« Il arrive parfois que ton moral se casse / Pour ça, moi j’ai trouvé un remède efficace / La positive attitude ».

La « positive attitude » chantée par Lorie et prônée par Raffarin est furieusement tendance ces dernières années et, personnellement, je n’en peux plus !!

J’en ai ras la casquette de cette « pensée positive » régnant en maître sur les réseaux sociaux à grand coup de #PositiveVibes et trustant les rayons et devantures des librairies.

STOP à la pensée positive brandie comme LA solution miracle !

Pourquoi ? Parce que l’optimisme forcené vanté ces dernières années peut s’avérer réellement néfaste pour la santé mentale même des individus et peut clairement nuire à la performance d’une organisation.

Cela porte d’ailleurs un nom : la « positivité toxique ».

Définition de la positivité toxique

Selon la psychiatre Gayani DeSilva, le phénomène peut être défini comme « une positivité non-sincère pouvant engendrer des souffrances inutiles et des incompréhensions ».

Employée à l’excès, l’idée de se concentrer uniquement sur des pensées et des choses positives, est donc tout simplement néfaste et toxique.

Ces formules positives ne sont pas bienveillantes

Tout d'abord, sachez que la pensée positive n'est pas, comme on nous le laisse trop souvent entendre, "bienveillante" (et hop... placement d’un second buzzword J). C’est une croyance fortement répandue mais que je juge erronée.

La pensée positive se veut ou se prétend plus exactement bienveillante mais à bien y réfléchir ce n'est clairement pas le cas.

Répondre à quelqu’un qui nous fait part de ses difficultés des dictons simplistes et des formules creuses telles que « tout ira bien », « ça va aller », « il n’y a pas mort d’homme », « tout finit toujours par passer », « tu sais, rien n’arrive jamais pour rien ou par hasard dans la vie », « reste positif, ça pourrait être pire » ou bien encore l’indémodable et insupportable « un de perdu, dix de retrouvés » n’est pas un acte bienveillant.

Je n’irai pas jusqu’à dire que ces formules sont malveillantes ou hostiles mais elles sont, dans les faits, rarement bienveillantes et illustrent à merveille la positivité toxique.

Pourquoi ? En raison même de l’objectif de ces formules.

La personne qui les utilise n’est pas motivée, en premier lieu, par le fait d’écouter attentivement les problèmes de son interlocuteur, de lui remonter le moral ou de lui apporter réconfort, soutien voire une quelconque solution.

Non, elle est avant tout focalisée sur elle-même et motivée par l’envie d’amoindrir son malaise ou sa souffrance vis-à-vis de l’Autre. Nombreuses sont les personnes à utiliser la pensée positive pour prendre de la distance vis-à-vis de la situation évoquée par leur interlocuteur et pour, en fait, se protéger.

Leur but premier n’est donc pas de comprendre vraiment la situation vécue et la réalité des sentiments de l’autre personne mais de s’en éloigner, de ne pas trop s’investir émotionnellement afin de ne pas souffrir.

Bref, l’adepte de la pensée positive ne cherche pas vraiment à écouter et à aider dans ce cas précis que ce soit de manière délibérée ou par maladresse et/ou gêne. Nous sommes donc loin de la bienveillance auto-proclamée !

Interdiction d’aller mal !

Outre le fait de ne pas être un acte foncièrement bienveillant, l’utilisation de ces formules positives par automatisme et sans réel discernement peut clairement avoir des effets néfastes.

Pourquoi ? Parce qu’utiliser ces phrases toutes faites ne permet pas à l’Autre de s’exprimer comme il le voudrait. Je dirais même au contraire. Cela coupe court à la conversation.

Une personne faisant part de ses difficultés ou d’un éventuel malaise et qui se voit répondre un mantra positif se dit qu’en fait on ne veut pas vraiment entendre ses problèmes et la laisser s’exprimer.

Elle peut in fine se sentir encore plus seule, incomprise, désemparée et insignifiante.

Je ne sais pas si toutes les personnes qui recourent à outrance aux formules positives en sont conscientes mais leur manière d’agir est toxique et ne fait pas du bien.

Répondre une formule positive creuse à une personne tentant de s’exprimer revient à lui passer le message qu’elle nous ennuie en quelque sorte avec ses difficultés, qu’elle ne devrait pas s’appesantir sur le négatif mais se concentrer sur le « verre à moitié plein » et rebondir positivement.

Bref, c’est une manière de minimiser voire de nier et d’invalider les sentiments de l’Autre et ça c’est vraiment violent.

Les formules positives « tendance » répétées à longueur de journée contribuent à créer un environnement où la négativité est proscrite voire considérée comme un signe de faiblesse.

Résultat, les personnes se sentant mal arrivent à en avoir honte et même à culpabiliser de ressentir ce qu’elles ressentent ce qui, convenons-en, est totalement absurde.

