Travailler dans les ressources humaines, c’est avoir la garantie de ne jamais s’ennuyer, tant les sollicitations sont nombreuses. De fait, les activités du quotidien prennent souvent beaucoup de place dans l’agenda du DRH et de son équipe. En fin de journée, il n’est pas rare d’avoir été happé par de multiples demandes et de ne pas avoir pu faire avancer les projets d’envergure.

D’autant que les postures de la fonction RH se sont transformées au fur et à mesure des années, avec le développement d’un esprit de service souvent reconnu par les opérationnels, ce qui en soi est très positif.

Le poids du quotidien et la mobilisation requise pour répondre à ses injonctions ont encore été renforcés par la crise sanitaire. Depuis plus d’un an et demi maintenant, la Direction des Ressources Humaines est en première ligne pour permettre à l’entreprise et à ses collaborateurs d’organiser leurs activités dans les meilleures conditions, malgré les contraintes nouvelles.

Tout cela conduit à ce que les interventions de très nombreux professionnels RH se déploient en premier lieu en mode réactif : résoudre les difficultés qui émergent, intervenir pour traiter les problèmes, éteindre les incendies, gérer les urgences. Certains le font très bien, et c’est heureux. Mais est-ce suffisant ?

La valeur ajoutée de l’anticipation

Nous le savons tous : jamais les transformations à l’œuvre dans l’environnement de l’entreprise n’ont été aussi importantes. Et pour intégrer leurs impacts, les organisations doivent s’adapter en permanence. Nombre de ces transformations sont prévisibles, mais le poids des activités quotidiennes de gestion RH est tel que l’entreprise n’a souvent pas le temps d’anticiper ses réponses. Elle en aurait pourtant grand besoin puisque chaque enjeu RH appelle cette approche d’anticipation.

Faut-il le rappeler, au volant de la voiture, il est bien sûr indispensable de suivre les indications du tableau de bord. Mais le premier besoin est de regarder la route pour anticiper ce qui pourrait survenir et se préparer en conséquence ! Dans tous les métiers, et la fonction RH ne fait pas exception, cette capacité à se projeter est bien ce qui va faire la différence entre le seul gestionnaire et celui qui sera aussi stratège.

Comment faire ?

Être en capacité d’anticiper suppose en premier lieu d'identifier les enjeux qui devront être traités par la DRH au regard des besoins qui émergent dans l’entreprise. Pour y parvenir, il est indispensable que le professionnel RH soit pleinement ancré dans les réalités business, à travers les échanges qu’il a avec les dirigeants et sa présence sur le terrain aux côtés des opérationnels. C’est à partir de sa compréhension et de son analyse de ces réalités qu’il pourra déduire les contributions RH majeures à apporter pour préparer l’avenir de son entreprise.

La démarche prospective appelle également un travail de veille. Veille sur les pratiques d’autres entreprises, mais aussi sur les analyses des mutations du travail qu’induisent les transformations de l’environnement des organisations. Ces éléments permettent au professionnel RH d’élargir sa réflexion sur le futur de son entreprise.

C’est en croisant les enjeux apparaissant dans son organisation au regard des réalités business et les éclairages apportés par son travail de veille que le professionnel RH pourra intégrer dans son activité une dimension prospective, et donc ne plus seulement intervenir en mode réactif.

Restera à dégager le temps, les moyens et l’énergie qui, tout en continuant à répondre au mieux aux impératifs du quotidien, pourront être dédiés à l’anticipation des besoins futurs. Souvent, c’est en s’appuyant sur des expertises externes que le professionnel RH parvient à intégrer pleinement cette dimension additionnelle dans son activité.

Les projets prospectifs menés dans la période actuelle

Dans la période actuelle, des entreprises lucides sur cette nécessité de ne pas agir uniquement en mode réactif nous sollicitent pour les accompagner sur des projets RH de nature prospective.

Quels sont les enjeux couverts par ces projets ? Leur recensement donne des pistes sur ce qui devra de toute façon être traité dans la prochaine période par toute entreprise, soit en ayant anticipé et préparé ses réponses, soit en improvisant une fois « le feu déclaré ».

L’organisation du travail est bien sûr un thème prédominant. Certaines entreprises ne souhaitent pas revivre ce qui s’est joué en mars 2020, avec la mise en place dans l’urgence et avec les moyens du bord de modalités de travail qui n’avaient pas été préparées.

Une fois la crise sanitaire derrière nous, aucune organisation n’échappera à la mise en place pérenne du travail hybride pour certaines populations. Le présentiel permettra d’alimenter le lien social et de retrouver ce qui se joue dans le « travail informel ». Mais ce travail hybride comprendra aussi des temps où le collaborateur sera libéré de la contrainte du présentiel permanent, héritée du travail industriel et encore très présente dans nos représentations du travail avant la crise sanitaire. Les modalités du travail hybride seront différentes selon les entreprises, en fonction de la nature de l’activité, des métiers et des aspirations des collaborateurs. Pourquoi ne pas traiter le sujet dès aujourd’hui ?

Analysant nos chantiers en cours, nous identifions quatre autres enjeux sur lesquels l’entreprise doit se projeter :

  • L’engagement des collaborateurs a été bousculé pendant la crise. Que ce soit en matière d’engagement affectif ou d’engagement rationnel, la relation de travail doit être réinterrogée. L’enjeu du réengagement des collaborateurs peut être anticipé, comme le fait Eugène Perma.
  • L’entreprise ne pourra revenir à son modèle relationnel et managérial d’avant-crise. Elle peut dès aujourd’hui construire un modèle alternatif dans lequel autonomie, responsabilité et confiance auront une place renforcée, comme durant les confinements, ainsi que l’a anticipé Intermarché.
  • Au regard de l’accélération des mutations technologiques, la DRH se doit d’appréhender leurs impacts pour ne pas se retrouver à les traiter a posteriori. La DRH d’un grand groupe bancaire français a ainsi impulsé « un projet d’activité augmentée », en réponse à l’automatisation anticipée de tâches des conseillers en agence.
  • Plus encore qu’hier, l’entreprise se doit de formaliser les compétences nécessaires demain pour mettre en œuvre sa stratégie. Les démarches de type Strategic Worforce Planning, permettant de réinventer la GPEC et de dépasser les limites de ses modalités traditionnelles, ont plus que jamais le vent en poupe, comme chez Eramet ou IMA.

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