Et si on m’avait dit…

Et si on nous avait dit qu’en ce beau mois de mars, à l’aube du printemps, nous allions pendant des semaines et des mois être enfermés … je pense que vous auriez dit que la personne qui vous raconte cette histoire est folle. Et pourtant, c’est bien ce qui s’est passé ! Les entreprises ont été totalement changées par la crise sanitaire. À telle point que c’est toute la culture d’entreprise qui s’est retrouvée chambouler.

Pour les RH, mais également pour les directions générales, c’est une remise en cause, non pas de leur rôle ou de leurs fonctions, mais bien de l’action qu’il faut mettre en place pour répondre à ce challenge.

Les actions autour du télétravail qui répondent à la problématique sanitaire sont en vérité des enjeux anciens au sein des entreprises, très liés aux questions de management et donc de culture d’entreprise. On sait qu’en France c’est un sujet très compliqué pour de multiples raisons, à la fois lié à notre modèle social mais également à la défiance des acteurs en présence. D’où justement l’importance de la culture d’entreprise pour désamorcer ces difficultés et poser un cadre précis.

La longue histoire de la culture d’entreprise

La culture d’entreprise est un sujet qui a émergé dans les années 80 quand on a pris conscience que la trajectoire des organisations dépendait énormément de la manière dont les employés s’appropriaient collectivement les valeurs positives de l’entreprise. C’est d’ailleurs au tournant des années 80 que le « directeur du personnel » est devenu le « responsable des ressources humaines ». La culture d’un groupe est une ressource essentielle pour le fonctionnement, la productivité et le collectif de manière générale : ce n’est donc pas nouveau. Le télétravail met en lumière la question de la culture d’entreprise en particulier du point de vue du rapport de confiance. Que fait mon collaborateur si je ne le vois pas ? Est-il vraiment en train de travailler ? Comment puis-je m’en assurer ?

C’est toutes les représentations de l’organisation, et donc la culture de l’entreprise, qui sont au cœur de ce sujet.

Le problème est que la culture d’entreprise dans un modèle dit « classique » se déploie par capillarité et par rencontre entre les personnes physiques. C’est un espace social de propagation de cette culture. Il suffit de monter dans un ascenseur dans une grande tour de la défense pour comprendre en quelques secondes quelles sont les us et coutumes de la « tribu » qui peuple cette tour.

Mais alors comment faire quand tout est devenu digital ? Quand tout le monde est partiellement à distance ? Quand il n’y a plus le contact physique pour faire prévaloir ma culture par l’exemple ? Il faut dès lors remettre de la culture… dans le digital.

L’analyse par la métaphore des singes

Mais avant de revenir sur la culture d’entreprise digital, faisons un détour par nos amis les singes. Pourquoi les singes ? Le sociologue Pascal Picq a analysé le comportement des singes en tribu pour en tirer des leçons sur notre « tribu » humaine et le télétravail[1]. Il différencie deux modes de communication radicaux. D’un côté, les macaques qui pratiquent une communication plutôt descendante, hiérarchique, avec des dominants au sommet et de l’autre, les chimpanzés qui fonctionnent plutôt en petits groupes qui collaborent et entretiennent des relations entre eux au sein de la tribu.

Or, ce qui s’applique pour les singes est tout à fait reproductible pour nous autres humains. Ce que nous appelons culture c’est ce mélange subtil de communication interne et de collaboration, une sorte de croisement entre ces deux dimensions. Par exemple la communication est-elle descendante ou au contraire horizontale ? Qu’est-ce qui est accepté ? Qui a le droit de parler à qui ? Comment fonctionnent les prises de décisions ? Sont-elles collégiales, partagées, transparentes ? Ou au contraire privées et cloisonnées ?

Aucun jugement de valeur derrière ces différents modèles. On ne peut pas appliquer à toutes les organisations et toutes les entreprises la même culture et les mêmes méthodes de collaboration de la même manière. En revanche, il est essentiel que chacun sache comment se comporter face une prise de décision, une prise de parole ou une situation professionnelle.

Pourquoi c’est essentiel pour l’entreprise ?

Cette compréhension de la culture est finalement intimement liée au sentiment d’appartenance. On peut le résumer de la façon suivante : j’appartiens à la tribu des macaques. Je me comporte donc comme tel. Mais au sein d’une tribu de chimpanzés, il m’est possible de me comporter à mon tour en chimpanzé plutôt qu’en macaque. C’est la faculté d’adaptation extraordinaire de l’Homme qui est en jeu et cela concerne également, et en premier lieu, le comportement et l'adaptation au monde du travail.

C’est d’ailleurs là toute la dimension de l’expérience des nouvelles méthodes de travail (holocratie, sociocratie, entreprise 3.0, …) via lesquelles les personnes sont définies par des rôles plutôt que par des fonctions. Ce qui permet du coup d’être par exemple, le matin, un créatif ouvert et l’après-midi un dirigeant directif.

Comment répondre à cet enjeu dans le digital ?

Cette demande de culture dans le digital aboutit à la constitution d’espaces digitaux dédiés à la propagation et à l’appropriation de cette culture d’entreprise. C’est le sens premier d’ailleurs de l’intranet qui est un outil essentiel pour propager les valeurs de l’entreprise, partager des documents de charte mais également faciliter l’accueil des nouveaux collaborateurs. Ce dernier point porte le nom d‘onboarding : le fait de propager à tous les nouveaux membres de la tribu les bons réflexes concernant la culture de l’entreprise qu’ils viennent de rejoindre.

Ce qui est également nouveau dans le digital, c’est que les outils SaaS dans le cloud sont désormais dévolus aux responsables métiers et plus au seul directeur des systèmes d'information. On retrouve comme usagers la communication interne bien sûr, le responsable des ressources humaines mais aussi les directeurs de business unit… Ce n’est plus le pré carré de la DSI : c’est même en dehors du secteur de la DSI que l’on peut aujourd’hui propager des intranets de manière extrêmement simplifiées pour partager cette culture.

Les RH l’ont bien compris et se sont jetés sur ces intranets nouvelle génération afin de reprendre la main sur la communication des valeurs et de la culture par le digital. Car oui : c’est bien dans le numérique que se trouvent aujourd’hui les forces vives qui viennent quotidiennement récupérer l’information dont elles ont besoin pour leur activité.


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