L’heure est indéniablement, dans le contexte tendu que nous vivons, au difficile exercice de discernement que constitue l’évaluation des potentiels – particulièrement lorsqu’ils sont « hauts », comme on dit, même si l’expression semble aujourd’hui un peu datée. Si l’on fait abstraction de ceux qui sont considérés tels parce qu’ils sortent d’une « grande école », la difficulté devient cruciale. Non que ces hauts diplômés ne puissent mériter le titre glorieux de « hauts potentiels », mais encore faut-il qu’ils le prouvent par les actes ; il y en a en effet tout autant qui plafonnent, à leur niveau – en termes de compétences, mais surtout de comportements –, que chez ceux qui ne sortent pas du même "Réseau". Or l’entreprise a de plus en plus besoin, aujourd’hui, de tous les potentiels disponibles, d’où qu’ils sortent et à quelque niveau de l’entreprise qu’ils se situent.

Le potentiel n’est pas la capacité

La question du potentiel n’est en effet pas celle de la capacité : celui qui est plus « capable », à ce moment donné, présente peut-être moins de potentiel que tel autre, moins capable au même moment. Le potentiel porte sur l’avenir, non sur le présent ; sur un investissement prometteur et non sur de l’opérationnel avéré. Il s’agit donc d’évaluer, chez un individu ou dans une équipe, des possibilités encore virtuelles de compétences ou de comportements, sur le plan technique comme sur le plan humain, sur le plan professionnel comme sur le plan managérial.

Le potentiel s’appuie sur des compétences

D’un côté, il est possible d’évaluer le potentiel à partir de compétences génériques reliées à un haut niveau de performance dans une gamme de métiers. Ces compétences génériques désignent généralement des qualités personnelles, qui vont des compétences métiers proprement dites au caractère exceptionnel du comportement ; elles font l’objet d’une observation minutieuse de la part des professionnels performants, notamment dans des situations inédites et périlleuses. Mais il faut prendre garde que l’on a alors tendance à privilégier les comportements – et notamment la capacité d’adaptation – à un savoir-faire opérationnel effectivement réalisable.

Les limites de la « mise en situation »

D’un autre côté, on peut simuler les contextes futurs auxquels la personne sera confrontée. Il s’agit alors d’évaluer le potentiel en reproduisant des situations de travail, en représentant des difficultés, en diversifiant les points de vue sur le professionnel. L’exploration du potentiel s’effectue par l’intermédiaire de tests et d’épreuves censés traduire des caractéristiques et compétences professionnelles et comportementales recherchées. Mais là aussi il faut prendre garde au fait que la révélation d’un potentiel par simulation met l’accent sur la personnalité face aux contextes et à la complexité, et ce au détriment de la "capacité prouvée".

Potentiel et perspective stratégique

L’évaluation des potentiels se heurte donc au même obstacle que toute démarche stratégique : être capable de faire le lien entre le présent et l’avenir ; ou plus exactement d’engendrer dans le présent les conditions du devenir souhaité. La tension entre le savoir-faire opérationnel constatable et le potentiel à avérer s’y révèle tout aussi délicate, tout aussi risquée. D’autant plus que c’est la question du « choix des femmes et des hommes » – probablement la plus difficile pour un décideur – qui se retrouve, bon gré mal gré, au cœur du problème.

Et dans ce cas, d’autres dimensions de potentiels sont à prendre en compte, telles que les possibilités d’implication morale d’une personne, c'est-à-dire son aptitude à s’engager et à respecter une parole donnée ; à établir un petit nombre de règles et de principes éthiques qui ne soient pas soumis aux opportunités, pas plus qu’aux risques encourus. Mais on parle là de très hauts potentiels…

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