Imaginons la situation professionnelle suivante. Frédéric se réveille, un peu tard, mais se dépêche de lancer son café après sa douche pour rejoindre la visioconférence de son équipe sur Teams, qui se retrouve là tous les matins. Ouf ! Il n’est pas le dernier arrivé, et quand le chef de service prend la parole, il hoche la tête sympathiquement. Le déroulé du PowerPoint est le même tous les lundis matin, Frédéric et ses collaborateurs suivent le cadrage de la semaine et le compte rendu est finalement envoyé par mail. La semaine est lancée et Frédéric peut donc aller se faire un deuxième café.

Si je vous demande dans quelle entreprise travaille Frédéric, évidemment, savoir où ce dernier exerce son activité va vous sembler très difficile. Et savoir pour qui et pour quoi encore davantage…. Alors savoir pourquoi il travaille se révèlerait être une mission encore plus insondable.

Bienvenue dans la nouvelle ère du travail hybride, numérique et donc interchangeable.

Les impacts de cette transformation ont été largement commentés pour ce qui concerne les évolutions à court terme. Mais qu’en est-il à plus long terme ? Quels seront les impacts de cette transformation pour Frédéric, notre employé type pour cette chronique ?

À première vue, l’un des changements radicaux est tout d’abord l’éloignement à l’entreprise elle-même, les outils devenant des intermédiaires forcés entre l’employé et l’entreprise. Là où les locaux jouaient le rôle de mise en situation de l’entreprise, sa mission, ses convictions et donc son aménagement, le numérique vient remplacer cette représentation principale. D’où l’existence d’un risque, notamment pour toutes les entreprises ayant fait le choix des outils « standards » et « main stream » pour travailler à distance : il n’existe plus aucune différence entre une entreprise A et une entreprise B. Un employé vit les mêmes réunions Teams et Zoom à longueur de journée. Le contenu de son job est la seule chose qui change.

Le risque est grand, réel et les premières conséquences sont là. Aux États-Unis, c’est la grande démission où des millions d’américains quittent leurs jobs. Les emplois au cœur du numérique ne sont pas épargnés et Cap Gemini, par exemple, a perdu plus de 24% de ses salariés l’an dernier sur ses plus de 300.000 collaborateurs. Une perte colossale.

Et qui doit relever ce défi et lutter contre cette perte de sens ? Cet aplatissement des repères ? Ce sont les RH, à qui on demande de compenser ces départs, bien souvent des meilleurs éléments.

Mais par quel bout faut-il le prendre ? Le cœur duc combat semble être est celui de la culture d’entreprise car ce qui différencie deux entreprises désormais, c’est le rapport à cette culture, comment elle est pratiquée, mais aussi et surtout, comment elle est incarnée.

Hier, les locaux étaient des marqueurs de cette culture : avec des Open-spaces plus ouverts ou des salles de créativité par exemple. Aujourd’hui, ce sont les « locaux numériques » qu’il faut adapter.

Après la culture des locaux, la culture des outils numériques doit devenir un terrain de conquête pour les RH en s’associant, bien sûr, à tous ceux qui ont déjà pris part à ces questions : les SI (Systèmes d’informations) qui sont les « garants » du bon fonctionnement du système global de l’organisation mais aussi avec la communication interne qui a compris (notamment avec l’Intranet et ses avatars) que le numérique est le moyen moderne pour communiquer aujourd’hui. C’est donc aux RH de s’emparer de la culture des outils, de rentrer dans l’arène et d’imposer les changements qui vont permettre à la culture d’entreprise de s’épanouir.

Cela commence en ne se laissant pas enfermer par un discours de « solutions techniques », poussées car standards. Vous le savez déjà : un Zoom ou un Teams met les nerfs de vos équipes en ébullition. Il faudra aller chercher ailleurs, chercher là ou votre culture peut s’épanouir, se transformer et prendre les outils qui reflètent votre état profond de différentiation en termes d’employeur. Peut-être faudra-t-il jouer des coudes avec le SI, souvent prompt à choisir la solution technique la plus « simple à déployer ». Mais simple pour le SI, comme nous l’avons vu durant le confinement, veut dire sans aucune aspérité ni différenciation pour vos employés…. Donc sans aucune valeur pour vous et vos équipes. Teams et Zoom sont, in fine, les raisons qui vont amener un salarié à démissionner.

Le deuxième challenge concerne les budgets. On le sait, un recrutement se compte rapidement en dizaines de milliers d’euros au bas mot… et sur les profils rares, c’est encore bien plus. Prendre des outils qui collent à votre culture et qui coûtent quelques euros par mois par employé ne coûte que le dixième de ce prix. L’argument budgétaire tombe dès lors que l’on compare les vrais chiffres de ce que coûte une solution (qui plus est adaptée à la culture d’entreprise) par rapport au coût d’un départ.

Si nous reprenons l’histoire de Frédéric. Il ne se lèvera pas plus tôt mais sera convié dans un espace collaboratif à votre nom, disposant ainsi d’un moyen de faire des réunions suivant votre méthodologie interne, avec votre propre jargon et le tout, aux couleurs de votre entreprise. Un espace qui n’est plus indifférencié mais arrimé à l’histoire de l’entreprise pour lequel il donne son énergie.

Á l’instar de ce qui se passe dans les jeux vidéo où des « Guildes » (nom donné aux groupes réunissant plusieurs joueurs) sont construites et différenciées. C’est aux RH de sortir les outils « gris » de leur non-culture pour en adopter des nouveaux qui seront au cœur de la transformation des entreprises hybrides de demain. Les directions générales n’attendent que ça.

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