« La nécessité de promouvoir la diversité en entreprise a ceci d’étonnant qu’elle apparaît comme une évidence aux yeux de certains, là où d’autres n’y voient qu’une contrainte légale supplémentaire . », écrivaient Patrick Storhaye et Mahé Bossu dans un article sur RH info . S’il est vrai que la promotion de la diversité entend combattre toute forme de discrimination, à quelque titre que ce soit, c’est à la fois une question sociale, politique, éthique, génétique, juridique, relationnelle et organisationnelle… cela constitue une somme de considérations très variées qui s’entremêlent et ne font pas toujours bon ménage, il faut bien en convenir. Surtout lorsqu’on entend la rapporter à son “intérêt” pour l’entreprise !

Une interrogation philosophique

En fait, la question de la diversité vient nous interroger dans le domaine professionnel comme dans le domaine privé sur notre rapport à l’altérité, à la différence. Elle ne nous est pas forcément spontanée, même si la nature de la vie en société, à l’échelle de la famille, de l’entreprise comme de la planète, nous amène à nous “confronter” à l’altérité ; que nous parlions d’une altérité spécifique – l’origine, le sexe, la culture, le handicap, l’âge, la religion, etc. – ou d’une altérité plus radicale qui nous amène à considérer et à respecter simplement l’autre “en tant qu’autre”, quel qu’il soit. Saint Exupéry avait trouvé cette formule si parlante, dans Lettre à un otage : « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente ». Avez-vous vraiment l’impression que c’est un sentiment partagé, dans notre monde ?

La diversité : une attention qui s’impose de plus en plus

Quoi qu’on en pense, c’est à minima un souci en pleine croissance chez les travailleurs, en particulier les plus jeunes, si l’on se réfère à la 7 ème édition de l’enquête annuelle de ADP Research Institute [1] , « People at Work 2022, l’étude Workforce View », qui explore les attitudes des salariés par rapport au monde du travail actuel, ainsi que leurs attentes et leurs espoirs concernant l'environnement de travail du futur. Le constat est significatif : 77 % des travailleurs de 18-24 ans (62 % toutes classes d’âge confondues) pourraient quitter leur emploi s’ils faisaient face à un manque de diversité et d’inclusion au sein de leur entreprise ; et 83 % (66 % toutes classes d’âge confondues) envisageraient de changer d’entreprise en cas d’inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Si ces chiffres sont uniquement déclaratifs, et si une démission résulte souvent d’une multitude de causes, il n’empêche que cela fait donc désormais partie des considérations importantes chez des talents que les entreprises peinent de plus en plus à trouver et à fidéliser. C’est d’ailleurs une des conclusions fortes de l’enquête : « La prise en considération, la mise en place et l’application de politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) dans l’environnement professionnel est devenue un critère sine qua non auprès des travailleurs. »

Des entreprises à la peine sur la diversité

Même si certaines organisations se révèlent exemplaires en matière de diversité, il reste que sur l’ensemble, la perception des salariés français demeure très mitigée : ils ne sont que 37 % à penser que leur entreprise applique vraiment une politique de diversité et d’inclusion ; 41 % à affirmer que leur entreprise applique une politique d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Et cela semble bien à leurs yeux pécher au niveau politique et stratégique : les employeurs ne reconnaissent l’importance d’une politique de diversité et d’inclusion que pour 23 % des salariés ; une politique d’égalité salariale que pour 21 %. Et pour près d’un salarié sur 5, leurs dirigeants n'en parlent… jamais ! Ils sont également à peine plus d’un sur cinq à estimer qu’il y a eu une amélioration sur ces questions ; à peine plus que ceux qui pensent au contraire que la situation s’est détériorée.

Certes, il y a des variations dans ces résultats si l’on entre dans le détail des secteurs d’activité et les différentes classes d’âge, mais le diagnostic global semble sans appel. Comment penser, à l’heure où les salariés communiquent davantage sur les réseaux sociaux qu’auprès de leurs managers ou de leurs collègues, que de telles perceptions sont sans conséquences sur la réputation des entreprises, leur marque employeur, leur expérience collaborateurs et candidats ?

La fonction RH à la manœuvre sur la diversité

Aujourd’hui plus encore qu’avant, le “capital humain” a des valeurs qui outrepassent le contrat marchand, strictement lié à un emploi professionnel. Et encore s’agit-il de comprendre que la diversité recèle, même et y compris sur le plan de la performance professionnelle, des leviers d’innovation et de créativité encore largement inexploités. Ce n’est pas une question d’image, c’est une question de femmes et d’hommes, d’individus et de collectifs qui assurent la pérennité de nos entreprises.

Il existe des indicateurs, internes ou contraints par la législation, pour mesurer la réalité de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, autant que pour les écarts salariaux entre femmes et hommes. Mais c’est avant tout une question de culture, de prise en compte des personnes et du bien commun.

Un beau chantier pour la fonction RH, non ?


[1] Cette enquête a été réalisée auprès de 32 924 salariés dans le monde, de tous secteurs et tailles d’entreprises, dont 15 683 en Europe et 1951 en France. Son intérêt réside également dans la comparaison avec les années antérieures successives.

 

People at Work 2022 : l'étude Workforce View

Téléchargez le rapport

Tags: Diversité Equité Inclusion

People at Work 2022 : l'étude Workforce View

Téléchargez le rapport