Les Digital Natives ont tendance à être décrits comme volages. Pas vraiment une aubaine en période de pénurie de candidats. Témoins des désillusions professionnelles de leurs parents ou grands-parents, les nouvelles générations (Y et Z) s’engagent différemment dans l’entreprise, d’autant qu’internet a profondément modifié les comportements et les attentes des salariés. Fini le contrat psychologique d’une promesse de carrière en échange d’un engagement loyal. Pour les « enfants du numérique », le CDI n’est plus l’objectif ultime, le graal à conquérir. Est-ce à dire que les Digital Natives ne sont pas fidélisables ?

Une fidélité choisie

Les conditions à réunir pour gagner la fidélité de salariés entretenant un rapport différent au travail ont monté d’un cran. On passe d’une fidélité plus ou moins subie, liée à un sentiment de devoir ou à une peur d’être exclu de son emploi, à une fidélité choisie. La relation à l’entreprise est à l’image du registre affectif privé. D’antan, on se mariait avec l’accord parental, et on ne se séparait pas en raison de la pression sociale. Aujourd’hui, c’est (a priori) le triomphe de l’amour. On s’unit par amour et on se sépare lorsqu’il n’est plus là, mais parfois en oubliant que les inéluctables périodes difficiles sont surmontables. Il en va de même dans l’entreprise. Les jeunes générations revendiquent leur volonté d’être heureux au travail. On passe ainsi d’un rapport parent (entreprise) - enfant (salarié) à un rapport couple amoureux où on se choisit et on évolue ensemble… pour le meilleur mais pas forcément pour le pire. En cause : la montée de l’impatience !

Car le digital a changé le rapport au temps. Vues à l’origine comme une source de liberté et d’efficacité, les technologies de l’information et de la communication créent une stimulation permanente qui génère au final dépendance et impatience. À tel point qu’on voit fleurir de ci de là des stages ou séjours « Digital detox » ! Ce rapport au temps désormais dominé par l’urgence et le court-termisme représente un frein à la fidélisation. Écueil organisationnel bien sûr mais aussi individuel. Quand on interroge aujourd’hui des seniors restés fidèles à leur entreprise, ils font part de leur fierté d’avoir su surmonter certaines périodes peu enjouées et d’avoir résisté à la tentation d’aller voir ailleurs. Cette confrontation au réel leur a permis de grandir, de faire un travail sur soi, de se transformer. Dommage de quitter une entreprise dont la raison d’être nous plaît, simplement parce qu’à un moment donné les conditions de travail se sont provisoirement dégradées.

Une fidélité à quoi ?

« La fidélité à une sottise n’est jamais qu’une sottise de plus » , disait Jankélévitch. Rester fidèle à une marque de téléphone, alors qu’une autre marque propose un modèle qui nous correspond mieux, relève plus du comportement normatif que du discernement. Autrement dit, un salarié fait preuve de fidélité (non sotte !) à une entreprise lorsqu’il refuse d’en changer sans véritables raisons. Et c’est précisément la responsabilité de l’employeur d’éviter de donner ces raisons en mettant en place une organisation plus en phase avec les attentes des nouvelles générations. Cherchant non pas un job mais des missions qui leur permettent de vivre de nouvelles expériences et de mettre leurs talents à l’épreuve, les jeunes salariés plébiscitent :

1/ un fonctionnement en mode projet (ou tribal),

2/ une organisation non seulement apprenante mais aussi partageante, notamment par le biais d’espaces de délibération,

3/ un travail hybride, car de la revendication d’une frontière travail - hors travail, on passe à un enchevêtrement des sphères de vie, avec ce désir très fort de bénéficier d’une liberté dans la façon d’organiser son travail et son temps de travail,

4/ des missions qui ont du sens incluant la défense de causes sociales ou environnementales. La crise sanitaire du Covid-19 a été pour certains salariés l’occasion de développer des actions citoyennes, comme par exemple la transformation des masques de plongée de Décathlon en masques protecteurs pour les milieux hospitaliers. De telles initiatives nourrissent indéniablement la fierté d’appartenance à l’entreprise et l’envie d’y rester.

Un challenge de taille pour les DRH qui accompagnent le nécessaire changement d’organisation du travail… en restant attentives à l’impatience des Digital Natives.

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