« Plus on monte dans les organisations, et plus on s'aperçoit que ce sont les émotions qui dirigent le monde ». Ce constat est posé par Xavier Fontenet, l'ex-patron d'Essilor. Dans la foulée, il affirme aussi que « la stratégie, c'est 50% de technique et 50% de psychologie ».

Par essence le manager est sans l'action. Il est donc souvent un peu perdu face à cet aspect intangible mais pourtant si réel de la vie professionnelle, qui lui demanderait du recul. Un temps de pause. Une prise de distance. L'efficacité des équipes en dépend, ainsi que la cohésion du groupe, et plus que tout ... la qualité de vie au travail, couplée à la motivation. Devant la difficulté, il serait tentant d'essayer de faire l'impasse sur la gestion des émotions. Tentant ... mais impossible !

Parce que les émotions sont au cœur du comportement ! Elles ont le pouvoir de pousser à l'action ... Ou bien de paralyser, de figer, de faire geler sur place.

Les conséquences en cascade des émotions négatives :

Impatience, indignation, honte, culpabilité, inquiétude … autant de sentiments virevoltants qui altèrent nos décisions, notre capacité à nous focaliser sur nos buts, notre sens de l'observation, notre réactivité, notre créativité, notre capacité à bien communiquer, notre pouvoir d'adaptation ... et finalement : notre motivation.

Ecoutez une personne qui démissionne. Qu'exprime t-elle si ce n'est une foule de ressentis négatifs qui n'ont jamais été gérés et purgés ?

« J'étais mal dans ce job. Ça n'allait pas du tout avec mon boss »

« Je ne ressentais plus aucun plaisir à aller bosser », « Le lundi j'avais la boule au ventre »

Pour illustrer le lien entre émotions, comportements et performance/bien-être, examinons quelques situations qui ont un lien avec la peur. Les émotions nous font passer en mode « pilote automatique ».

  • Crainte d'être supplanté :

Sébastien, manager des ventes, perçoit ses collaborateurs comme des concurrents. Par peur d'être supplanté un jour par plus doué que lui, il rechigne à pleinement former ses équipes. Il a aussi un peu tendance à tirer la couverture à lui, à se montrer ingrat. Par ailleurs il recrute des personnes un peu falotes et sans ambition, dont il est certain qu'elles ne lui feront jamais d'ombre. De là une ambiance de frustration et de rancœur, et de piètre performance de son équipe ... qui se déplume encore des quelques rares talents recrutés avant l'arrivée de Sébastien.

Que se passerait-il si Sébastien savait abandonner sa position défensive et ses croyances limitantes, pour enfin quitter les peurs qu'il trimballe ?

  • Peur de ne pas réussir à canaliser les personnes :

Natasha est une encadrante chevronnée, mais sa structure est entrée dans une période de changement qui la stresse énormément. Elle a peur de ne pas savoir gérer les membres de son équipe, qui ne vivent pas très bien cette période d'incertitude. Chacun tire à hue et à dia. Pour tenter de faire tenir l'ensemble Natasha se montre très directive. Elle communique peu et évite de déléguer. Ses collaborateurs se sentent dévalorisés et traités comme des enfants. Ils se désengagent des nouvelles procédures et se montrent de plus en plus hostiles et soupçonneux.

Que se passerait-il si Natasha savait dépasser son manque de confiance en elle et en l'autre, et si elle arrivait à lâcher-prise juste assez pour co-créer avec ses collaborateurs et les traiter en égaux ?

  • Inquiétude de blesser ou de démotiver une personne :

Au moment de faire un feedback difficile, Quentin est pétrifié ! La relation est déjà compliquée avec ce salarié ! Il n'a pas envie de le vexer et que l'ambiance devienne carrément conflictuelle. Il essaye quand même de faire passer son message par des sous-entendus qui n'ont aucun effet, mais le font passer pour un type pas franc. Son angoisse et sa frustration augmentant, il se montre de plus en plus abrupt avec son équipe. Il approche du point d'explosion, et chacun marche sur des oeufs. Quant au rendu du collaborateur, il ne s'améliore pas, bien au contraire !

Que se passerait-il si Quentin pouvait prendre du recul, et aborder le feedback comme un service à rendre à son salarié et à sa structure ? Pourrait-il ainsi changer son approche et se montrer plus assertif ?

Je m'occupe de mes émotions, sinon elles s'occupent de moi.

Ainsi va la vie avec les émotions : il faut s'occuper d'elles, sinon elles s'occupent de nous !

Elles nous manipulent, nous perturbent et génèrent des effets indésirables.

Pour mieux piloter ce phénomène, je vous propose de prendre de la distance. Cette nécessaire distance qui permet de conscientiser et d'analyser ce qui se passe … pour corriger le tir.

  • Explorer mon ressenti :

« Dans mon rôle de manager, comment je me sens en ce moment ? »

« Avec ce collaborateur, quel est mon état feeling ?»

  • Clarifier les contextes :

« Y a t-il des éléments déclencheurs ? Que puis-je faire à ce sujet ? »

  • Nommer les émotions avec précision :

« Quelle est réellement mon émotion ? »

  • Verbaliser les pensées « pop-up » :

« Qu'est-ce que je me dis à ce moment-là ? », « Est-ce que je peux nuancer cette pensée ? »

  • Rectifier mon comportement :

« En quoi mon comportement favorise ou plombe les objectifs que je veux atteindre ? »

« Quel autre comportement pourrais-je adopter ? »

Cette mécanique de prise de recul peut facilement s'ancrer dans votre routine, dès lors que vous en mesurez l'efficacité.

Parce que ça en vaut la peine.

Réguler vos émotions négatives sans attendre le pourrissement, c'est vous éviter la pire de toute : le regret.

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