Plongée dans les stéréotypes femmes-hommes au travail

Le genre s’invite au travail

Si notre époque est caractérisée par une révolution idéologique en matière de genre, cette notion reste au cœur de nombreux clivages. La répartition sexuée des professions est toujours un état de fait et force est de constater que certains métiers sont bel et bien genrés. Selon une étude menée par monCVparfait, une agence spécialisée dans le recrutement, 82 % des personnes interrogées pensent que certains métiers sont associés à un genre (soit masculin ou féminin, l’étude ne comprend pas l’intégralité du spectre identitaire des genres). Que nous dit cette étude ? Les professions perçues comme féminines sont les métiers du soin et de l’accueil (garde d’enfants, infirmière, aide médicale, réceptionniste) et les métiers perçus comme masculins sont du domaine de la conduite, de la mécanique ou du secours (chauffeurs routiers, électriciens et pompiers).

La sociologue Marcelle Stroobants[1] pense le travail comme une activité « ordonnatrice » en ce qu’elle « structure les sociétés contemporaines et le mode d’existence de chacun ». Selon les données de l’Insee issues de l’enquête « Femmes et hommes, l’égalité en question »[2], nombreuses sont les professions dans lesquelles les femmes sont plus nombreuses que les hommes, et vice versa. Dans le secteur des services, les postes d’agents d’entretien, de vendeurs, d’aides à domicile et ménagères, d’enseignants et d’aides-soignants sont majoritairement occupés par des femmes (60 %). Du côté des métiers genrés dits « masculinisés », les femmes sont minoritaires (en dessous de 10 %) dans les domaines de la construction et de l’agriculture. Les hommes sont notamment majoritaires en tant que conducteurs de véhicules, ouvriers du bâtiment, jardiniers, ouvriers de la mécanique et de la manutention.

métier et genre 

Les métiers ont-ils un genre ?

Une question se pose. Quelles sont les caractéristiques qui sous-tendent ces associations de genre et de profession ? Les stéréotypes de genre, à savoir la force physique traditionnellement associée au genre masculin et la finesse psychologique et émotionnelle associée au féminin, ont-ils une quelconque influence dans le monde du travail ? L’Insee révèle que les hommes sont plus exposés aux « sollicitations physiques » et les femmes aux « risques psychosociaux ». Plus de 40 % des personnes interrogées par monCVparfait considèrent que les métiers d’enseignant, de coiffeur et de garde d’enfant sont des « métiers de femmes » et que les métiers de policier, d’électricien, et de pompier sont plutôt masculins. Au-delà des états de faits chiffrés présentés par cette étude, une plongée dans les constructions sociales qui cimentent ces clivages est nécessaire. Les perceptions et jugements subjectifs en matière de genre persistent dans le milieu professionnel.

Intéressons-nous à la répartition des hommes et des femmes par métiers. D’après les données obtenues, les métiers dans lesquels les hommes sont surreprésentés sont caractérisés par la pénibilité physique (port de charges lourdes) et un environnement agressif. La majorité des femmes, quant à elle, subit une pression temporelle et jouit d’une autonomie limitée dans l‘organisation de leur travail. Il semble alors s’agir d’une constante. Les informations recueillies par l’Insee corroborent les propos de la professeure en sociologie Régine Bercot, formulés dans son étude La santé des femmes au travail en France en 2011[3]. La sociologue s’intéresse au « job strain », à savoir une demande psychologique élevée associée à un faible pouvoir décisionnel au travail. Cette « pression professionnelle » est rencontrée par de nombreuses femmes dans leur environnement professionnel et s’accompagne souvent d’une charge physique comme en témoignent les métiers d’agent d’entretien, d’aide-soignant ou d’aide à domicile.

métiers et genres 

Métiers mixtes, vers un juste milieu ?

Existe-t-il un entre-deux ? Les professions mixtes sont celles où la proportion des hommes et des femmes est plus ou moins égale (entre 40 et 60 %). Prenons quelques exemples concrets publiés dans l’étude de l’Insee. Les cadres des services administratifs, comptables et financiers, les cadres de la fonction publique ainsi que les agents administratifs et commerciaux du transport et du tourisme présentent une proportion équilibrée d’employés féminins et masculins. L’existence de cette troisième catégorie, celle des professions mixtes, est une donnée importante dans les considérations de genre au travail. Le dépassement de la binarité de genre au travail révèle que le genre n’est pas un facteur décisif dans l’orientation et la réussite professionnelles. Vous l’attendiez, nous vous le confirmons. Les compétences professionnelles sont citées comme un critère important de performance dans le monde du travail. À titre d’exemple, 69 % des personnes interrogées par monCVparfait jugent que les compétences professionnelles ont une importance dans le métier d’enseignant (contre 31 % qui ont choisi le critère du genre).

Toutefois, les lignes se brouillent pour les métiers habituellement perçus comme masculins (tels que les sapeurs-pompiers, par exemple). Traditionnellement, la force physique est associée au genre masculin. Cet attribut « naturel » constituerait une des compétences inhérentes au genre, qui pourrait être investie dans le milieu professionnel. Ces inégalités hommes femmes au travail rentreraient donc bien en jeu dans ces secteurs. Nous soulignons l’emploi du conditionnel pour souligner l’hypothétique lien de corrélation entre le genre et les compétences professionnelles, ce qui expliquerait que 49 % des sondés pensent que le genre est un facteur de réussite chez les sapeurs-pompiers et les policiers.

Genres ou compétences 

Confiance au travail : humains avant tout

Toutes les constructions sociales s’accompagnent de jugements de valeurs, quand ces derniers ne les précèdent pas. Dans le milieu professionnel, une femme est-elle jugée davantage digne de confiance qu’un homme ? Si cela est vrai dans les métiers genrés tels que la garde d’enfants, la réciproque s’applique-t-elle aux femmes dans le milieu du bâtiment ? Selon l’étude de monCVparfait, la fiabilité des individus, indépendamment de leur métier, n’est pas conditionnée par le genre. Pour 45 % des personnes interrogées, le genre n’a aucune incidence sur la fiabilité des individus. Parmi les 55 % restants, 28 % affirment qu’ils feraient davantage confiance à une femme contre 27 % pour les hommes.

Enfin, si certaines professions sont associées à un genre précis, la neutralité est de mise en matière de liberté de choix professionnels. Preuve en est, près de huit personnes sur dix (78 %) pensent qu’un homme peut travailler dans un secteur à prédominance féminine et qu’une femme peut entreprendre une carrière dans un secteur à prédominance masculine. Si le monde professionnel est aujourd’hui empreint de normes sociales binaires, les fruits de l’évolution identitaire sont prêts à être cueillis.

Faire confiance aux genres
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[1] Marcelle Stroobants, Sociologie du travail, Armand Colin, 2016.

[2] Insee, « Femmes et hommes, l’égalité en question édition 2022 ».

[3] Régine Bercot. La santé des femmes au travail en France. Remest. Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail, 2011.

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