Deux leviers d’engagement des collaborateurs en ces temps incertains [1]

L’année 2022 est marquée par un nombre croissant d’incertitudes avec une pandémie du Coronavirus qui est loin d’être terminée, une guerre aux portes de l’Europe qui est partie pour durer, le retour d’une inflation galopante et des approvisionnements en énergie menacés, et une transition climatique non encore maîtrisée. Dans ce contexte, il peut sembler incongru d’évoquer l’optimisme comme l’une des compétences managériales clés à développer dans les mois et les années à venir. Or comme le démontre avec conviction Philippe Gabilliet [1] , l’optimisme peut être une forme d’antidote face à la morosité ambiante telle que l’on peut la ressentir dans le contexte d’une crise sanitaire qui dure avec son cortège de conséquences négatives dont la fatigue croissante des salariés [2] . De même le courage managérial peut être perçu comme un autre levier pour développer l’engagement des collaborateurs en ces temps incertains.

Être un manager optimiste ? Oui mais en restant réaliste

Le Larousse propose trois définitions de l’optimisme [3] : (1) une doctrine philosophique d’après laquelle le monde est bon et le bien y tient davantage de place que le mal, (2) une disposition d’esprit qui incline à prendre les choses du bon côté, (3) la confiance dans l’issue favorable d’une situation. Parmi ces trois définitions de l’optimisme, les deux dernières sont celles qui peuvent constituer le socle d’une compétence que les managers pourraient développer en 2022 pour permettre à leurs équipes d’être plus résilientes face à l’incertitude de la crise sanitaire tant les bienfaits de l’optimisme sont reconnus depuis plusieurs décennies dans le cadre du mouvement de la psychologie positive fondé en 1998 par Martin Seligman [4] .

Dans l’entreprise, le développement de l’optimisme permet en effet au manager de mettre en avant les forces de son équipe plutôt que de se focaliser sur ses faiblesses et éventuelles lacunes et de lever les sujets de blocage en considérant que les collaborateurs sont dignes de confiance et qu’ils sauront faire de bons choix pour résoudre le problème rencontré. Le manager optimiste analyse la réalité, cherche le bon côté des choses et la bonne façon d’agir pour y arriver. Il ne baisse pas les bras face à l’adversité, au contraire il y croit. Il va entrainer l’équipe à chercher des solutions en communiquant une énergie positive qui donne envie et pousse à agir et à se dépasser. Par ailleurs, les bienfaits de l’optimisme sur la santé physique et mentale des individus ne sont plus à démontrer tant les chiffres parlent d’eux-mêmes avec notamment une réduction de 35% des risques cardiaques chez les optimistes [5] .

Dans le contexte actuel des incertitudes multiples, il semble donc crucial pour le manager de développer l’optimisme comme une vraie compétence managériale sans pour autant verser dans la méthode Coué ou toute autre forme d’optimisme béat. Encore faut-il que la culture de l’entreprise s’y prête et que l’équipe dirigeante elle-même soit exemplaire sur le plan de l’optimisme. Concrètement, pour développer l’optimisme dans son environnement de travail, le manager peut agir sur plusieurs leviers [6] : (1) donner une image stable et positive par ses paroles et son attitude, (2) communiquer sur toutes les bonnes nouvelles et relativiser les autres, (3) centrer et focaliser l’équipe sur sa mission en fixant des objectifs atteignables, (4) accompagner, encourager et féliciter l’équipe pour tous les succès intermédiaires, (5) responsabiliser et faire confiance en stimulant la créativité pour s’adapter à cette période incertaine.

Mais toutes ces leviers ne peuvent être activés que si la politique RH soutient cette philosophie de l’optimisme par des dispositifs de formation et de reconnaissance. A ce titre les DRH peuvent être des acteurs clés pour que les valeurs véhiculées par l’optimisme fassent partie de l’ADN de l’entreprise à l’image, dans le monde de la communication, de la nouvelle radio Airzen [7] qui, depuis octobre 2021, est la seule radio nationale 100% optimiste

Le courage managérial : un filon à exploiter

La guerre fratricide à laquelle nous assistons à l’est de l’Europe a mis en lumière le courage du peuple Ukrainien, de son armée, et de son Président qui s’est révélé être un exceptionnel leader de crise alors que rien ne l’avait préparé à ce rôle qu’il n’avait tenu fictivement que dans une série télévisée à succès [8] . Le courage des acteurs des 1ère et 2ème lignes a été également reconnu et remercié par nos applaudissements à 20h au début de la crise sanitaire mais malheureusement un peu trop vite oublié depuis. Et dans l’entreprise, le courage a-t-il sa place pour lui permettre de mieux fonctionner et d’être plus performante dans un contexte marqué par toutes les incertitudes actuelles (pandémie, guerre, inflation, crise énergétique, transition climatique...) ? Oui sans aucun doute ! Et particulièrement au niveau des managers, à la différence de certains qui estiment que le courage managérial est un non-sens puisque ce serait même « la première dimension dont il faudra se soucier quand on confie des équipes à un responsable » [9] .

