On ne le répètera jamais assez : les compétences clés ne se décrètent pas, elles s’élaborent et se définissent dans un aller-retour fécond entre les orientations, la stratégie de l’entreprise et l’expérience des professionnels. En ce sens, leur promotion et leur évaluation ne peut être que le fait d’une action concertée et motivante pour tous. Ce qui suppose que leur détermination et leur formulation toujours trop générale soient assorties d’un nombre fini de comportements observables, qui fasse règle de la même manière pour chacun, ce qui ne signifie pas nécessairement que les critères quantitatifs ou qualitatifs de résultats soient identiques pour tous.

Cette démarche attirera d’autant plus l’adhésion des professionnels qu’ils y auront contribué activement et que leur évaluation sera fondée sur une appréciation objective et stimulante – bien que personnelle – qui ne créera pas de division, de soupçons ou de concurrence déplacée. Bien au contraire, elle suscitera une attitude de contribution volontaire qui favorisera inévitablement les plus motivés, les moteurs de développement, donc à terme les plus performants.

Qu’est-ce qu’une compétence « clé » ?

En effet, la notion de « compétences clés » ne relève pas d’une spécialisation accrue dans un domaine particulier – sauf à parler de compétence strictement technique –, défini en une formule stéréotypée et immuable par l’entreprise, mais elle est au service d’une performance qui se construit de la synergie de multiple dimensions (pour donner une image : ce sont quelques passe-partout et non un gros trousseau de clés… qui finit toujours par trouer les poches). La spécialisation a toujours pour effet de privilégier un aspect des choses aux dépends des autres, créant des disproportions néfastes à la performance ; or de plus en plus, c’est la capacité à saisir un problème dans son ensemble et à le traiter sous ses différents biais, en fonction de la position « unique » d’un professionnel, qui garanti une réactivité appropriée.

Inutile donc de se livrer à l’exercice technocratique de listage de toutes les compétences que devrait théoriquement posséder les cadres pour être parfaits : le mythe du surhomme a vécu. Qui plus est il ne présente pas autant d’avantages qu’il y paraît, tant un homme qui concentrerait sur lui seul l’ensemble des qualités possibles n’aurait sans doute plus la capacité d’être innovant, à fortiori créatif ! Comme dit le proverbe : « celui qui passe trop de temps à bien faire n’a plus le temps d’être bon ».

Une capacité d’orientation

Au sur-homme saturé, sans doute vaut-il mieux préférer « l’honnête homme » responsable, c’est à dire celui qui est suffisamment conscient de ses défauts, manques et carences pour tâcher de s’adapter au mieux à l’objectif qu’il vise, en faisant preuve d’imagination et de créativité pour compenser les défauts, manques et carences en question. Peut-être même la notion de compétence clé n’est-elle qu’une boussole et une carte pour permettre à chacun, selon sa position et ses capacités, ses environnements et l’analyse de ses ressources, de rallier la même destination dans le temps imparti. A l’entreprise de fixer la destination et d’en faire comprendre l’importance ; à la collaboration entre l’entreprise et les professionnels de fournir la carte adéquate et la boussole ; à chacun d’être au rendez-vous à la date convenue.

Ainsi, la notion de compétence clé est-elle une dynamique au service des individus et des collectifs, et non une modélisation artificielle. La notion « d’orientation clé » (faisant référence à la carte et à la boussole) est manifestement bien plus adaptée : selon la position et les ressources de chacun, la même orientation clé donnera lieu à des développements de compétences personnelles, de formation individualisée, etc., bref : de parcours sur-mesure. Ce qui justifiera d’ailleurs de façon plus intelligente l’idée d’une évaluation faite sur des règles communes mais sur des critères appropriés à chacun et par chacun, privilégiant l’équité dans l’appréciation plutôt que l’égalité dans une comparaison stérile. L’individualisation de l’appréciation de la performance et des « sanctions » qui lui sont liées en serait singulièrement éclairée, enrichie… et ennoblie.

 

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