Cette chronique a été rédigée par Rim Gttoa et Grégoire Boulon-Lefèvre, tous les deux étudiants en 4ème année au sein de l’école IGS-RH Paris.

Si historiquement, la gestion des talents était dévolue en entreprise à la nécessité d’identifier et de retenir les personnes considérées comme étant les « hauts potentiels », elle se dirige aujourd’hui plutôt vers une gestion adaptée, singulière et personnalisée de chacun des collaborateurs de l’entreprise. Une telle transformation pousse l’entreprise et la gestion des talents à s’intéresser à une plus grande diversité d’enjeux sociaux et sociétaux qui peuvent toucher ces salariés, afin de leur offrir une expérience collaborateur en phase avec leurs attentes et leurs besoins individuels.

Parmi l’ensemble de ces enjeux, trois d’entre eux apparaissent, selon nous, particulièrement prégnants : la question de l’égalité femme-homme, celle de la diffusion encore inégale de la culture digitale parmi les salariés et, enfin, celle plus large de l’inclusion. Si ces thématiques sont souvent mises en avant par les entreprises, il nous semble que ces enjeux, dans la pratique, restent, volontairement ou involontairement souvent au second plan. Comment intégrer ces enjeux au sein de la gestion des talents de façon pertinente et durable et faire en sorte qu’ils ne constituent plus, demain, des enjeux majeurs au sein des entreprises ?

Chasser les biais systématiquement pour gérer les talents Femmes et Hommes de façon équitable

L’égalité Femme – Homme est un enjeu de société fort dans toutes les sphères de la vie des personnes qui transforme nos manières de vivre et nos rapports sociaux. Poussée par un féminisme qui monte en puissance et par des lois qui visent à lutter contre les inégalités des sexes, les entreprises tendent à mettre en place des plans d’action en faveur d’une plus grande parité dans la gestion des talents. Dans cette lignée cependant, les actions qui sont mises en place, visent souvent à favoriser les femmes non pas comme une finalité en soi, mais plutôt dans l’optique d’améliorer un « index ». Ainsi, nous pouvons souligner que les postes de direction sont encore aujourd’hui majoritairement occupés par des hommes, ce qui montre une difficulté dans la mise en place et la quantification de la réelle parité professionnelle. Incontestablement, les progrès sont présents, mais ils ne sont que minimes face aux enjeux que ce changement sociétal soulève et soulèvera encore à l’avenir.

Plus spécifiquement, dans le cas de la gestion des talents, l’enjeux est de favoriser à part égale, la rétention des talents, que ceux-ci soient des femmes ou des hommes, en évitant le plus possible les biais cognitifs qui favorisent les stéréotypes de sexe. Mais comment cela se passe-t-il concrètement ? Il s’agit d’épurer les processus de suivi de carrière de tout biais cognitif en favorisant la mixité que ce soit au niveau de l’évaluation, la rémunération, la formation ou la promotion. Avoir un réflexe d’égalité implique qu’à chaque étape de la carrière des collaborateurs, les talent mangers se doivent d’analyser leurs propres biais cognitifs et de contextualiser leurs choix en fonction de l’enjeux sociétal soulevé par cette inégalité. Le tout pour favoriser la montée en compétences et l’avenir professionnel d’un talent, que celui-ci soit Femme ou Homme.

Travailler la culture digitale pour fluidifier et améliorer encore le talent management

Une chose est certaine : l’utilisation des nouvelles technologies dans les RH est maintenant indispensable et tout cela a été particulièrement accéléré par la pandémie et la crise du Covid-19. Nous sommes à une époque où la technologie, le numérique et le digital sont omniprésents. Certains peuvent décider de les voir et de les prendre comme des outils permettant de faciliter la vie, ou même dans des cas plus poussés, de les voir (notamment les téléphones) comme une sorte d’extension de l’être humain amenant alors la question presque trop futuriste du transhumanisme. Les talent managers se heurtent à la digitalisation qui impacte et continuera d’impacter profondément l’ensemble du processus de talent management (recrutement, rétention de talents, mobilité professionnelle, etc.). Aujourd’hui, cela se concrétise par un investissement massif de la part des entreprises, dans des projets digitaux qui paraissaient de l’ordre de la science-fiction. Et pourtant le metaverse est déjà là et certaines entreprises sont déjà positionnées pour y accueillir talents actuels et futurs talents.

Le digital, au-delà d’amener de la facilité, a tendance aussi à engendrer de la rapidité notamment dans le recrutement. Pour autant, les systèmes de recrutement français continuent à être beaucoup trop longs (7 semaines en moyenne). De plus, la France est en retard concernant le télétravail par rapport à ses voisins européens, dans la mesure où les mentalités vis-à-vis du virtuel ou du digital ont du mal à changer. Cela vient créer une situation presque paradoxale, où les ambitions futuristes et digitales ne sont plus limitées par un retard technologique, mais par une mentalité réfractaire au changement. Tout ceci pose question sur la manière d’accompagner les talents. En effet, le digital implique du virtuel. Comment alors établir une relation de confiance avec un talent que vous n’avez vu qu’à travers un écran ? Comment parler de son impact positif au sein de l’entreprise alors qu’il n’y a jamais mis les pieds ? Nous avons tendance à croire que le virtuel n’est que du paraitre, comme si le physique et le présentiel étaient les seuls remparts face à la « tromperie » ou à la « mauvaise foi ». Dans le fond la gestion des talents et le milieu RH se doivent d’effectuer un changement de mentalités, de faire évoluer les choses afin de tendre à une acceptation du digital qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Mettre en place une gestion des talents réellement inclusives

Dernier défi qui découle en quelque sorte des deux précédents, le talent management doit répondre aux enjeux d’une société qui se veut plus inclusive. A ce sujet, et au même titre que pour l’égalité entre les femmes et les hommes, nous entendons régulièrement parler d’inclusion et de diversité dans le monde du travail, en particulier concernant les collaborateurs handicapés ainsi que les minorités ethniques et de genre.

S’agissant de la gestion des talents, le défi reste de parvenir à adapter le processus par le biais de stratégies inclusives. Ces stratégies doivent permettre de révéler l’ensemble des talents de l’entreprise, peu importe leurs caractéristiques psycho-physiques. Un tel processus doit permettre de générer de nouvelles perspectives dans le monde de l’entreprise au travers d’individus qui, par leurs différences apportent chacun de nouvelles visions. Enfin, grâce à l’identification des talents, même parmi les personnes qui font face à un handicap, il sera possible de diminuer la discrimination et la catégorisation sociale au sein de l’entreprise.

Conclusion

Pour conclure, bien que l’expression gestion des talents renvoie indéniablement aux aspects processuels - le terme « gestion » semble impliquer un processus clair - dans les faits il n’en n’est rien. Au-delà cet aspect il faut bien appréhender la philosophie qui sous-tend le talent management. Comme souvent en RH, la question centrale est quelle vision vous souhaitez insuffler. Aujourd’hui, il n’est plus simplement question de grandes écoles ou d’études lorsque l’on s’intéresse aux talents, mais bien d’embrasser les sujets de fidélisation, de QVCT et d’enjeux sociétaux. Il faudra donc d’abord travailler votre philosophie, votre vision et faire découler la politique qui y correspond.

Tags: Gestion des talents Parité Inclusion Digitalisation