Ruptures conventionnelles en hausse, multiplication des démissions, la France semble emboîter le pas aux États-Unis, pris dans le tourbillon de la « Grande Démission ». Quelles sont les causes de ce phénomène qui bouscule le marché du travail français et comment les employeurs peuvent-ils réagir pour fidéliser leurs collaborateurs ?

Le marché de l’emploi français ou l’histoire d’un retour de boomerang

En France, près de 40% des salariés penseraient à démissionner. 50% d’entre eux confessent même être moins attachés à leur entreprise qu’avant la pandémie de Covid-19. Comment le marché de l’emploi en France s’est-il retourné à la faveur des employés et que leur vaut ce désamour pour le monde de l’entreprise ? La première réponse à ces questions est d’ordre économique.

En effet, pour comprendre la situation de l’emploi en France, il faut remonter à la période pré-Covid. À la fin des années 2010, le marché de l’emploi faisait face à une anomalie marquée par un manque d’offres d’emploi. À cela s’ajoutait une modération salariale très forte. Les actifs, n’ayant que peu de choix, ne pouvaient se permettre de changer d’entreprise selon leurs envies. Une telle tension devait, nécessairement, provoquer un retournement de situation.

La pandémie de Covid-19 s’est manifestée au plus fort de cette intense pression sur le marché de l’emploi et en a rebattu les cartes de manière radicale. En bousculant les habitudes de travail et en confrontant de nombreux secteurs à des obstacles inédits, la pandémie a permis aux salariés de prendre conscience de leur valeur, de leur poids économique et de revoir leurs aspirations profondes. Au sortir de la crise sanitaire, c’est donc sans surprise que le marché de l’emploi s’est complètement retourné à la faveur des salariés.

Une nouvelle conception de la réussite au détriment de la carrière

Deuxième raison majeure aux secousses qui traversent le monde de l’entreprise en France : la nouvelle définition de la réussite qui anime désormais les salariés. Si, pendant longtemps, réussir dans la vie ne pouvait se faire qu’au travers d’une brillante carrière, les choses ont bien changé.

Plus encore que le prestige de son CV, ce qui compte le plus, pour un nombre croissant de salariés, est d’atteindre un certain niveau de vie. Les besoins primaires sont de plus en plus individualisés à la défaveur des normes sociales traditionnelles, maintenant dépassées. Les actifs, pour une grande partie d’entre eux, considèrent leur travail comme un moyen leur permettant d’atteindre leurs objectifs personnels. La carrière n’est plus un but à part entière, mais un chemin incontournable pour assurer le confort matériel indispensable à la vie privée.

Dès lors que ce niveau de vie est atteint, un certain seuil psychologique est franchi et les exigences envers l’employeur augmentent. Les employés ne sont plus prêts à sacrifier leur vie personnelle au profit de leur vie professionnelle. C’est l’inverse qui se produit : le travail doit servir les intérêts personnels. Si les finances sont préservées, ce sont d’autres critères qui détermineront le choix d’un emploi. Cela peut être la culture managériale, l’ambiance au travail, la reconnaissance ou encore la distance domicile-travail.

Comment améliorer l’expérience collaborateur pour éviter le turnover ?

Entre salariés et employeurs, le rapport de force s’est indéniablement inversé. Et les entreprises qui en pâtissent le plus sont celles qui ont le plus négligé leur culture managériale et leur marque employeur. Comment les entreprises peuvent-elles réagir quand seulement 6% des collaborateurs se disent engagés en France ? Tout d’abord, en révisant les conditions de travail de leurs collaborateurs.

Au-delà de la question de la quête de sens au travail, ce que les employés recherchent c’est une autre manière de vivre les rapports entre collaborateurs. La hausse de démission chez les cadres est très éloquente à ce sujet : les entreprises dont le fonctionnement est perçu comme « toxique » sont désertées. Cibles de nombreuses critiques : les managers. Ceux-ci doivent revoir leur mode de communication avec leurs collaborateurs, rééquilibrer la charge de travail et repenser les critères de performance.

Favoriser l’engagement implique de revoir la manière d’évaluer la performance. Trop souvent, celle-ci est jugée par le temps passé sur le lieu de travail. En remplaçant le présentéisme par des objectifs concrets, réalisables et motivants, les managers peuvent renforcer l’engagement. Cela passe, par exemple, par une plus grande flexibilité concernant les horaires de travail. Selon les entreprises et les profils, davantage de souplesse concernant le télétravail peut ainsi être envisagée.

Des missions réalistes et atteignables, un organigramme clair, une communication franche, respectueuse et régulière, une bonne qualité de vie au travail, en plus du respect de l’équilibre entre la vie professionnelle et privée, sont autant d’éléments qui contribuent à fidéliser les collaborateurs. Veiller à respecter ces valeurs est également indispensable pour mettre en valeur sa marque employeur et faciliter le recrutement de nouveaux talents.

La rémunération variable, levier concret pour lutter contre le risque de « Grande démission »

Tout bien considéré, les actifs ont des idéaux très conventionnels. Ils souhaitent atteindre un niveau de vie leur permettant d’être épanouis. Si leur entreprise ne leur en donne pas les moyens, notamment à travers une rémunération satisfaisante, ils n’hésitent plus à la quitter. Pour répondre aux besoins des employés sans alourdir les charges de l’entreprise, les employeurs peuvent se tourner vers la rémunération variable.

Toutes les entreprises ne peuvent pas se permettre le coût que représente une augmentation du salaire fixe. Celles-ci sont d’autant plus sujettes aux turnovers et aux difficultés de recrutement. La rémunération variable est un procédé gagnant-gagnant puisqu’il s’agit d’un investissement pour l’employeur et non un coût supplémentaire.

En décidant qu’une partie de son salaire dépend de sa performance, l’employeur motive son salarié et l’incite à s’investir dans son travail. En cas d’atteinte des objectifs fixés, l’entreprise et le salarié en retirent tous deux des bénéfices immédiats. En cas d’échec, la rémunération variable est nulle et l'employeur ne dépense donc pas d’argent supplémentaire.

En définissant le bon ratio et en sélectionnant les KPIs (key performance indicators) les plus adaptés au collaborateur et à sa mission, l’entreprise peut élaborer un système de primes cohérent, engageant et efficace à la fois pour les salariés et la stratégie globale de la société. Les entreprises doivent avoir à l’esprit que l’instauration d’un système de rémunération variable permet d’inscrire la société et l’ensemble des collaborateurs dans un cercle vertueux. La fidélisation des employés en est ainsi renforcée et la croissance générale dopée.

Mettre en place un système de prime nécessite de la méthode et l’implication de l’ensemble des supérieurs hiérarchiques. Aussi dans le contexte de grande tension sur le marché de l’emploi, réussir l’introduction de la rémunération variable passe immanquablement par la formation des ressources humaines.

Accéléré par la pandémie, le retournement du marché de l’emploi a mis au défi de nombreuses entreprises. Souvent démunies face aux démissions soudaines et en difficulté pour attirer de nouveaux talents, elles peinent à trouver les moyens de souder leurs équipes. Si un rééquilibrage général du marché de l’emploi est à prévoir, les employeurs doivent transformer les obstacles actuels en opportunité de revoir objectivement leur culture managériale et leur système de rémunération.

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