Dans les entreprises qui mesurent et améliorent l’expérience collaborateur, l’engagement des salariés a mieux résisté à la crise que dans les autres organisations. C’est l’un des enseignements de la 5e édition du Baromètre national de l’expérience collaborateur, conduit chaque année par Parlons RH et ses partenaires depuis 2018. Comment s’explique ce résultat ? Des salariés mieux écoutés, un meilleur management, des entreprises plus réactives, une meilleure conciliation vie personnelle/vie professionnelle : les raisons ne manquent pas.

Une crise de l’engagement ?

La crise sanitaire a mis les entreprises et les salariés à rude épreuve. Plusieurs enquêtes soulignent l’impact de la pandémie sur la santé au travail, en particulier la santé psychologique. Selon une étude OpinionWay pour Empreint Humaine parue début mars 2022, deux ans après le début de la pandémie, plus de la moitié des salariés sont en détresse psychologique modérée (41%) ou sévère (13%). Un salarié sur deux estime que son entourage professionnel est plus agressif depuis la crise. Selon une étude Malakoff Humanis parue à l’automne 2021, 41% des salariés considèrent que la crise a mis leur santé mentale à l’épreuve.

Peut-on pour autant parler de « crise de l’engagement » ? Un gros quart (26%) des salariés estiment que la crise a réduit leur niveau d’engagement, selon le baromètre de l’absentéisme et de l’engagement d’AG2R La Mondiale. Le 5e baromètre de l’expérience collaborateur a posé une question un peu différente aux professionnels RH : ont-ils observé un recul de l’engagement depuis fin 2020 ? La réponse est « oui » à 31%. Sans être majoritaire, le désengagement consécutif à la crise est donc un phénomène réel et préoccupant. Il s’agirait, en somme, de l’équivalent français de la « Grande Démission » qu’on a observé outre-Atlantique.

Toujours selon le baromètre de l’expérience collaborateur, la moitié des professionnels RH n’ont pas observé de différence en matière d’engagement suite à la crise, ou ne distinguent pas de tendance nette. Seules 13% des entreprises ont vu un accroissement de l’engagement.

L’expérience collaborateur, remède à la crise

Quel est le profil de ces entreprises où l’engagement a progressé en plein cœur de l’épreuve ? Dans 8 cas sur 10, il s’agit d’entreprises ayant mis en place une démarche d’expérience collaborateur. À l’inverse, les entreprises qui ont décelé un recul de l’engagement des salariés sont dans près de 6 cas sur 10 des « non-pratiquantes » de l’expérience collaborateur. En retournant la perspective, les entreprises pratiquantes sont 3,5 fois plus nombreuses à avoir renforcé l’engagement des salariés que les non-pratiquantes, et elles sont sensiblement plus rares à avoir observé un recul.

Comment s’explique ce contraste ? Le baromètre nous donne quelques clés d’explication. Les données montrent que les entreprises qui pratiquent l’expérience collaborateur, et en particulier celles qui la pratiquent depuis le plus longtemps, ont davantage tiré les conséquences organisationnelles de la crise sanitaire, en se mettant au diapason des attentes de leurs salariés. Ainsi, 89% des entreprises qui pratiquent l’expérience collaborateur avaient mis en place une organisation hybride du travail, contre 67% des non-pratiquantes. Elles étaient également deux fois plus nombreuses à avoir conclu un accord d’entreprise sur l’organisation du travail (71% contre 36%),

Des organisations à l’écoute

Lorsque l’on entre dans le détail des mesures prises, le contraste est encore plus net. Par rapport à celles que nous nommons les « réfractaires » (les entreprises qui n’ont pas mis en place de politique d’expérience collaborateur et ne comptent pas le faire), celles que nous appelons les « précurseurs » (les entreprises qui ont déployé une politique d’expérience collaborateur depuis plus de 3 ans) sont par exemple :

  • près de 3 fois plus nombreuses à avoir mis en place le flex-office (61% contre 22%) ;
  • près de 5 fois plus nombreuses à former leurs managers au management à distance (75% contre 16%) ;
  • plus de 2 fois plus nombreuses à imposer des règles en matière d’horaires de réunion pour tenir compte des contraintes personnelles (63% contre 28%) ;
  • plus de 4 fois plus nombreuses à proposer des dispositifs d’aide à la garde d’enfants, et 3 fois plus nombreuses à offrir des congés familiaux au-delà du minimum légal.

Sur les horaires aménagés, la pratique du télétravail, la mise à disposition de stations mobiles de travail, et une variété d’autres indicateurs, l’avantage est systématiquement en faveur des entreprises qui pratiquent l’expérience collaborateur. Difficile de ne pas faire le lien entre cette réactivité aux attentes des salariés et les résultats obtenus en matière d’engagement.

Une forte marge de progression

Un bémol cependant : les entreprises qui disent axer leur politique RH sur l’expérience collaborateur n’entendent pas forcément toutes la même chose par cette expression. Pour beaucoup, il s’agit probablement de la prise en compte plus ou moins informelle de ce qu’elles perçoivent comme les attentes des salariés, dans la définition de leur politique RH.

Pour nous, l’expérience collaborateur est un outil de marketing RH à part entière, qui vise à professionnaliser et à encadrer méthodologiquement l’écoute des collaborateurs, dans le but de mettre en place les réponses les plus en phase avec les attentes des différents publics de salariés, dans le cadre d’un processus d’amélioration continue et dans le respect des contraintes de l’entreprise. C’est une démarche structurée, qui suppose d’avoir recours à un outillage conceptuel précis ainsi qu’à des solutions digitales de recueil et d’analyse des retours « clients » – c’est-à-dire des collaborateurs. Or, 62% des entreprises qui déclarent pratiquer l’expérience collaborateur ne sont pas équipées de ce type de solutions. Et 45% d’entre elles ne perçoivent pas vraiment la dimension « marketing RH » de l’expérience collaborateur.

L’engagement est un phénomène multifactoriel. Il serait présomptueux de faire de l’expérience collaborateur la formule magique unique qui permettrait de le faire naître et l’entretenir chez les salariés. Mais elle en est un accélérateur puissant. Les professionnels RH ne s’y trompent d’ailleurs pas : « Renforcer l’engagement » demeure le premier objectif de l’expérience collaborateur à leurs yeux. La bonne nouvelle est que les entreprises bénéficient d’une large marge de progression en la matière : en professionnalisant la prise en compte de l’expérience collaborateur dans les entreprises qui la pratiquent déjà, en l’adoptant dans les entreprises qui ne la pratiquent pas encore, les professionnels RH disposent d’un levier d’action efficace et éprouvé.

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