Un article récemment paru sur RH info, intitulé « Engagement des collaborateurs, la fin des clichés », tordait le coup à une compréhension surannée de l’engagement : celui de l’investissement maximal de collaborateurs submergé par un lien de subordination mal compris, plus proche de la soumission sans faille que du développement des compétences et d’une énergie personnelle au service d’un vrai projet d’entreprise.

Vous souvenez-vous de ces propos convenus sur le collaborateur parfait, investi, dévoué – presque sacerdotal ? Ils semblaient sortis tout droit d’un sermon pour volontaires sacrificiels. Et le fait est que ça a marché longtemps ! Et que ça marche encore… du moins jusqu’à que ça craque, et que l’on assiste à un présentéisme morbide – c’est-à-dire un absentéisme rémunéré –, à ces burn out, à ces démissions ou à ces exigences humaines qui transforme en casse-tête la “gestion” des talents…

Il est vrai que la crise sanitaire et ses conséquences ont fait tomber des barrières et ont fait prendre conscience à nombre de salariés qu’ils n’avaient qu’une vie, une vie que nul ne mérite de perdre à vouloir la gagner !

La logique faussement libérale du « toujours plus » – et de la destruction du collectif de travail au profit d’une individualisation systématique – s’est dissimulée au cours des temps sous des vocables variés. Un de mes préférés est « il faut sortir de sa zone de confort » ! Ha ! Faire sortir l’autre – surtout l’autre ! – de sa zone de confort ! Systématiquement ! Ha, la belle idée ! Voilà la panacée, le sommet, le moteur de toute créativité, le tremplin pour relever les défis des challenges de demain ; le moyen de la flexibilité, de l’agilité, de l’adaptabilité, du changement permanent, de la vivacité, de la souplesse, de l’évolution, du renouvellement… et je vous évite les anglicismes en vogue !

Bien entendu, si par « sortir de sa zone de confort » on entend la remise cause réelle et régulière – non imposée par un adjudant mais assumée par chacun, comme « sujet » personnel – sans laquelle il n’est ni professionnalisme, ni responsabilité sociale… alors l’expression est justifiée et salutaire. Mais en réalité il n’en est rien : ceux qui usent de cette expression comme on aille un gigot veulent plutôt signifier qu’il ne faut jamais laisser rêver le petit personnel ! Ainsi, d’une idée à l’origine positive et plutôt bonne – nécessaire, dans certains cas –, on a fait un impératif catégorique stupide, version politiquement correcte du « sans cesse, sur le gril, remettez vos collaborateurs » !

Tout ceci me conforte dans une opinion que j’ai souvent écrite : au surhomme saturé, surmené, surbooké et trop sûr de lui – et d’ailleurs d’autant plus sûr de lui qu’il a une montagne de stress à dissimuler –, je préfère «l’honnête homme» responsable, c’est à dire celui qui est suffisamment conscient de ses défauts, manques et carences pour tâcher de s’adapter au mieux à l’objectif qu’il vise, en faisant preuve d’imagination et de créativité pour compenser les défauts, manques et carences en question ; ou pour trouver de nouvelles voies inédites. Je préfère le « professionnel », c’est à dire celui qui possède une maîtrise des relations entre les causes et les effets d’une action – quelle qu’elle soit – et qui en garantit la reproductibilité et le perfectionnement dans le temps. Je me félicite que le chirurgien qui m’a opéré ne décidât pas pour l’occasion de sortir de sa zone de confort ; que le taxi qui me conduit ou le pilote d’avion qui m’emmène ne cherchent pas à tout prix à sortir de leur zone de confort ; bref : que la logique métier reste toujours première sur l’imagination « toujours plus » du moment ! Et même si chacun d’eux doit s’apprêter à faire face à l’imprévu : cela fait partie de leur professionnalisme !

De toute façon, chacun évolue sans cesse de l’incompétence à la compétence en s’adaptant aux situations concrètes rencontrées. C’est la capacité à saisir un problème dans son ensemble et à le traiter sous ses différents biais qui garantit une réactivité appropriée, et par conséquent plus performante. Cela demande de l’intelligence et de l’investissement durable, et non de l’abrutissement et du rendement court terme.

Il y a, certes, des moments où chacun de nous est amené à « sortir de sa zone de confort » et se mettre en danger. Certes ! Certes ! Certes ! Mais juste quelques précisions pour conclure :

1) Le monde dans lequel nous vivons nous en impose suffisamment d’occurrences pour que nous ayons un quelconque besoin d’en chercher artificiellement toujours plus.

2) Méfions-nous toujours de ceux qui prétendent, selon leurs propres références contestables, nous faire sans cesse sortir de ce qu’ils s’autorisent eux-mêmes à appeler « notre » zone de confort, et s’arrogent ainsi le pouvoir sur ce que nous vivons au cœur, sous prétexte de nous faire « progresser ». Sic !

3) Restaurons notre sérénité : nous avancerons trois fois plus vite et bien plus loin !

4) Manifestons, au contraire, que cette sérénité vécue est le premier moteur d’une remise en cause réelle parfois nécessaire, en vue d’un développement personnel et collectif fécond.

Et si l’on mettait les femmes et les hommes au cœur de l’entreprise, afin qu’eux-mêmes puissent remettre leur entreprise dans leur cœur ?

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Tags: Engagement Expérience collaborateur Bonnes pratiques

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