Ayant connu une croissance historique et ininterrompue, le secteur du numérique a profité de la crise sanitaire et du développement du télétravail pour s’imposer comme l’un des plus gros pourvoyeurs d’emploi en France. Aperçu d’un secteur qui offre un éventail très large de possibilités, et contribue à lutter contre le chômage, en particulier chez les jeunes.

Aujourd’hui, le numérique est considéré comme un élément essentiel au dynamisme de l’économie française. Sa croissance annuelle était évaluée à 4,2 % en 2019 contre 1,2 % pour le reste de l’économie. Sa part dans l’emploi total en France ne cesse d’ailleurs d’augmenter depuis la fin des années 2000. En plus de proposer une multitude d’emplois variés aux expertises diverses, le numérique est aussi un secteur inclusif qui fait la part belle aux emplois non délocalisables.

Les nouveaux métiers du numérique
Le secteur du numérique comprend une variété très large de métiers et d’expertises qui se rapportent tous, de près ou de loin, aux nouvelles technologies. Mais la grande particularité du numérique est qu’il a infusé l’ensemble de la société et fait évoluer des métiers et des pratiques qui existaient déjà, tout en créant de nouvelles professions totalement inédites. Et ce phénomène est anticipé à la hausse, puisqu’on estime que 85 % des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas à l’heure actuelle.

Ces nouveaux métiers émergent grâce à l’apparition de nouvelles technologies, aussi bien hardware que software : fibre optique, langages de programmation, blockchain, cloud computing… À la manière de toutes les autres révolutions industrielles, la révolution numérique a d’ailleurs aussi fait apparaître des entreprises dont le but est justement de tirer profit des dernières inventions du numérique. Deezer, véritable « licorne » de la FrenchTech, en fait partie. Cette entreprise française propose une plateforme de streaming de musique qui n’aurait pas pu exister sans l’internet très haut débit (THD) et la démocratisation des smartphones. Même son de cloche du côté d’OVHCloud, leader européen du cloud computing, dont la croissance dépendait initialement du développement de l’internet haut débit chez les particuliers et dans les entreprises. Ces deux sociétés françaises emploient d’ailleurs des personnes qui occupent des postes qui n’existaient pas jusqu’à récemment : développeur backend ou full stack, data scientist, network architect

L’enjeu principal, pour deux entreprises comme OVHCloud et Deezer, est surtout de trouver une main-d’œuvre appropriée et bien formée pour occuper ces nouveaux postes. Car, si l’explosion des besoins des entreprises est bien réelle, elle fait malheureusement souvent face à une pénurie de candidats. En effet, l’Observatoire des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’évènement (Opiiec) comptabilisait en 2019 seulement 0,56 candidat par poste publié dans le numérique en général, avec des profils souvent peu diversifiés. L’Observatoire indique par ailleurs qu’en 2023, 65 000 postes devraient manquer. « Il est assez naturel d’avoir une inadéquation entre les besoins des entreprises et l’offre de compétences qui sort de l’appareil de formation », explique le professeur d’économie Yannick L’Horty. « L’économie évolue de plus en plus vite, il y a des réallocations entre et dans les secteurs d’activité. On n’a jamais attendu autant de la formation qu’aujourd’hui. »

C’est effectivement dans la formation aux métiers du numérique que le bât blesse. Malgré une recrudescence des parcours, des écoles, des BTS, des DUT et des licences en tous genres, encore trop peu de candidats sont formés à ces nouvelles pratiques et ces nouvelles technologies. C’est pourtant un enjeu économique et social de grande ampleur, notamment pour les jeunes générations et pour les personnes éloignées de l’emploi.

Vers une formation de plus en plus inclusive
Longtemps vu comme un secteur réservé aux jeunes en sortie d’école d’ingénieur, le numérique est en réalité un secteur très diversifié qui correspond bien à un public éloigné de l’emploi ou en difficulté avec le système scolaire classique. En effet, comme les compétences du numérique sont parfois toutes nouvelles (comme la programmation sur un langage fraichement créé), les freins à l’emploi sont plus faibles que dans d’autres secteurs. L’explosion des besoins des entreprises ouvre également de nouvelles opportunités aux personnes qui souhaitent se reconvertir, faute de trouver un emploi dans leur formation initiale.

