Pour répondre aux transformations de leur environnement, les entreprises doivent s’appuyer sur l’ensemble du potentiel individuel et collectif de leurs collaborateurs. Pour que ce soit possible, beaucoup ont pris conscience de la nécessité d’une mutation de leur modèle relationnel.

Celle-ci suppose de développer l’autonomie des collaborateurs afin qu’ils puissent déployer initiative et intelligence des situations. Elle appelle une animation sur la nature des activités, voire sur leur finalité, et non plus sur leurs modalités. La confiance, condition de la coopération et de l’intelligence collective, est nécessaire. La crise sanitaire a été utilisée comme une opportunité par certaines organisations pour avancer en ce sens.

Une condition de réussite

Pour autant, cette mutation ne peut être menée à bien que si les dirigeants eux-mêmes déploient au quotidien les soft skills correspondant à ce modèle relationnel. Leurs comportements sont en effet scrutés par les collaborateurs. Ces derniers n’évolueront dans leurs pratiques que si l’exemple est donné par les dirigeants eux-mêmes. Les approches du type « Faites ce que je dis, pas ce que je fais. » sont inopérantes et les entreprises qui ont tenté cette transformation sans que les dirigeants ne soient des « role models » en la matière ont échoué.

Cela suppose de dépasser le modèle d’autorité dont nous avons hérité, caractérisé par une posture haute et déséquilibrée du dirigeant avec ses interlocuteurs internes, avec notamment un impératif de respect souvent à sens unique. Ces postures de pouvoir ne sont plus adaptées à la société contemporaine.

Les pratiques du dirigeant à cibler sont également bien loin des clichés et des discours sur le « leader », entraînant ses collaborateurs grâce à son charisme et à ses qualités intrinsèques. Cette conception, tarte à la crème managériale, correspond à un modèle d’autorité dépassé, celui du « surhomme ».

Le profil émergent adopte avec ses collaborateurs une posture équilibrée, correspondant à celle attendue entre deux adultes responsables qui ont une contribution mutuelle à s’apporter. Il a intégré que la subordination juridique qui caractérise le contrat de travail n’est pas supposée entraîner une subordination psychologique. Il sait que les postures formelles et artificielles de pouvoir ne sont pas nécessaires pour asseoir son autorité.

Une difficulté

Transformer ainsi la nature de ses interactions n’est pas chose aisée pour le dirigeant. Comme chez tout autre acteur de l’entreprise, les réflexes sont profondément ancrés. Il ne suffit pas d’avoir compris et intégré la nécessité de faire évoluer ses comportements pour que la pratique suive. Il y a donc bien un enjeu majeur de développement de ces nouvelles soft skills chez les dirigeants. Et c’est là qu’apparaît une difficulté qui a pu amener certaines entreprises à caler devant l’obstacle.

« J’aime toujours apprendre, mais je n’aime pas que l’on m’enseigne. » affirmait Churchill. Cette posture est aujourd’hui très largement présente chez les dirigeants. Ils sont souvent conscients de la nécessité de continuer à se développer, au regard de l’évolution des compétences requises par les transformations de l’environnement de l’entreprise. Pour autant, beaucoup sont réticents devant les formes traditionnelles d’apprentissage. A fortiori quand il s’agit de travailler sur la dimension relationnelle, ressentie comme relevant de l’intime.

La modalité de développement la plus impactante

La réponse sera individuelle. Le rapport du dirigeant à l’apprentissage et le sentiment de vulnérabilité qui peut exister lors d’un travail sur ses axes de progrès l’imposent. Elle sera portée par un acteur externe, afin de respecter la distance nécessaire sur les contenus. Ces deux conditions permettent de prendre en compte la « logique de l’honneur », décrite par Philippe d’Iribarne comme caractérisant les rapports de pouvoir en France, « aussi exigeante dans les devoirs qu’elle prescrit que dans les privilèges qu’elle permet de défendre ».

Cette approche conduit de nombreuses entreprises à recourir au coaching. La démarche présentée ici, déployée dans de nombreuses organisations, en est différente sur plusieurs dimensions, même si elle peut être couplée avec un autre accompagnement qui relève du coaching. Elle a permis de transformer en profondeur les pratiques de dirigeants de nombreuses entreprises.

La première caractéristique qui la différencie part d’un constat : ce n’est pas l’accompagnement qui transforme la pratique du dirigeant, c’est la mise en œuvre d’actes concrets au quotidien qui ancre progressivement cette transformation. Autrement dit, « la main transforme le cerveau » et non l’inverse. Ce qui suppose que ce soit ces situations concrètes qui soient traitées durant les sessions. Il va s’agir d’analyser avec le dirigeant les situations qu’il a vécues dans les jours qui précédent le rendez-vous, d’identifier les bonnes pratiques et de les caractériser comme telles pour les ancrer et a contrario de cerner ensemble là où les pratiques auraient dû être différentes, dans une logique de retour d’expérience. De la même façon, le dirigeant préparera avec celui qui l’accompagne les échéances concrètes à venir en définissant les comportements qu’il prévoit de déployer. Les intersessions seront utilisées pour la mise en œuvre afin d’ancrer les bonnes pratiques.

Devoir ainsi identifier durant les intersessions les situations pratiques qui seront traitées durant les sessions permettra au dirigeant de rester vigilant sur la mise en œuvre effective des pratiques reconfigurées.

Ce dialogue sera alimenté des enjeux business que le dirigeant doit traiter, de manière à réaliser un travail sur-mesure. Cela suppose pour le conseil d’avoir compris les enjeux stratégiques de l’entreprise et les transformations à l’œuvre. En ce sens, il s’agit tout autant d’un accompagnement métier que d’un support sur les soft skills, les deux étant indissociables dans cette approche.

La seconde différenciation par rapport au coaching relève de la posture. Lors des sessions, l’accompagnateur prendra position. Il challengera le dirigeant lorsqu’il l’estimera nécessaire. Il alimentera l’échange en fournissant des grilles d’analyse, des outils. Il pourra par exemple partager son approche de l’articulation entre exigence et bienveillance, de l’utilisation du questionnement, des démarches de valorisation, etc.

En se positionnant ainsi en partenaire, en faisant preuve d’autant d’exigence vis-à-vis du dirigeant que celui-ci est en droit d’en avoir avec lui, le conseil mettra lui-même en œuvre la posture équilibrée du modèle relationnel cible.

Avec la décision organisationnelle de regrouper au sein d’une même entité ses Directions digitale et informatique, une grande entreprise publique a créé les conditions pour que ces métiers basculent dans un modèle relationnel moderne. Mais pour que cette mutation devienne effective, plusieurs dirigeants ont dû développer de nouvelles soft skills. Le dispositif alors mis en place pour chacun de ces dirigeants a été structuré autour de 10 sessions individuelles d’une heure et demie, chacune couplée avec une séance de coaching. Résultat : quelle que soit l’ampleur du chemin à parcourir, chacun de ces dirigeants a transformé en profondeur ses pratiques, dépassant le modèle traditionnel d’autorité pour déployer des comportements adaptés à l’agilité requise de cette entité.

Au regard du défi que représente cette mutation du modèle relationnel et du rapport particulier qu’ont en France les dirigeants avec l’apprentissage, la route est étroite pour identifier les modalités de développement les plus impactantes. L’entreprise ne peut plus se limiter à recourir par défaut à des réponses pré-formatées qui, certes, permettent d’affirmer que le sujet est pris, mais ne transforment pas en profondeur les pratiques des dirigeants. Il s’agit désormais pour elle d’inventer des voies nouvelles.

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