#1 : Une responsabilité individuelle pour faire société

L’attitude attentiste qui consisterait à croire que l’entreprise se porte garante du devenir de ses salariés, sans que ceux-ci n’aient leur part de responsabilité dans leur propre développement, se méprend non seulement sur le rôle de l’entreprise mais également sur ce que nécessite l’apprentissage en termes d’investissement personnel. La question du rôle de l’entreprise dans le développement des compétences des salarié×es ne peut donc se limiter à des « y a qu’à, faut qu’on » aussi futiles qu’inutiles et doit dépasser la seule obligation légale – qui, malheureusement, conduit parfois à de purs artifices de conformité. L’enjeu est finalement de s’intéresser à ce qui pourrait motiver une entreprise à veiller au développement de ses salariés.

Apprendre à apprendre – le socle de l’agilité

Dans un contexte où les compétences évoluent sans cesse et où l’on nous dit que les métiers de demain n’existent pas encore, comment s’assurer de disposer de ces compétences au moment opportun alors même que nous ignorons ce qu’elles seront ? C’est bien un des défis auxquels est confrontée l’entreprise qui semble alors avoir trois leviers pour y répondre : un levier externe qui consisterait à acheter une autre structure où se trouve ces compétences recherchées et deux leviers internes : recruter de nouveaux collaborateurs ou développer les collaborateurs qui sont déjà présents. Avec comme toujours un chemin intermédiaire et toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Bien que le recrutement présente de réels avantages dans certains cas, y avoir recours systématiquement nie deux réalités :

  • D’abord celle du temps nécessaire au recrutement, entre le moment où l’on prend conscience du besoin et celui où on le pourvoi, le train a déjà filé.
  • Ensuite celle de l’évolution par nature continue desdites compétences.

Ce dernier point nous conduit alors à changer la manière dont on envisage le sujet en entreprise : il ne peut plus y avoir des temps séparés et mis en série pour la définition, le développement et la mise en pratique des compétences clés. Pour assurer sa pérennité, voire sa survie, l’entreprise doit allier productivité et adaptabilité, en même temps. Intégrer les évolutions en matière de compétences pour permettre une meilleure performance doit donc se faire au fil de l’eau, de manière permanente et continue. Et cela repose avant tout sur la capacité des individus à apprendre au gré des évolutions. Apprendre à apprendre, cette méta-compétence qui invite chacun à faire preuve de curiosité et d’esprit critique, à établir des liens entre les concepts et à les mettre en pratique, devient alors un socle essentiel à l’agilité que les entreprises appellent de leurs vœux !

Développer une culture de l’apprentissage

« Développer les compétences des collaborateurs coûte cher » nous dira-t-on et il n’est pas question de le nier. Les formations, les coachings et autres programmes de développement engagent un coût non-négligeable pour l’entreprise d’où la nécessité de prioriser ces investissements en termes d’urgence et de criticité pour les populations et compétences clés.

Mais au-delà de ces actions « coup de poing » permettant l’obtention d’un résultat rapide, une réflexion plus long terme sur la culture d’apprentissage semble nécessaire touchant ainsi l’ensemble de la population de l’entreprise, sans distinction. Une grande partie de l’apprentissage se fait directement sur le terrain, en se confrontant à la réalité des situations et en cherchant à agir. Cela pose alors naturellement plusieurs questions :

  • Le droit à l’erreur : Pour apprendre, nous devons tenter, essayer et donc se tromper. Or, nous observons parfois deux extrêmes sur ce sujet. Certains nient l’erreur, la mettant sous le tapis, considérant qu’elle n’existe pas : les talents ne se trompent pas et ne rencontrent aucune difficulté, ces mots étant bannis du vocabulaire ! Et d’autres la pointent du doigt et cherchent davantage un coupable qu’une solution nouvelle. Cela conduit, dans les deux cas, à masquer l’erreur sans en tirer profit et donc à la répéter à l’infini.
  • L’esprit critique : Apprendre c’est aussi se questionner et questionner les autres pour chercher à progresser individuellement comme collectivement. Accepter la critique et être capable de se remettre en question est alors essentiel dans une perspective de performance durable. L’entreprise, et donc a fortiori ses dirigeants, doit accepter cette critique et chercher à remettre en question ses pratiques.
  • Le partage d’information : sans disposer des informations nécessaires, la quête d’apprentissage est vaine. Décloisonner les savoirs en entreprise, partager l’information de manière plus transparente, faire la pédagogie du projet contribuent alors nécessairement au développement des connaissances de chacun. Sans tomber dans l’écueil de la formalisation absolue de l’ensemble des savoirs, nous devons chercher à favoriser cette culture du partage.
  • L’amélioration continue : Il ne s’agit pas simplement de mener des rétrospectives et d’inviter les équipes à partager des « retours d’expérience » mais bien de laisser la place aux équipes d’en tirer réellement des leçons qui en découlent. Cela suppose, parfois, de repenser les modes de gouvernance et autres instances de décisions, mais aussi de questionner la place que nous laissons à l’autonomie de chacun dans l’organisation de son activité.

La question de l’apprentissage en entreprise dépasse de loin le domaine du légal pour rejoindre celui de la performance. Apprendre à apprendre constitue une compétence clé pour faire face aux évolutions de notre environnement et développer notre capacité à nous adapter en continu. Si la capacité d’adaptation des individus n’est pas le seul axe de travail des entreprises pour renforcer leur résilience ou leur agilité, il n’en demeure pas moins un des axes fondamentaux.

Une fonction RH qui – à défaut d’être stratégique – souhaite apporter une réelle valeur au business de l’entreprise et prendre sa part pour assurer une performance durable doit s’emparer du sujet de l’apprentissage continu et investir le champ de la culture d’entreprise. S’il est impossible d’aller complètement à contre-courant de la culture qui est la nôtre et que définir de nouvelles valeurs ne suffit pas à la changer, il n’y a néanmoins aucune fatalité. Nous avons tous un rôle à jouer pour faire évoluer notre culture d’apprentissage, à commencer par prendre conscience de sa nécessité puis par faire évoluer notre propre vision de ce qu’apprendre nécessite ainsi que nos pratiques individuelles et collectives.

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