La crise sanitaire et sa déclinaison en confinement imposé, puis en entreprise hybride avec une forte dimension de télétravail, a totalement déboussolé les managers. À tel point que certains ont vu des managers se noyer dans ce nouvel environnement. Pourtant, les employés, eux, ont semblés plus divers dans leur approche. Une minorité ayant été, en effet, aussi déboussolés que leurs managers, et une écrasante majorité se sont sentis, au contraire, mieux en télétravail.
Pourquoi tant d’écart ? Quels sont les facteurs culturels, méthodologiques ou psychologiques qui ont conduit des managers à ne plus avoir de bouées de sauvetage, en pleine mer de télétravail ?
Une hypothèse est à chercher du côté du rôle qu’est devenu le manager « moderne ». Et pour comprendre ce rôle, il faut scruter ses outils, de la même façon que le rôle d’un mineur de fond se devine rapidement quand on le voit avec une pioche. Alors, quels sont les outils fétiches des managers « modernes » pré-crise sanitaire ? Eh bien, il s’agit de la suite bureautique.
Cela commence, en taux d’usage, par la messagerie mail, puis par le tableur, suivi de près par les outils de présentation et enfin le bon vieux traitement de texte. L’un servant à recevoir des informations et des ordres puis à en donner en retour dans un ballet incessant qui dure, rappelons-le, plus de 5h par jour pour les cadres[1] ! Le tableur permet bien sûr de « chiffrer » la réalité, de rationaliser les procédures et les actions qui finiront toutes dans une présentation « PPT » (comme on dit), doctement présentée en séance de réunion hebdomadaire pendant un temps long. Reste un peu de temps pour écrire des comptes-rendus ou de nouvelles procédures… Bref, l’outil bureautique est le propre du manager « moderne » numérisé… mais au bureau.
Car oui, dans Bureautique, il y a bureau. Mais que se passe-t-il quand le cadre de travail n’est plus le bureau justement ? Quand la pandémie oblige un travail à distance, pour les uns, ou en présentiel pour les autres ? Les usages changent du tout à tout. Les outils ne sont plus « bureautiques » mais « numériques » : la visioconférence bien sûr, mais aussi l’animation de réunion à distance, des brainstorm à distance, des prises de décision asynchrones etc.
Non seulement le manager « classique » ne peut plus utiliser ces outils habituels pour diffuser ses ordres et recevoir des feedback lors de réunions en présentiel, car le format distanciel se prête encore moins aux longues présentations PPT et aux tableaux interminables, mais en plus, les managés sont désengagés si on en reste là, car à distance, on donne beaucoup plus facilement le change. Rester statique devant la caméra, voir même l’éteindre et il est alors très simple de vaquer à d’autres occupations, fussent-elles professionnelles. Et face à ce désengagement, le manager « bureautique » est tout simplement démuni.
La trilogie qui l’a structuré : Lire / Écrire / Compter et passer au tableau comme j’aime à le rappeler ne fonctionne pas en mode hybride. Il est indispensable d’innover.
C’est donc face à ce nouveau management qu’il faut mettre de nouveaux outils qui sont, comme à chaque grand bouleversement, chargés d’une culture RH implicite. Par exemple, le tableur est de type synchrone et rationnel, là où le Réseau Social d’Entreprise est semi-asynchrone et très chargé d’émotions. Ce ne sont donc pas uniquement les emplacements des boutons du nouvel outil qu’il faut apprendre mais bien un comportement nouveau.
C’est bel et bien la noyade que certains ont vécu car ils ont dû, du jour au lendemain, se plonger dans cet univers numérique des « plateformes collaboratives » qui demandent de nouvelles postures, et surtout pas de continuer avec un mental « Bureautique » qui est, pour le coup, contre-productif.
Tous les RH le savent. Il est très difficile de changer aussi rapidement, c’est pourquoi cette période, au-delà de l’anxiété innée de la situation, a généré beaucoup de stress. Mais comprendre pourquoi on se noie et quels sont les bons gestes pour nager est déjà un pas essentiel vers le progrès.
Les managers qui veulent devenir « numériques » doivent donc mettre de côté le dieu « Bureautique » pour découvrir les nouvelles formes de communication et de collaboration d’aujourd’hui, sans tabou ni à priori.
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