Dans l’actualité et dans les réactions qu’elle génère, le besoin de respect et de considération des personnes transparaît systématiquement. Il est parfois même détourné ou instrumentalisé par des causes peu nobles.

Toujours est-il qu’il est omniprésent. Dans la société d’aujourd’hui, il conditionne les ressentis, structure les analyses et explique les réactions de beaucoup. Les études réalisées sur les perceptions mettent en évidence la montée en puissance de cette aspiration, année après année.

Le dernier livre de l’historien et sociologie Pierre Rosanvallon, « Les épreuves de la vie », est éclairant avec son utilisation de ce prisme pour analyser la société française et ce qu’elle a traversé ces dernières années.

Un besoin croissant dans l’entreprise

Au-delà des expériences individuelles de mépris, d’humiliation, d’attente à la dignité mises en lumière dans cet ouvrage, c’est plus largement le besoin profond de prise en compte, d’équité et de dignité qui constitue une clé d’analyse pertinente des comportements des personnes et des évolutions de notre société. Ce phénomène ne se limite pas à la France : le vainqueur des dernières élections en Allemagne a basé toute sa campagne sur cet impératif de respect. Il n’est pas non plus nouveau : la Révolution française s’était faite autour de cet enjeu de dignité. Mais il présente dans la période contemporaine une ampleur sans précédent.

Pour ne prendre qu’une illustration, la crise sanitaire a fait émerger un vrai débat sur la hiérarchie des métiers dans nos organisations. Certains des moins considérés ont démontré dans cette situation leur forte valeur ajoutée, alors qu’ils étaient jusqu’alors relégués et mésestimés. La nécessité d’une plus grande considération a été posée.

L’entreprise est par nature un lieu majeur de construction des rapports sociaux, au regard du temps qu’y passent les individus et de la place du travail dans nos vies. La question du respect et de la considération qui leur sont accordés doit y être traitée. Les organisations qui s’en saisissent disposeront d’un avantage concurrentiel, ne serait-ce qu’à travers l’engagement renforcé qu’elles génèrent chez leurs collaborateurs.

Des politiques RH empreintes d’équité

La première réponse renvoie au renforcement de l’équité des politiques RH, dans leur contenu et dans leur mise en œuvre. L’entreprise ne peut être égalitaire, comme l’ont parfois été certaines organisations publiques : elle se condamnerait à l’impuissance. Dans ses décisions de gestion des personnes, elle se doit de différencier entre les individus. Eux-mêmes appellent cette différenciation, pour ne pas « être gérés comme la partie d’un tout », mais de manière équitable.

Nous ne parlons bien sûr pas ici des critères prohibés, puisque relevant de discriminations, même si inconsciemment ils jouent encore parfois. C’est sur d’autres bases, légitimes et pertinentes, que l’entreprise doit traiter différemment les individus : la valeur ajoutée de leur activité au regard des enjeux stratégiques, les compétences qu’ils maîtrisent, leur performance, leur potentiel, les comportements qu’ils déploient, etc.

Ce n’est pas faire insulte à certaines organisations que de constater que parfois, leurs politiques RH ne sont pas claires sur ces critères de différenciation, leur définition même, leur poids respectif, la façon de les mesurer. Prenons un exemple avec la politique de rémunération : que rétribue chacun des éléments du package ? Toutes les entreprises n’ont pas formalisé de façon évidente et partagée les réponses à cette question.

Le constat est encore plus troublant dès lors que nous nous intéressons à la mise en œuvre de ces politiques. Le procès en subjectivité est fréquent, parfois justifié. En matière de gestion des parcours, par exemple, être en capacité d’expliquer de manière objective pourquoi tel collaborateur a été choisi pour occuper une fonction et pas les autres candidats internes est pourtant le seul moyen pour l’entreprise et pour le manager de démontrer leur volonté d’équité. Cet effort de rationalisation de la décision doit être systématisé.

Le projet à mener par la DRH est donc simple : clarifier pour chacune des politiques les critères de différenciation entre les individus dans les décisions les impactant, définir comment mesurer ces critères en objectivant au plus la démarche, développer la capacité des parties prenantes à les déployer qualitativement. Les projets que nous accompagnons le plus régulièrement dans cette optique concernent le management de la performance, la rémunération, la détection des talents et la gestion des parcours.

Des comportements reconfigurés

La seconde réponse au besoin de respect et de considération renvoie aux comportements individuels, et en premier lieu à ceux des managers avec leurs collaborateurs. Rappelons que si le contrat de travail suppose par nature une subordination juridique, il n’implique en aucun cas de subordination psychologique. La relation de travail d’aujourd’hui appelle des rapports équilibrés, sans postures hautes.

Dans les projets de transformation des comportements managériaux, nous réalisons souvent un exercice de mise en situation. Il consiste à faire jouer par un manager une situation de régulation avec un de ses collaborateurs, puis à lui demander de simuler la même situation face à son manager. Le contraste dans les attitudes est parfois saisissant. Les modèles d’autorité du passé ont la peau dure.

Pourquoi, dans la forme de son interaction, le manager ne serait-pas aussi respectueux de son collaborateur que de son manager ? Pourquoi, pour ce qui relève du fond de son propos, le manager ne ferait-il pas les mêmes efforts de pédagogie avec son collaborateur qu’avec son manager ? Dans une relation impliquant des adultes, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait dissymétrie dans la considération démontrée par les interlocuteurs.

Rappelons par ailleurs que face à ce besoin de considération, la reconnaissance managériale du collaborateur par son manager est cruciale. Le reconnaître en tant que personne. Reconnaître ses efforts, ses progrès, ses résultats. Et le faire avec sincérité, en ayant intégré le caractère naturel de la pratique.

Bien menés, les projets de transformation de la culture managériale génèrent une rupture dans les comportements déployés, l’entreprise pouvant désormais mettre en œuvre le respect et la considération attendus par ses collaborateurs.

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