Pourquoi l’agilité est-elle devenue un enjeu majeur, au regard de ce qui se joue pour les entreprises en ce moment ? Deux facteurs se combinent. D’une part l’accélération des transformations qui les impactent, et en premier lieu celles de leur champ concurrentiel. D’autre part le caractère volatile, incertain, complexe et ambigu de leur environnement. Les lourdeurs de nombreuses organisations ne permettent plus de faire face à ce monde en mutation continue.

L’agilité, c’est à dire ?

Avant d’identifier les pistes permettant à une entreprise de développer son agilité, encore faut-il définir ce que cette notion recouvre. L’agilité renvoie, pour une organisation et ceux qui la composent, à une forme de souplesse, de vivacité, de rapidité de mouvement et de capacité à changer de pied, notamment sous l’impact d’une modification effective ou envisagée de leur environnement.

Nous évoquons donc bien ici un enjeu humain, à la fois culturel et organisationnel, et non une méthode ou une approche. La confusion est trop souvent faite entre la nécessité pour une entreprise de développer cette agilité et les méthodes élaborées par le monde de l’informatique dans les années quatre-vingt-dix en matière de gestion de projet. Celles-ci ont certes fait leurs preuves. Elles sont riches d’enseignements et de bonnes pratiques, nous y reviendrons. Mais limiter l’approche de l’agilité à ces méthodes, aussi utiles soient-elles, serait justement faire preuve de bien peu d’agilité d’esprit !

Évacuons également l’idée selon laquelle pour une entreprise, le développement de l’agilité permettrait de se passer de stratégie. Quand un bateau est pris dans la tempête, il doit certes s’adapter aux éléments, mais il serait aberrant qu’il renonce à son port de destination, celui-là même qui donne du sens à son voyage. L’agilité est au contraire un formidable moyen pour faciliter la réalisation effective de la stratégie.

Il est relativement aisé pour une nouvelle entreprise, créée dans le contexte d’aujourd’hui, de faire preuve d’agilité. Encore faudra-t-il qu’en se développant, elle soit vigilante à ne pas introduire de rigidités dans ses fonctionnements. Déployer le niveau d’agilité requis par leur environnement est parfois beaucoup moins simple pour les entreprises plus anciennes, qui peuvent avoir un héritage lourd à porter et doivent alors se réinventer. La période récente nous montre que la cause n’est jamais perdue : l’entrée brusque dans le premier confinement, avec la capacité démontrée par de nombreuses entreprises d’adopter des modes de travail nouveaux en un temps record (rappelons-nous que le télétravail par exemple, était réputé impossible depuis des années pour de nombreuses populations), a ainsi montré que la somme des agilités individuelles pouvait se substituer à l’absence d’agilité organisationnelle.

Les deux dimensions de l’agilité

Renforcer significativement l’agilité en dépassant les rigidités suppose, pour une entreprise, d’œuvrer de manière articulée sur deux dimensions.

La première est de nature culturelle. Il va s’agir de développer les comportements caractérisant et autorisant cette agilité. Dans une organisation qui se veut agile, les décisions du quotidien doivent être décentralisées au plus près des enjeux. Ce qui suppose de développer chez tous des attitudes proactives, l’intelligence des situations et la prise d’initiatives. L’entreprise agile appelle aussi un mode de travail plus collaboratif, avec des logiques de confiance et des comportements de coopération. La curiosité, la capacité à penser en dehors du cadre et à adopter des réponses innovantes sont également essentielles.

La seconde dimension à travailler est de nature organisationnelle. Trop souvent, l’entreprise est contrainte par une structure silotée et un carcan de normes et de procédures, ou même seulement par des habitudes de fonctionnement qui viennent l’alourdir et pèsent sur sa réactivité. C’est tout ce cadre organisationnel qu’il s’agit d’alléger pour qu’il ne vienne pas nuire à l’efficacité de l’entreprise.

Les chantiers concrets pour développer l’agilité

Pour progresser sur cet enjeu, une entreprise pourra engager différents types de chantiers :

  • Transformer les comportements des managers, en formalisant ceux désormais attendus de cette population et en aidant chacun à les développer.
  • Alléger le corpus organisationnel en revisitant chacune de ses composantes au regard de l’équilibre entre sa valeur ajoutée éventuelle et la contrainte qu’elle pose.
  • Réviser les processus de décision à partir du principe de subsidiarité et en veillant à ce que la volonté de consensus ne vienne pas l’alourdir.
  • Encourager une logique de test & learn permettant d’initier des projets sans attendre que tout soit complètement « bordé » en amont.
  • Pour certains projets, mener des expérimentations sur une entité avant de généraliser l’approche.

Une précaution

La transformation d’une entreprise vers plus d’agilité ne se décrète pas. Ses modalités doivent être élaborées par les collaborateurs. Mais ceux-ci ont pu évoluer dans un environnement peu agile. Leurs repères, leurs réflexes, leurs grilles d’analyse risquent de peser durant la co-construction.

Il sera donc indispensable d’accompagner ce travail de conception en challengeant ceux qui le réalisent sur le niveau d’ambition, l’ampleur de la remise en cause et le rythme de la transformation. C’est à cette condition que la démarche de transformation elle-même sera à l’image des changements ciblés.

Une illustration

Entité autonome au sein du Groupe, la Direction des Clients Professionnels d’Engie s’est construite en PME réactive. Mais au regard de l’ambition contenue dans sa vision, elle a considéré qu’elle se devait de passer à l’étape supérieure en matière d’agilité.

Sur chacun des axes de transformation identifiés à partir de cette vision, un groupe de travail a été mis en place avec pour mission d’élaborer des préconisations sur un temps court et en associant l’ensemble des collaborateurs. Une démarche d’interactions avec des boucles courtes menée ensuite avec l’équipe de direction a permis d’arrêter le plan d’action à mettre en œuvre. Dans la phase suivante, ce sont à nouveau les collaborateurs qui ont été aux manettes pour assurer la mise en œuvre effective des transformations culturelles et organisationnelles décidées avec eux en amont, avec une démarche de suivi structurée autour d’indicateurs business.

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