Les universités d’entreprise ont connu le succès au début des années deux mille. Depuis, certaines ont végété. Leurs contenus ont parfois peu évolué, hormis un effort de digitalisation. Au point que désormais, beaucoup ne les considèrent plus comme un outil pertinent. Si le développement des compétences n’est abordé que comme un « objet social », ils ont raison. Mais l’université d’entreprise peut devenir un outil puissant au service du business, en repositionnant l’enjeu compétences.

Les compétences comme enjeu stratégique

Fort heureusement, nombreuses sont les organisations qui ont intégré une réalité : jamais le développement des compétences n’a représenté un tel enjeu pour le business. Tout d’abord parce que dans certains secteurs, les compétences requises évoluent tellement vite que faute de prendre l’enjeu à bras-le-corps, l’entreprise pourrait se voir expulsée de son marché. Dans certains domaines d’activité, une maîtrise plus poussée que les concurrents de de certaines compétences individuelles et collectives peut même constituer un avantage compétitif.

Nous ne parlons pas seulement ici des expertises métiers. La différence avec les autres acteurs du marché peut aussi se faire sur la maîtrise de soft skills : sur certains marchés, l’agilité des acteurs entrants a ainsi mis à mal les entreprises traditionnelles.

Dernière raison et non la moindre de positionner de cette façon l’enjeu compétences : les pénuries de compétences ont et auront de plus en plus de conséquences sur les entreprises qui ne prendront pas les mesures adaptées. Si la pénurie de profils qualifiés est aujourd’hui estimée en France à 300 000, les projections à 2030 portent ce chiffre à 1 500 000. Certaines organisations disparaitront parce qu’elles n’auront pas su s’attacher ou développer les compétences nécessaires à leur activité.

Les questions posées

La question première porte sur l’identification des compétences stratégiques à développer : quelles sont celles que nous avons besoin de maîtriser pour déployer notre projet stratégique ? En déclinant ce projet stratégique en compétences requises, il va s’agir pour l’entreprise de construire sa stratégie compétences à plusieurs années. Celle-ci précise les compétences de nature stratégique, mais aussi l’ordre de priorité pour leur développement. Elle permet d’identifier les populations à cibler : un nombre limité de dirigeants et potentiels, les managers, les experts ou bien l’ensemble des collaborateurs. Elle est simple, lisible et centrée sur les principaux enjeux.

Parmi les compétences stratégiques identifiées, la stratégie compétence fait la distinction entre :

  • Celles qui sont différenciantes par rapport à celles des concurrents (exemple : compétences liées à la « signature client ») et qui constituent donc un avantage concurrentiel. Celui-ci doit être protégé. Leur développement sera donc réalisé en interne.
  • Les autres compétences, stratégiques également puisque leur maîtrise conditionne la mise en œuvre du plan stratégique, mais qui sont largement mises en œuvre dans le secteur. Leur développement peut être externalisé.

Deuxième question : en arrière-plan de la stratégie compétences, comment développer une culture de l’apprenance ? Il va s’agir de faire évoluer la posture de chacun des acteurs dans l’entreprise sur l’enjeu du développement du collaborateur. L’intéressé tout d’abord, qui sur la base de cette sensibilisation et de la mobilisation qu’elle doit générer, va devenir acteur engagé dans son développement. Son manager ensuite qui doit être tenu pour comptable de ce développement et le faciliter. Un projet bien mené en la matière permet de réaliser cette bascule culturelle en 18 à 24 mois.

Troisième question enfin : comment construire et déployer les modalités de développement les plus adaptées ? Les contenus doivent être définis avec un objectif : générer la mise en œuvre effective de la compétence. Ce qui suppose un renouvellement des modalités d’apprentissage et une transformation de l’ingénierie pédagogique. Pour des raisons d’efficacité et d’impact, les entreprises sont notamment conduites à développer l’apprentissage accompagné en situation de travail.

L’université d’entreprise, une réponse puissante

Si nous n’abordons que maintenant le thème même de cette chronique, c’est bien parce que la décision de construire une université d’entreprise ne doit en aucun cas être préalable à la réflexion ci-dessus. Ce n’est qu’une fois ces questions traitées que l’entreprise devra s’interroger : au regard de nos réponses, la mise en place d’une université d’entreprise est-elle la réponse adaptée ?

La réponse ne fait aucun doute lorsqu’une rupture doit être introduite dans la stratégie compétences et son déploiement. A fortiori quand la réactivité des entités opérationnelles dans la mise en œuvre d’une politique groupe est faible. La construction de la stratégie compétences, le développement d’une culture de l’apprenance, l’intégration d’approches pédagogiques innovantes ne peuvent alors être assurés que par une structure centrale maîtrisant les expertises requises et disposant du positionnement adéquat. La mise en place d’une université d’entreprise permettra de « renverser la table ».

Les ingrédients

Une telle entité devra alors traiter trois enjeux :

  • La formalisation des contenus les plus pertinents au regard de la stratégie de l’entreprise et des transformations ciblées, en adoptant des modalités pédagogiques qui s’autorisent à « sortir du cadre ».
  • L’accompagnement du déploiement, qui renvoie à d’autres savoir-être et suppose une présence terrain forte.
  • Une gestion de cet ensemble (organisation administrative, recherche de financements, gestion des partenaires, etc.) qui n’alourdit pas le fonctionnement des entités accompagnées.

Ces trois enjeux ne renvoient pas aux mêmes savoir-faire. Lors de la mise en place d’une université d’entreprise, les expertises en matière de conception sont souvent à renforcer, en intégrant des profils experts. A contrario, les personnes travaillant sur le déploiement doivent avoir une connaissance étroite et ancrée du terrain et de ses acteurs. Quant à la dimension gestion, elle relève sans ambiguïté de métiers différents.

Les organisations qui ont mené une telle réflexion et ainsi mis en place leur université ont de fait construit un avantage concurrentiel supplémentaire et accéléré la mise en œuvre du projet stratégique.

Ainsi, pour réussir la mise en œuvre de son Projet « Producteurs & Commerçants », Intermarché a identifié la nécessité de transformer en profondeur les compétences déployées par ses équipes magasin et de renforcer les expertises des fonctions d’appui. La décision de structurer et de mettre en place l’Académie Intermarché a été prise après avoir œuvré avec les métiers à formaliser la stratégie compétences et à mesurer l’ampleur de l’enjeu. Sa mission : « Faire du développement des compétences des collaborateurs le moteur de la performance d’Intermarché ». Elle est désormais structurée en trois pôles (Conception / Déploiement / Gestion), en ayant défini pour chacun les savoir-faire requis, les moyens dédiés et l’organisation détaillée. Les premières actions de développement conçues et déployées par l’Académie ont permis de démontrer par la preuve l’impact de sa mise en place sur l’activité des points de vente.

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