Elles culpabilisent et se sentent responsables de ne pas être bien comme les autres et éprouvent même de la honte de ne pas réussir à se contenir et à contrôler leurs sentiments négatifs.

Les pensées positives qu’on leur adresse leur envoient le message qu’elles devraient avoir la décence de ne pas perturber les autres par l’expression de leur mal-être et qu’elles n’ont qu’à prendre sur elles et faire un p’tit effort pour être heureuses.

« Le spleen n'est plus à la mode, c'est pas compliqué d'être heureux …C'est simple, sois juste heureux, si tu le voulais, tu le serais » chantonne Angèle.

Or personne ne devrait culpabiliser de ne pas se sentir au top et positif en permanence.

L’être humain ne peut tout simplement pas être « bien » tout le temps. Il est tout à fait normal et même salutaire de ne pas se sentir « bien » et au top de temps en temps.

Vouloir nier cette réalité de la nature humaine est aberrant, néfaste et toxique.

Une bombe à retardement

Il est, en effet, primordial pour les êtres humains d’adresser l’entièreté de leurs sentiments.

Ils ne doivent pas cacher et refouler derrière des montagnes de mantra positifs leurs difficultés et pensées négatives et ceci afin de ne pas abîmer leur santé mentale.

Faire l’autruche et ne pas exprimer ses sentiments n’est en aucun cas une bonne solution. Fermer la porte aux émotions négatives ne les a jamais fait disparaître, cela les exacerbe au contraire. C’est même une vraie bombe à retardement !

Je préconise de la désamorcer le plus tôt possible et prône l’expression claire de ses sentiments et la résistance à cette tyrannie de la positive attitude.

Comme l’explique Josée Savard professeur titulaire à l’École de psychologie et chercheur au Centre de recherche en cancérologie de l’Université Laval : « Sur le coup, se dire – ou se faire dire – que « ça va bien aller » peut nous réconforter, mais plus on tente de chasser les pensées négatives, plus elles nous obsèdent. En se permettant d’envisager ce qui pourrait mal se passer, on évite justement cet effet boomerang. La stratégie d’évitement qu’est l’optimisme irréaliste ne fonctionne pas: il faut affronter nos angoisses pour éviter qu’elles reviennent nous hanter autrement ou avec encore plus de force.»

Les effets néfastes dans le monde de l'entreprise

Comme nous venons de le voir, la pensée positive peut s’avérer tout simplement désastreuse au niveau de l’individu en niant et invalidant ses souffrances et difficultés.

Mais elle peut l’être tout autant au niveau d’une organisation.

Une organisation qui prône ouvertement et de manière outrancière la « positive attitude » enjoint ses propres collaborateurs à être positifs en permanence et à taire leurs doutes, mécontentements et tout particulièrement leurs désaccords.

Cette « tyrannie du bonheur » [2] nuit aux collaborateurs individuellement et collectivement mais également à l’organisation qui se prive tout simplement de l’expression d’avis divergents, de retours constructifs et des bénéfices de l’exercice de l’esprit critique par ses propres collaborateurs.

Faire taire les dissonances et désaccords revient à proscrire l’esprit critique.

Cela porte ainsi atteinte à la capacité d’une organisation à se remettre en cause, à anticiper, à s’adapter aux évolutions du marché et à prendre, in fine, les bonnes décisions stratégiques au moment opportun.

L’esprit critique permet, en effet, à une structure d’avoir une vision plus large et exhaustive des possibilités offertes par une situation donnée, d’avoir une appréciation réaliste de ses forces et de ses faiblesses et lui permet donc de prendre, tout simplement, les bonnes orientations.

Pour ce faire, les organisations doivent challenger la mode actuelle de la pensée positive et promouvoir, au contraire, au maximum l’esprit critique afin de préserver leur capacité à innover, durer et à se réinventer !

Conclusion

Les citations positives écrites dans une police toute mignonne et entourées de fleurs sur Instagram et les réseaux sociaux partent peut-être d’une bonne intention mais cette positivité forcée et à outrance est clairement néfaste et toxique.

Elle revient, en effet, à nier à l’Autre le droit de ne pas aller bien et elle le culpabilise de ne pas être au top en permanence. C’est une aberration à corriger au plus vite.

N’hésitez pas à parler du positif comme du négatif et ne considérez plus vos angoisses et difficultés comme des tabous.

Stop à la tyrannie de la positive attitude et stop à l’autocensure !
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[1] Angèle feat. Roméo Elvis - Tout Oublier

[2] Sur ce sujet, je conseille, entre autres, l’essai d’Eva Illouz et Edgar Cabanas intitulé « Happycratie. Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies » dénonçant « l'injonction à être heureux quelles que soient les circonstances. »

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