La cooptation en recrutement est l’acte de recommander une personne pour un poste dans une entreprise.

Relativement simple à mettre en œuvre et rudement efficace, la cooptation est, sans l’ombre d’un doute, un puissant levier de recrutement et présente de nombreux avantages : réduction des coûts et des délais de recrutement, accès au « marché caché » et à des profils qui n’étaient pas forcément en recherche active d’emploi ou disponibles sur les canaux « classiques » de recrutement, embauche de profils plus qualitatifs et a priori davantage alignés avec la culture et les valeurs de l’entreprise, turnover réduit… pour n’en citer que quelques-uns.

Bref, la cooptation semble être un levier de recrutement sensationnel ! Mais à bien à regarder, la cooptation n’a-t-elle pas, à haute dose, une face cachée plus sombre ? C’est en tout cas ma conviction. Passé un certain stade, je suis persuadée que la cooptation peut se retourner contre l’organisation elle-même tout comme la révolution a pu dévorer ses propres enfants. Je vois ainsi 3 principaux pièges et risques que je vais donc développer dans cet article. C’est parti !

Confondre cooptation et copinage

Le premier piège est évident tant il va de soi et saute aux yeux de tout le monde. Il consiste à confondre cooptation et copinage. Certes, me direz-vous, les organisations n’ont pas attendu la mise en œuvre d’une politique de cooptation pour découvrir le piston et le népotisme mais une politique de cooptation, mal expliquée et déployée, peut engendrer une incitation voire une industrialisation du copinage.

Il reste primordial que même dans le cas d’une cooptation, les compétences d’un candidat et sa capacité réelle supposée à exercer une fonction avec succès priment sur les considérations d’ordre amical ou relationnel.

Une organisation se doit, avant toutes choses, de recruter des compétences et non d’embaucher des amis ou des proches afin de faire plaisir et de brosser dans le sens du poil les coopteurs. La compétence doit rester la boussole de tout recrutement et guider le processus de recrutement même en cas de cooptation. Ainsi pas d’impasse possible sur l’évaluation des critères essentiels du poste et aucun passe-droit accordé !

Le profil coopté doit être évalué avec la même rigueur que n’importe quel autre candidat ni plus ni moins afin de garantir le recrutement le plus objectif et équitable possible. Ce premier piège étant évacué et traité, passons au deuxième !

Favoriser l’entre-soi

Comme le dit si bien l’adage « qui se ressemble s’assemble ». Aussi, lorsqu’un collaborateur coopte un candidat, il va assez logiquement et naturellement pousser et proposer un profil qui lui ressemble et qu’il a croisé lors de ses études ou d’une précédente expérience professionnelle. Résultat, les profils cooptés ont de très grandes chances d’avoir fait la même école, suivi les mêmes études, travaillé au sein des mêmes entreprises voire sur des projets communs…

Le risque est donc grand, comme vous le voyez, que la cooptation aboutisse in fine à favoriser de manière extrêmement prononcée l’entre-soi et la réplication sociale.

Je dirais même que mise en œuvre sans discernement et de manière intensivela cooptation peut déboucher sur le recrutement d’une armée de clones pensant exactement la même chose au même moment.

Utilisée à outrance, la cooptation prive, concrètement, les organisations des réels bienfaits de la diversité (diversité de formation / de parcours/ diversité cognitive…) à savoir la créativité, l’innovation, l’émergence de nouvelles idées et stratégies, la capacité à se remettre en question et à challenger la stratégie et les processus établis.

Or, une organisation pour croître, grandir, performer, se remettre en question, anticiper, s’adapter aux évolutions, se réinventer, relever les challenges et tout simplement durer a besoin de diversité, a besoin de profils variés aux parcours de vie et professionnels différents sinon elle tourne en vase clos et meurt de « consanguinité ».

C’est de la diversité qu’une organisation se nourrit, tire sa force et sa richesse et accroît sa performance. Avec une cooptation intensive, ces organisations en paieront inévitablement et inéluctablement le prix et ce prix sera très (trop ?!?) élevé.

Fragiliser la coopération et l’esprit critique

Avoir au sein de son organisation de nombreuses personnes cooptées facilite indéniablement leur intégration et est un plus indéniable pour la cohésion d’équipe. En effet, cooptés et coopteurs se connaissent, s’apprécient, partagent des codes communs et ont l’habitude de travailler ensemble. La collaboration n’en est que plus aisée, simple et fluide. En tout cas, en apparence … mais est-ce vraiment le cas ? Et si oui, à quel prix ? Le prix à payer n’est-il tout simplement pas exorbitant ?

Car si les équipes mêlant coopteurs et cooptés s’entendent mieux, en tout cas en apparence, et travaillent mieux ensemble, cela est, à bien y regarder, au détriment de l’organisation. Je vous ai perdus ? Je m’explique !

Par peur de faire des vagues et de froisser, cooptés principalement mais également coopteurs vont taire leurs divergences et mettre en sourdine leurs différends afin de préserver la cohésion et la qualité de leur relation. Cela est regrettable et fort dommageable pour l’organisation car il existe des conflits sains qui ont toute leur raison d’être sur le travail et les critères du travail bien fait et qui débouchent sur de réelles améliorations au bénéfice de tous les collaborateurs, de l’organisation et de ses clients.

Il est ainsi primordial que les organisations parviennent à préserver des espaces de « conflit » sur le travail. Pour ce faire, le prérequis est que tous les acteurs aient une réelle liberté d’expression et que cette dernière soit entravée au minimum. Or il n’est pas rare qu’un coopté se sentant redevable pour son nouvel emploi et ayant développé un fort sentiment de loyauté envers celui qui l’a coopté se taise et mette sous les tapis sa véritable opinion et ses divergences de point de vue pour ne pas entrer en conflit ouvert avec son coopteur ou l’organisation qui vient de l’intégrer. Le coopteur peut également se taire de peur de désavouer les démarches et décisions mises en œuvre par la personne dont il a lui-même recommandé l’embauche.

Dans ce cas précis, la cooptation est un lent poison qui entrave la coopération et obère l’avenir.

Dans la même veine, l’abus de cooptation est dangereux dans la mesure où il génère la formation de clans à l'intérieur même d’une organisation. Ces clans sont constitués des cooptés redevables aux coopteurs et se sentant obligés de leur prêter serment d’allégeance. Ils se sentent ainsi forcés et contraints d’acquiescer aux demandes et préconisations de leur coopteur et de s’opposer aux directives et demandes émanant de ce qui est perçu comme le « camp adverse ».

On peut alors dire bye-bye esprit critique et bienvenue conformisme ! Et, assez logiquement, c’est l’organisation même qui va en faire les frais et pâtir de cette auto-censure.

Conclusion

Parée de toutes les vertus, la cooptation est un levier de recrutement extrêmement intéressant et puissant à ne pas négliger et à conserver précieusement dans son arsenal de recrutement. La cooptation permet, en effet et entre autres, de réduire les coûts ainsi que les délais de recrutement.

Mais attention à ne pas en abuser car les risques en cas d’utilisation à outrance ou de mauvaise utilisation sont à prendre au sérieux et sont lourds de conséquences : copinage au détriment des compétences réelles et développement de l’entre-soi au détriment de la diversité.

Bref, comme en toutes choses, le poison est dans la dose et la cooptation est donc à consommer avec modération sous peine de transformer votre organisation en une armée de clones où l’esprit critique brille… mais par son absence !

Tags: Cooptation Recrutement Esprit critique