Un employeur peut-il renoncer à la rupture du contrat de travail après que le salarié a adhéré au CSP ?

M. [R] a été engagé le 4 octobre 1982 par la société les Redresseurs statiques industriels P. Benit & Cie.

Son contrat de travail a été transféré à la société AEG Power Solutions au sein de laquelle il exerçait dernièrement les fonctions de responsable de fabrication sous-traitance.

La SAS AEG Power Solutions fait partie du groupe AEG Power Solutions.

En raison de difficultés économiques touchant à la fois le groupe et sa filiale, un plan de sauvegarde de l’emploi a été élaboré.

Le 28 décembre 2016, l'employeur a donc informé son salarié que son poste était supprimé., l'a convoqué à un entretien préalable, fixé le 6 janvier 2017 et lui a alors proposé un contrat de sécurisation professionnelle que le salarié a accepté le 10 janvier 2017.

Par lettre du 25 janvier 2017 l'employeur lui a finalement notifié sa décision de conserver son emploi et de ne pas procéder à son licenciement, la cour administrative d’appel de Nantes ayant annulé la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi demandé par la Direccte.

La société AEG Power Solutions a ensuite demandé à M. R à plusieurs reprises de réintégrer son poste.

De son côté, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin qu'elle constate la rupture de son contrat de travail au 27 janvier 2017.

La société l'a licencié le 12 mai 2017 pour faute grave.

Par jugement du 22 juin 2018, le conseil de prud’hommes de Tours a jug é que le licenciement pour faute grave de M. R é tait justifi é.

A l’inverse, la cour d’appel a considéré que le contrat de sécurisation professionnelle avait été définitivement conclu le 10 janvier 2017 et le contrat de travail rompu avec effet au 27 janvier 2017.

En effet, pour la cour d’appel, il résulte de l’article L.1233-67 du code du travail que c’est l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle qui emporte rupture du contrat de travail, dont les effets sont simplement reportés à l’expiration du délai de réflexion de 21 jours.

Aussi, dès lors que le salarié a adhéré au CSP, le licenciement ne peut être rétracté qu’avec l’accord du salarié, l’acceptation du salarié devant être claire et non équivoque.

Ce faisant, la cour d’appel a condamné l’employeur à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité spécifique, et ordonner la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes à la décision.

La société conteste cette décision.

Elle considère que lorsqu'un salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail n'intervient qu'à l'expiration du délai dont il dispose pour prendre parti.

Dès lors que l'employeur, avant l'expiration du délai de réflexion, a informé le salarié qu'il souhaitait maintenir le contrat de travail, ce dernier n'est pas rompu peu important le cas échéant que le salarié ait déjà accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Cet argument n’a pas été retenu par la cour de cassation.

Pour la Haute Cour, il résulte des articles 4 et 5 de la convention UNEDIC relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail que l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail.

Dès lors que l'employeur a manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail en proposant le contrat de sécurisation professionnelle, il ne peut renoncer à cette rupture qu'avec l'accord exprès du salarié.

En l’espèce, le salarié avait adhéré le 10 janvier 2017 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l'entretien préalable, la cour d’appel en a donc exactement déduit que cette adhésion emportait rupture du contrat de travail dont les effets étaient reportés à l'expiration du délai de réflexion de 21 jours, de sorte que l'employeur ne pouvait renoncer à cette rupture qu'avec l'accord du salarié.
________________________________________________________

Cour de cassation

Chambre sociale

Audience publique du 15 février 2023

Pourvoi n°21-17784

Tags: Plan de sauvegarde de l'emploi CSP