Avoir la capacité de se mettre à la place de l'autre sans se confondre avec lui, voilà ce qu'est l'empathie.

Cette disposition favorise la qualité relationnelle. Elle ouvre un chemin vers la compréhension de l'autre : émotionnelle et/ou intellectuelle. Elle passe le plus souvent par la communication, mais pas toujours : on peut être empathique et ne pas piper mot.

L'empathie se distingue de la sympathie et de la compassion. Et elle s'éloigne résolument de l'apathie ou de l'antipathie.

Elle est à la mode. On lui prête toutes les vertus. Pourtant elle a des versants sombres, toxiques et inavouables. Je vous propose un tour d'horizon de quelques pièges, ainsi qu'une proposition simple pour rester dans un exercice positif et constructif de votre capacité vous ouvrir aux autres.

Le poids du conformisme.

L'injonction à écouter et comprendre l'autre, à se mettre « dans ses chaussures », fait peser sur chacun le poids de la norme sociale, la norme du groupe. Pour être validé par nos pairs, pour éviter d'être dans le rôle du « sale type », il faut désormais en passer par la case « Je vais accueillir tes émotions et te le montrer». En gros, il faut « être gentil », « être bienveillant ». Au risque d'être insincère, et/ou de s'oublier soi-même ...

Mais l'empathie est-elle vraiment une vertu, en ce sens qu'elle serait toujours bonne? En tout temps et en tous lieux ?

Ai-je le droit de ne pas avoir envie d'écouter ou de comprendre ? Et comment exprimer mon choix ?

Le risque du jeu de dupes.

Si ma volonté de vous comprendre, ne rencontre pas votre propre volonté de me comprendre, alors je risque de devenir le dindon de la farce. Je suis en danger de devenir victime de mes valeurs, en laissant s'installer une relation déséquilibrée à mon détriment. Souhaiter vers la réciprocité semble raisonnable. Je vous écoute et je tiens compte de vous. Et j'en attends autant de votre part. A moi donc de vous faire comprendre quelles sont mes limites, ce que j'accepte et ce que je refuse. Je glisse alors de la communication uniquement empathique vers la communication assertive, où je prends ma juste place et où je vous demande de la respecter.

La tyrannie des émotions.

L'accent mis sur l'importance des émotions de l'individu comporte une dimension égotique et manipulatrice. A quel titre vos émotions devraient-elles guider mon action (ou l'action publique et politique) ? Pourquoi l'affect prendrait-il le pas sur la raison ou sur le bien commun ? Ici l'équilibre est à trouver entre la reconnaissance des émotions de chacun, qui sont légitimes en elles-mêmes, et la nécessité d'une vision plus large, plus raisonnée et/ou, plus collective. Chaque individu est responsable de la gestion de ses émotions. Pour faire société, nous pouvons convenir que nous ne cherchons pas délibérément à blesser les autres, que nous souhaitons prendre en compte chacun, mais que pour autant nous ne pouvons pas nous laisser manipuler par les affects, et que nous devons les dépasser.

L'empathie raisonnée: une valse à deux temps.

Souhaiter être entendu, compris, pris en compte, cela est parfaitement légitime. Mais exiger que ses émotions, ses ressentis, ses besoins soient prioritaires sur ceux des autres, cela pose problème. Pour équilibrer le penchant égotique de l'expression de soi, face à une personne qui veut visiblement parler ou qui est clairement troublée et perturbée, je vous propose une valse en deux temps :

1) Montrez d'abord que vous êtes conscient de sa situation, en faisant un reflet de ce qui a été exprimé.

2) Affirmez-vous avec vos propres besoins ou priorités. Ou prenez de la hauteur en exprimant la nécessité de jouer collectif.

Concrètement, voici quelques exemples de formulations :

1) « Vous avez exprimé votre .... (ici, vous nommez le ressenti : inquiétude, colère …) sur … (ici, vous nommez la situation).

« J’ai bien compris que … »

« Je crois comprendre que … c’est bien ça ? »

« Je vois que vous êtes ... « (choqué par, inquiet de, motivé à …) à propos de ....

2) De mon côté ... (et vous précisez vos choix, vos analyses ou vos besoins) Je préfère ... Il me semble que

Pour ce qui me concerne … Je ressens … Mon analyse est que … J’ai besoin de … Je souhaiterais …Je pense que …

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