Dans l’industrie, la recherche et la conquête de nouvelles sources de matière première ou de produits semi-ouvrés constituent un des grands axes d’innovation. Encore faut-il entendre que ces nouvelles sources ne visent pas d’abord de nouveaux fournisseurs, mais un renouvellement plus original de la cause matérielle de la production. La recherche fondamentale, dans ses dimensions scientifiques et techniques, y travaille sur le long terme, approchant tous les possibles ; la recherche appliquée tente de résoudre les problèmes techniques rencontrés pour mettre en œuvre un possible qui a été retenu pour ses qualités et ses opportunités ; le développement met au point sa forme d’utilisation et d’exploitation optimale, à fin de mise en œuvre effective.

Quelle est la “matière première” du service ?

Mais qu’en est-il pour les entreprises de service ? Une analogie est-elle possible avec le secteur industriel ? Il faut d’abord remarquer que toutes les entreprises industrielles ont développé une activité de service qui fait aujourd’hui partie prenante du produit qu’elles commercialisent ; la question ne se pose donc pas seulement pour les « entreprises de service », mais pour toute entreprise. Les problèmes de renouvellement et d’innovation en matière de service sont tout aussi sensibles – sinon plus, dans un contexte ultra concurrentiel – que ceux qui concernent les sources de matière première pour l’industrie. Aussi est-il essentiel de se demander quelle est la matière première du service…

La question peut paraître un peu puérile : la matière du service, n’est-ce pas la compétence même de ses professionnels, les connaissances, l’intelligence et la réactivité de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise ? C’est bien cela qui est travaillé et transformé pour constituer le service « fini », si l’on peut dire. Il suffit ensuite de trouver les clients qui en ont besoin… Ce schéma comporte évidement une part de performance indéniable ; néanmoins l’examen de « ce que nous savons faire » suffit rarement à trouver de nouvelles sources d’innovation, même lorsque nous avons recours à de la formation régulière pour augmenter nos compétences. Il s’agit en fait d’une approche « fermée » de la matière du service : c’est l’entreprise en elle-même qui est sa propre matière. Sans doute ce schéma a-t-il porté des fruits par le passé, un service original attirant la curiosité et l’appétit de clients pour autant qu’on savait leur en instiller le besoin.

La conception d’un partenariat

Dans la nature du marché qui est le nôtre aujourd’hui, ce schéma semble néanmoins très insuffisant. Le service suppose désormais une approche ouverte de sa matière, c'est-à-dire que l’entreprise ne peut trouver par elle seule sa ressource en matière première. Tout service un peu "pointu" se construit aujourd’hui comme un véritable partenariat avec son client. Le service « fermé », c’est « faire quelque chose pour » un client, voire échanger des intérêts réciproques. Le service « ouvert », c’est proprement « faire ensemble », c'est-à-dire que notre client est apporteur de matière, à part entière ; et qu’il s’agit de travailler ensemble.

C’est en fait un changement de perspective : dans le service « fermé », le besoin du client, – par la satisfaction de la demande qui y correspond – a valeur de cause finale : nous répondons à un cahier des charges en montrant les correspondances exactes entre le besoin exprimé et « ce que nous savons faire ». Dans le service « ouvert », le besoin du client a valeur de cause matérielle : c’est lui qui constitue la matière première à partir de laquelle nous concevons, ensemble, le service lui-même. Tout comme dans une démarche de qualité complète, la collaboration s’étend de la conception… au service après-vente : le prestataire du service devient partie prenante de l’entreprise cliente. La cause finale devient le développement du partenariat, conçu comme outil de développement des deux parties. L’entreprise cliente apporte de la sorte elle-même un service à son prestataire.

C’est ainsi que la relation client/fournisseur, dans le service moderne, dépasse de loin le seul rapport marchand que la concurrence mal comprise a tendance à imposer. C’est là également que la valeur des personnes, le développement de leurs talents et – oserions-nous dire – la « qualité d’une présence », reprend tous ses droits sur le modèle vendeur un peu psychorigide qui a prévalu dans le passé.

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