Le métier de manager, c’est un peu le métier d’entrepreneur en plus petit. On gère un faisceau de contraintes contradictoires, sans toujours avoir les leviers nécessaires. Tout est de votre faute quand ça ne va pas, et quand ça va c’est grâce aux autres, sauf quand ils font croire l’inverse, mais alors c’est mauvais signe !

D’où l’attention toute particulière qu’il faut porter à l’expérience manager : elle est l’un des meilleurs thermomètres de la santé d’une entreprise et de sa performance RH. Le Baromètre Parlons RH[1] de l’expérience collaborateur, 6e du nom, vient confirmer cette intuition.

Anatomie de l’expérience collaborateur

Qu’est-ce qui détermine la qualité de notre expérience au travail ? Les facteurs sont nombreux, mais essayons de les catégoriser sommairement.

  1. Le travail lui-même. Son intérêt pour nous, son mode d’organisation, la façon dont nous nous insérons dans la production, notre degré d’autonomie, notre capacité à influer sur les processus.
  2. Le management. « On quitte son manager, pas son entreprise ». Ce n’est pas toujours vrai, mais ce n’est pas rare. Pour le collaborateur, le manager est le premier interlocuteur, le premier recours, souvent la première contrainte dans le travail.
  3. Les collègues. Dans leurs individualités et dans la façon dont ils fonctionnent ensemble. C’est le contexte humain de notre quotidien, auquel nous ajoutons notre propre contribution.
  4. Le cadre. Le site de travail lui-même, l’équipement, mais aussi l’ensemble de ce qui permet l’insertion du temps de travail dans notre vie : situation géographique, transports, horaires, souplesse d’adaptation, accès au télétravail…

S’il fallait hiérarchiser l’importance de ces facteurs, je garderais sans doute cet ordre. Mais en vérité, il suffit que l’un de ces pôles se dérègle pour que le quotidien au travail devienne un enfer.

Les leviers d’action du manager

Que peut y faire le manager ? Le plus souvent, il n’a pas trop de prise sur le point 1 : ce n’est pas lui qui décide des méthodes de production. Mais il peut écouter et faire suivre. Sur le point 2, il peut bien sûr agir, même s’il s’insère dans un ensemble plus large et une culture managériale définie. Le point 3 représente une partie de son métier : la gestion d’équipe et des interactions. Sur le point 4, il peut avoir ou non une latitude d’adaptation, en fonction de ce que son propre management lui laisse faire ou non.

Le manager ne fait donc pas la pluie et le beau temps de l’expérience collaborateur. Mais beaucoup dépend de lui, individuellement et surtout collectivement : la culture managériale est décisive. Une culture de l’écoute fera remonter les attentes, et la mise en œuvre des réponses sera optimisée au plus près du terrain par une culture de l’autonomie.

Sur ce point, les chiffres de notre Baromètre sont très clairs. Les entreprises « pratiquantes », qui ont mis en place une démarche d’expérience collaborateur, donnent plus souvent de l’autonomie à leurs managers que les entreprises « réfractaires », celles qui ne veulent pas entendre parler d’expérience collaborateur :

  • 62% des pratiquants laissent de l’autonomie à leurs managers sur la gestion du télétravail,
  • 53% dans l’aménagement des horaires des équipes.

Chez les réfractaires, ces scores sont inférieurs de respectivement 18 et 22 points (44% et 31%). Sur le recrutement et la rémunération, sujets plus « régaliens », les pratiquantes ont encore 12 points d’avance.

Le manager, puissant moteur-relais de l’expérience collaborateur

Qu’elles associent ou non le manager à l’élaboration de la politique d’expérience collaborateur, toutes les entreprises pratiquantes identifient le management comme un rouage essentiel de l’expérience collaborateur. Et ce, depuis la première édition de notre Baromètre, en 2018.

Mais ce n’est pas seulement une question de qualité individuelle des managers. Une vraie démarche d’amélioration de l’expérience collaborateur se fonde sur une culture managériale qui donne de l’autonomie au manager pour améliorer l’expérience de travail des salariés – et qui en évalue les résultats.

Les entreprises pratiquantes sont ainsi 3,5 fois plus nombreuses que les non-pratiquantes à évaluer leurs managers à la fois sur les performances de leurs équipes ET sur des indicateurs de satisfaction au travail des salariés. Une pression supplémentaire pour les managers, mais qui devient supportable si on leur donne par ailleurs les clés pour agir.

Comment recruter et former ces bons managers ? En leur donnant une mission ambitieuse, les moyens pour l’atteindre, une oreille attentive pour ce qui ne va pas, des réponses appropriées à ces demandes. Bref, en se préoccupant de leur expérience collaborateur. C’est ce que font, le plus souvent, les entreprises qui ont déployé une démarche d’expérience collaborateur. 73% d’entre elles mesurent de façon formelle ou informelle le ressenti au travail de leurs managers. Il ne s’en trouve que 17% chez les réfractaires.

Derrière ces chiffres, il y a une réflexion presque philosophique : les managers sont-ils plus heureux dans les entreprises pyramidales ? On pourrait le penser : par définition, leur statut, sinon leur pouvoir, est plus important. Mais leur tâche, en définitive, est moins valorisante, plus frustrante, moins substantielle. Mais sont-ils épanouis ?

L’expérience collaborateur est un projet managérial global, qui peut exister dans beaucoup de modèles d’entreprises, mais qui s’harmonise au mieux avec une culture managériale plus horizontale. Le manager n’y est pas juste un petit chef. Il est un relais, une ressource, une solution. Il a de bonne chance d’être plus satisfait de son travail. En somme, si vous voulez savoir comment une entreprise s’occupe de l’expérience collaborateur, commencez par demander à ses managers !
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[1] Baromètre national de l’expérience collaborateur vue par les acteurs RH, édition 2023 : « L’expérience collaborateur en 2023 : pleins feux sur les managers »

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