En tant que manager, en effet, faire preuve de courage ce n’est pas d’agir dans une posture de héros comme on peut l’observer dans le conflit Ukrainien. On pourra se contenter de se référer à la définition du courage proposé par Nelson Mandela [10] : « le courage, ce n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre ». C’est donc dans les actes quotidiens que le courage managérial se reconnaît : prendre une décision qui peut déplaire mais est pourtant nécessaire, oser questionner les pratiques historiques de l’équipe, aller au-delà du “consensus mou”, faire un feedback sincère de progrès à quelqu’un qu’on apprécie, permettre l’expression d’avis contradictoires au sein de l’équipe, admettre ses erreurs ou encore prendre le risque de sortir de sa zone de confort…sont autant d’illustrations du courage managérial [11] .

La/le manager qui incarne le courage est celle/celui aussi qui prend « les coups », les « vagues », face au marché, face aux fournisseurs, face aux supérieurs, face à toute adversité… Cohésive/if, frugalement et justement autoritaire sans autoritarisme, elle/il permet aux individus de son équipe de se sentir protégés, en sécurité, et de se (re)positionner ensemble, avec des postures et contributions clairement comprises et assumées dans un contexte d’incertitude. La/le manager ne se désolidarise par exemple pas du collaborateur avec qui elle/il a préparé la présentation d’un dossier en réunion avec les supérieurs, si ces derniers expriment du scepticisme voire de l’opposition [12] .

Alors comment exploiter ce filon qui va permettre à l’entreprise de répondre efficacement encore aux défis d’un environnement de plus en plus incertain et ambigu sans parler de la volatilité et de la complexité ? Quelques pistes sont présentées dans un livre récent qui incite les managers à « oser le courage » [13] sous la forme de plusieurs savoir-être, détaillés dans chacun des chapitres, que l’entreprise et particulièrement les DRH peuvent faciliter par la formation et le développement d’un climat interne bienveillant :

1. savoir bien se connaître et accepter ses vulnérabilités,

2. savoir défendre son équipe et la placer en priorité,

3. savoir dire les choses, libérer la parole, la sienne et celle des autres,

4. savoir décider, trancher, expliquer et assumer ses décisions,

5. savoir être audacieux et prendre des risques sans être téméraire,

6. savoir défendre ses valeurs et savoir dire non,

7. savoir gérer l’incertitude et affronter les crises,

8. savoir poser des limites et prendre soin de soi.

Ces pistes et d’autres, qui restent à inventer par les dirigeants et leur DRH, leur permettront de développer le courage – l’une des 4 valeurs cardinales de Platon avec la prudence, la justice et la tempérance – pour renforcer l’agilité aujourd’hui tant recherchée dans nos entreprises.

En définitive, optimisme et courage représentent deux leviers que peuvent actionner les managers pour développer l’engagement des collaborateurs dans un environnement marqué par tant d’incertitudes car c’est au cœur de la tempête que l’on reconnait les grands capitaines !


 

[1] Cet article est une version adaptée des chroniques publiées en janvier et mai 2022 par l’auteur dans l’hebdomadaire « Entreprise & Carrières ».

[1] Gabilliet, P. : Eloge de l’optimisme, Editions J’ai Lu , 2018

[2] Besseyre des Horts, CH. : https://www.fr.adp.com/rhinfo/articles/2022/08/detresse-psychologique-et-fatigue-aout-22.aspx

[3] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/optimisme/56255

[4] Seligman, P. : La force de l’optimisme : apprendre à faire confiance à la vie , Interéditions, 2008.

[5] https://www.coeuretavc.ca/articles/les-bienfaits-de-l-optimisme-sur-la-sante

[6] http://www.inspirations-management.fr/importance-optimisme-travail-periode-crise-sanitaire-economique/

[7] https://www.airzen.fr/la-radio

[8] https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021804/serviteur-du-peuple/

[9] https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20140403trib000823480/par-pitie-arretons-avec-le-courage-managerial-.html

[10] Mandela, N. : Un long chemin vers la liberté, Le Livre de Poche, 1996

[11] https://www.forbes.fr/management/le-courage-managerial-une-force-en-periode-dincertitude/

[12] Truong, O. , De Geuser, F., Wiersch, E., Besseyre des Horts, CH., & Chavanne, PM. : Le Management par la Confiance, Eyrolles, Septembre 2020, p.88.

[13] Rambert, M. : Managers, osez le courage !, Vuibert, 2022

 

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