recruteurs. La France propose peu de formations ciblées exclusivement sur le recrutement. Or comment positionner au mieux une profession et ses acteurs s’il n’existe pas de réelle formation et si l’on considère que la formation n’est pas un passage obligatoire ?

Ce rôle incombe en premier lieu aux recruteurs eux-mêmes puisque chaque professionnel est responsable de sa propre employabilité mais aussi aux organisations qui doivent comprendre que les recruteurs ont vraiment besoin d’être formés. Cela est d’autant plus essentiel que les recruteurs portent une vraie et lourde responsabilité sociétale.

Recruter, une indéniable responsabilité sociétale

En première ligne face aux candidats, les recruteurs ont une lourde et authentique responsabilité sociétale et sont un maillon crucial de la « chaine de l’emploi ».

En tant que premier maillon, ce sont, en effet, les recruteurs qui décident ou non de retenir un profil et de lui donner la possibilité de poursuivre le processus de recrutement et de défendre ses chances pour un poste.

La politique de l’emploi passe donc avant tout par les recruteurs eux-mêmes. Ces derniers sont extrêmement bien placés pour faire bouger les lignes et peuvent, de manière très concrète, contribuer à faire évoluer les mentalités que ce soit sur la diversité, le handicap, les profils jugés « atypiques » ou bien ne cochant a priori pas toutes les cases.

Le rôle des recruteurs est donc critique et hautement stratégique au sein de notre société.

Il est donc d’autant plus essentiel que les recruteurs soient bien formés pour réussir à dépasser leurs préjugés potentiellement discriminatoires, pour diminuer drastiquement les effets délétères de leurs biais cognitifs et enfin pour leur permettre de discerner au mieux les compétences ainsi que le réel potentiel d’un candidat au-delà d’un discours ou d’un CV parfois maladroits.

Conclusion

Victime du syndrome « c’est pas sorcier », « je pourrais le faire moi-même et d’ailleurs bien mieux ! », le recrutement n’est globalement pas valorisé à sa juste valeur en France.

Recruter est pourtant un vrai métier à part entière et je dirais même un très beau métier puisqu’il se positionne comme un trait d’union entre les besoins en talents d’une organisation et les compétences et aspirations des candidats.

Pour ma part, je suis très fière d’être recruteuse et j’espère donc que ce métier va continuer à gagner, année après année, en professionnalisme, en crédibilité ainsi qu’en légitimité et qu’il sera enfin reconnu à sa juste valeur.

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