Ce que vous pouvez faire en tant qu’employeur

Les comportements sexistes restent fréquents dans le monde du travail, alors qu’une large palette d’outils est à la disposition des employeurs pour lutter contre les agissements de ce type.

Blagues potaches devant la machine à café, remarques dévalorisantes à destination des collaborateurs·trices, regards insistants, stigmatisation des femmes enceintes : nombre de travailleurs ont déjà été témoins de propos ou de comportements à connotation sexiste ou sexuelle dans le monde professionnel. Une récente enquête du service statistique ministériel de la sécurité intérieure révèle qu’en 2021, 41,1% des femmes de 18 à 74 ans ayant exercé un emploi déclarent avoir été victimes de ces comportements, contre 14,9% des hommes sondés. En somme, les remarques sur les tenues trop osées – ou pas assez, et les sous-entendus sur la virilité de l’un ou le manque de féminité de l’autre continuent à imprégner la culture d’entreprise.

Les outils légaux

L’arsenal juridique est pourtant étoffé : le harcèlement sexuel et la discrimination à raison du sexe sont prohibés de longue date dans le code du travail, et la loi du 17 août 2015 a introduit dans les textes la notion d’agissement sexiste, correspondant au fait de porter atteinte à la dignité d’une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (article L. 1142-2-1 du code du travail). Contrairement au harcèlement qui ne peut être caractérisé qu’avec une répétition de faits, l’agissement sexiste peut être constitué par un seul et unique fait, qu’il s’agisse d’un geste, d’un propos, d’un écrit ou plus largement d’un comportement que la victime subit en raison de son sexe. À cet égard, il suffit qu’il y ait de potentielles incidences sur la santé de la victime pour que l’agissement puisse être sanctionné. D’ailleurs, le simple fait d’être exposé à un environnement sexiste permet d’agir contre l’auteur de ce comportement.

Dernière innovation en date parmi ces outils législatifs contre le sexisme au travail : depuis le 1er avril 2023, l’outrage sexiste aggravé, qui faisait l’objet d’une simple contravention, devient un délit donnant lieu à une amende pouvant aller jusqu’à 3.750 euros, ce qui constitue une aggravation des sanctions pénales en cas d’agissement sexiste.

La Cour de cassation a en outre reconnu qu’il était possible de licencier pour faute grave un salarié, en l’occurrence animateur d’un jeu télévisé, qui avait tenu à plusieurs occasions des propos misogynes – même sous couvert d’humour. Pour les juges, le licenciement poursuivait « le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et les violences domestiques » ainsi que la protection de la réputation et des droits de l’employeur, les propos litigieux « reflétant une banalisation des violences à l’égard des femmes ». Compte tenu des engagements relatifs à l’image médiatique et au respect du public par cet animateur, la rupture de son contrat de travail a été considérée comme parfaitement justifiée par la Cour [1] .

Positionner l’entreprise comme un acteur engagé

Cet exemple illustre que ne sont pas seulement visés les agissements sexistes interpersonnels, mais plus largement le cadre de travail, ce qui implique que les employeurs ont eux aussi leur rôle à jouer. Ainsi, depuis 2016, les dispositions légales relatives aux agissements sexistes doivent figurer dans le règlement intérieur. Dans la mesure où l’employeur est tenu de veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés, il doit lutter contre les agissements sexistes, ce qui peut notamment passer par la mise en œuvre de procédures disciplinaires.

Au-delà de cet aspect punitif, des actions préventives pour sensibiliser la communauté de travail aux agissements sexistes peuvent être déployées. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a par exemple conçu un « kit pour agir contre le sexisme » à destination des employeurs. Cet outil invite à rendre plus visible le positionnement de l’employeur, en affichant son engagement contre le sexisme sur l’intranet de l’entreprise ou par le biais d’une lettre d’information qui présente des occurrences d’actes ou de remarques sexistes afin d’encourager la prise de conscience des salariés sur la banalisation du sexisme dit « ordinaire ».

Former et prévenir

Un travail en profondeur peut aussi être entrepris en interne en sorte que la communication – interne comme externe – soit exempte de stéréotypes fondés sur le sexe. À ce titre, des actions de formation à destination de l’ensemble des collaborateurs·trices peuvent être mises en œuvre, à l’instar de celles proposées par le groupe Egae. Prendre au sérieux cette question peut passer par l’intégration des risques liés aux agissements sexistes et de leurs répercussions sur la santé et la sécurité des collaborateurs·trices au sein du plan de prévention de l’employeur.

Les élus du personnel peuvent aussi être impliqués dans ces démarches, que ce soit par l’élaboration d’outils lors de réunions dédiées à la lutte contre les agissements sexistes ou la désignation d’un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les comportements sexistes au sein du comité social et économique (article L. 2314-1 du code du travail).

Ce volet préventif ne sera pleinement efficace qu’en procédant à des évaluations régulières pour mesurer l’impact des engagements pris et des actions réalisées. L’employeur pourra utilement recourir à des questionnaires adressés au personnel pour évaluer sa perception du sexisme au sein de l’entreprise.

Baliser le parcours des victimes

Dans l’éventualité où des agissements sexistes seraient dénoncés, des procédures claires et connues à l’avance doivent être mises en œuvre, la prise en charge des personnes plaignantes, comme des auteurs présumés, devant préserver les droits de toutes les parties impliquées. Pour ne pas engager sa responsabilité, la direction de l’entreprise aura alors pour mission de diligenter une enquête interne, celle-ci pouvant être déléguée à un cabinet d’avocats. Enfin, un suivi dans le temps doit être proposé aux victimes, l’équipe pluridisciplinaire de santé pouvant être mise à contribution.

Cette large palette d’outils démontre que les entreprises peuvent aller bien au-delà du respect des obligations légales stricto sensu qui pèsent sur elles. Ce n’est qu’au moyen d’une volonté affirmée de la part de l’employeur que la communauté de travail se trouvera assainie et que les agissements sexistes reculeront au sein de l’entreprise.


[1] Cass. soc., 20 avril 2022, 20-10.852.

 

Tags: Sexisme Législation Comportements