Plusieurs initiatives sont justement apparues pour aider les personnes éloignées de l’emploi, à l’image de l’association DesCodeuses, qui propose des formations de programmation réservées à des femmes en situation de précarité. « La question transversale, pour [ces femmes], c’est le frein à l’emploi valorisé », explique Chiraze Rakrouki, qui travaille au pôle administratif et financier de l’association. « Elles ont toutes des expériences professionnelles, mais ont souvent connu la précarité ». L’apprentissage du code agit finalement comme un véritable tremplin vers l’emploi pour ces femmes qui connaissent des difficultés à être recrutées dans les secteurs où elles sont formées, et qui voient dans le numérique une chance de réorienter leur carrière.

42, école créée par le fondateur de Free Xavier Niel, a été inventée à partir d’un raisonnement similaire. Cette école unique en son genre propose effectivement des formations gratuites, de 5 ans maximums, et s’adressant à tous les publics. Ici, pas de cours ou de professeur à proprement parler, mais des encadrants qui guident les étudiants sur divers projets à réaliser. Pour le fondateur de Free, le but était à la fois de proposer des formations inclusives à des personnes en reconversion ou peu adaptées au système scolaire traditionnel, mais aussi de répondre à la demande croissante des entreprises françaises en talents du numérique.

Ces deux initiatives tendent ainsi à montrer que le numérique est un secteur inclusif, avec des formations ouvertes à tous, et qui proposent également d’excellentes opportunités professionnelles, notamment pour les personnes n’ayant pas de formation spécifique ou de bagage scientifique. Cette perspective inclusive se retrouve d’ailleurs tout autant dans une branche bien particulière du secteur, qui propose des emplois essentiels au développement du numérique en lui-même et impossibles à délocaliser : le déploiement des réseaux et des infrastructures.

Les emplois non délocalisables du déploiement
Quelle que soit l’application numérique à utiliser et son niveau de sophistication, qu’elle concerne les télécoms, les compteurs connectés, la domotique, en bout de processus, il s’agit de l’installer chez l’utilisateur, professionnel ou particulier, et d’en accompagner le fonctionnement quotidien. Là aussi, ce sont de nouveaux métiers qui se développent : technicien fibre optique, technicien de raccordement, tireur de câbles…

La demande pour ces emplois est justement de plus en plus forte, au rythme croissant des plans d’investissement pour raccorder l’ensemble du territoire, comme c’est le cas pour l’internet THD, l’ARCEP, agence publique en charge de ce domaine, annonçant fin 2021 presque 30 millions de locaux éligibles au FttH. Et les perspectives d’emploi associés n’ont rien d’éphémères puisque, comme l’explique Gianbeppi Fortis, PDG de Solutions 30, entreprise spécialisée dans le « field management », « Les déploiements FTTH (…) ont atteint un pic en 2021. C'est maintenant le marché de la maintenance qui prend progressivement le relais tandis que le marché du raccordement des abonnés reste attractif puisqu'à fin décembre 2021, (…) seuls 34% sont raccordés ». La particularité des emplois du field management, parmi la grande famille des talents du numérique, est qu’ils sont par principe non délocalisables. Ils contribuent d’ailleurs pour une bonne part au dynamisme des territoires et des zones rurales, où le raccordement à la fibre est un enjeu majeur des politiques publiques afin que tous les Français puissent avoir accès à une connexion internet rapide et stable. Le développement du télétravail, accéléré par la crise sanitaire, va aussi forcément accroitre les besoins en main-d’œuvre dans ce secteur.

Enfin, le field management constitue là encore une belle opportunité professionnelle pour les personnes en début de carrière et n’ayant pas de formation ou très peu. La demande est telle que les entreprises forment le plus souvent elles-mêmes les nouveaux arrivés. « Nous offrons à tous nos nouveaux collaborateurs des formations à nos métiers au sein de notre centre de formation agréé. Cela nous permet d’accueillir tout type de profils : premier emploi, expérience du secteur, reconversion professionnelle… », détaille Elisabeth Aleix, directrice d’exploitation chez Sotranasa qui embauche près de 400 collaborateurs pour soutenir l’activité dans le sud-ouest de la France.

Le leader des télécoms Orange a d’ailleurs lui aussi lancé son centre de formation d’apprentis (CFA), notamment pour plusieurs métiers de technicien. Le groupe français propose ainsi des formations entièrement gratuites de 13 mois avec le bac comme seul prérequis. Pour un métier de terrain aussi fondamental que celui de technicien fibre optique ou de technicien de raccordement, l’apprentissage s’impose en effet comme le meilleur moyen de former les jeunes générations et les personnes en reconversion à ces nouveaux métiers. Un pari doublement gagnant pour le marché de l’emploi français et pour que les Français puissent tous avoir accès à la fibre.

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