Le plein emploi est enfin accessible. Mais le marché du travail reste segmenté, et beaucoup de jeunes, de personnes peu qualifiées et une partie des seniors restent encore à la porte de l’entreprise. Le plein emploi se situe peut-être en France autour de 4 ou 5% de chômage, prenant ainsi en compte les rigidités d’un marché du travail qui n’est pas aussi fluide que dans d’autres pays du monde. Ce sont donc les derniers kilomètres qui restent à parcourir, souvent les plus fatigants et les plus délicats !

Néos, jeune think-tank dédié à la transformation du travail, a identifié 10 leviers pour que les prochaines années marquent une rupture dans la manière d’envisager le travail et permettent de rendre le plein emploi créateur de richesses et d’opportunités pour toutes et tous. Pour chacun de ces leviers, et parce que RH Info rassemble une communauté de professionnels expérimentés, nous ne reprenons pas les éléments de diagnostic ni les enjeux que nous partageons, sans doute, tous largement. Allons droit au but !

Notre première piste est territoriale. Il est urgent de créer des plateformes locales de convergence vers l’emploi. Trop d’acteurs ont des dispositifs spécifiques qui fonctionnent en silos. Il s’agit de confier aux collectivités de proximité que sont les établissements publics de coopération intercommunale (métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, etc.) la mission de faire converger l’offre et la demande de travail sur leur territoire. Ceci en associant tous les acteurs : le service public de l’emploi (DREETS, Pôle Emploi, AFPA, Unedic) qui dispose des données concernant les demandeurs d’emploi, les DRH des entreprises présentes sur le territoire, les syndicats d’employeurs et branches professionnelles actives sur ce même territoire, les principaux acteurs de la formation professionnelle, publics comme privés.

La deuxième piste concerne les dispositifs d’épargne salariale. Ils sont encore trop peu développés au sein des TPE/PME, car ils restent perçus comme trop complexes. La création d’un dispositif unique de dividendes du travail, fondé sur le régime de l’intéressement, permettrait de répondre à cette problématique. Il faut fusionner les deux dispositifs d’épargne salariale existants que sont la participation et l’intéressement et conditionner les dividendes versés aux actionnaires aux dividendes du travail.

Le pouvoir d’achat inspire la troisième piste. En effet, la France a fait le choix d’un salaire minimal parmi les plus élevés d’Europe et d’un dispositif d’allégement de charges pour protéger les travailleurs les moins qualifiés. Il est indispensable de maintenir ce dispositif d’allégement de charges pour que le coût du travail ne soit pas un obstacle à leur embauche. Pour autant, il y a un impératif de progression des salaires qui relève par principe de l’entreprise. Il s’agirait d’inciter les entreprises ou les branches professionnelles à une revalorisation des salaires permise par le maintien des allégements de charges existants jusqu’à 1,6 SMIC pour des augmentations de salaire allant jusqu’à 10%.

Notre quatrième piste concerne « France Travail ». Cette future bannière commune rassemblant Pôle Emploi, missions locales, et Cap Emploi, se veut plus lisible, plus efficace et permettrait d’accompagner tous les publics dans leur projet de formation, de mobilité, d’entrée ou de retour au travail. A cette fin, il est essentiel de rebâtir la méthodologie d’accompagnement en l’alignant sur les approches nettement plus qualitatives et intensives, proches du coaching individualisé, déployées par les missions locales. Pour ce faire, la gouvernance devra être locale pour réunir, sur chaque bassin d’emploi, les entreprises, les acteurs de la formation ainsi que les producteurs de données statistiques.

Le dialogue social inspire la cinquième piste. Il s’agirait d’élargir la base de composition des groupes d’expression, dans un objectif de décloisonnement et de circulation de l’information, mais également l’objet de l’expression elle-même, aujourd’hui limitée aux seules conditions de travail, en y incluant les enjeux de performance, objectifs de production, rémunération globale. Il faudrait enfin adosser le droit d’expression directe et collective à la négociation collective. Ainsi, ce levier alimenterait à la fois la qualité du dialogue social, l’autonomie et la responsabilisation au travail et le développement des compétences.

La sixième piste a souvent été défendue dans ces colonnes : positionner le développement des compétences en entreprise comme un actif stratégique des entreprises. Il s’agit d’étendre le champ de l’option existante s’agissant des frais de formation nécessaires à la mise en service d’une immobilisation, aux frais de formations non obligatoires qui participent au développement des compétences des salariés prévues et définies par le plan de développement des compétences, en lien avec les activités nouvelles liées à la stratégie de l’entreprise. Ces formations doivent pouvoir être valorisés à leur bilan comme un investissement, un actif amortissable générateur de de flux de trésorerie futurs.

La septième piste suppose de la pédagogie. Il s’agirait de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes en sécurisant et valorisant le travail étudiant. Serait initié un « contrat emploi étudiant», limité dans le temps, ouvrant à des exonérations de cotisations de sécurité sociale, qui vise à faire émerger un véritable cadre pour le travail étudiant occasionnel, à côté de l’alternance et du stage, dans un cadre totalement sécurisé. Les compétences mises en œuvre seraient identifiées et valorisées dans le cursus scolaire. Une solution qui protège sans assister, qui libère sans déréguler.

La huitième piste aborde l’emploi des seniors. Il est dramatiquement faible en France, 6 points en-dessous de la moyenne européenne. Nous prônons la mise en place un index senior permettant d’inciter les entreprises au recrutement et au maintien dans l’emploi des travailleurs expérimentés. Par ailleurs, pour inciter davantage les employeurs à intégrer la dimension senior dans leur politique d’emploi, le thème de l’aménagement des fins de carrière et le maintien de l’employabilité devrait pouvoir être intégré à la négociation sur la prévention de la pénibilité et sur la GEPP. Ces axes permettraient également de faciliter les mobilités et les transitions professionnelles favorables au maintien dans l’emploi.

L’avant-dernière piste que Néos renvoie à un droit social commun à toutes les formes d’emplois. En effet, l’intégration de la nouvelle économie, et particulièrement des plateformes numériques d’emplois, dans le système salarial apparaît inadaptée. Plus encore, elle est susceptible de remettre en cause le modèle économique de ces entreprises qui sont largement créatrices d’emplois. Un modèle social protecteur doit être inventé. Il nous faut définir un corps de règles et de droits fondamentaux, applicables à tout travailleur, en désolidarisant certains droits du contrat de travail.

Enfin, la dernière piste est sociétale et vise à enfin bâtir la « société de la connaissance » pour garantir la compétitivité durable de la France. Notre croissance provient très largement de notre capacité à nous inscrire dans la compétition avec un très haut degré de qualification, non seulement des actifs mais de l’ensemble de la population. Dès lors, nous souhaitons mobiliser tous les Français sur l’enjeu des connaissances et des compétences en mettant en œuvre en 2025 un projet mobilisateur d’envergure nationale, comparable à une exposition universelle : « L’année du savoir en France ». L’enjeu est de sensibiliser la population sur l’importance du développement de ses connaissances et compétences, dans une logique beaucoup plus large que le développement de l’employabilité, en mobilisant tous les citoyens. Et les DRH en seraient les premiers promoteurs !

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