« L'éternité, c'est très long, surtout vers la fin » Woody Allen[1].

L’horizon est la ligne circulaire où semble se rejoindre le ciel et la terre ou la mer. Cette ligne s’éloigne au fur à mesure que l’on s’en approche. Cela ressemble furieusement à l’éternité de Woody Allen et à la parfaite définition de la valeur absolue. Le corolaire est exprimé par les enfants de la famille en route vers le lieu de vacances, par la réclamation récurrente exprimée tous les quarts d’heures « C’est quand qu’on arrive ? ».

« Quand pour l’évaluation des compétences comportementales les valeurs absolues le dispute à l’Arlésienne[2], cela force l’admiration » l’auteur.

Les valeurs absolues, les valeurs relatives et les soft skills, oui, mais quoi ?

Les définitions comme principe, la première étape de l’utilisation des valeurs absolues ou relatives pour qualifier les soft skills passe par la mobilisation des définitions fondamentales.

La valeur absolue est une évaluation sans référence avec un repère, indépendamment de toute comparaison précise avec le temps, l’espace, la connaissance…

La valeur relative est une évaluation qui implique, qui concerne un rapport avec un autre élément, un repère, un système de référence, une chose, une idée, une personne…

L’exemple probant porte sur l’utilisation des chiffres 0 à 9, isolés ils n’ont pas de signification particulière, ils sont de valeur absolue. Rapporté à un contexte, une unité de compte, une position dans un nombre, ils deviennent valeur relative. Les notions de valeur absolue et valeur relative s’opposent par nature mais peuvent se compléter. L’absolu désigne la nature des choses, le relatif indique ce qui est dépendant. Le relatif permet de mesurer l’écart entre ce qui attendu et ce qui est constaté pour définir la conformité et la non-conformité.

La compétence est la capacité, pour un individu, à réaliser une action dans un contexte défini.

Le comportement est l’action et/ou la réaction observable chez un individu dans un contexte défini.

Les soft skills[3] sont la représentation des compétences utilisant l’être humain, dans toutes ses activités, en opposition aux compétences utilisant des machines spécifiques à chaque activité. Le répertoire des soft skills est variable, il est formalisé différemment par chaque auteur publiant sur le sujet.

Il est notable de constater que les habitudes sociales utilisent les valeurs absolues comme dispositif d’évaluation des compétences comportementales. Le verbatim « bien, mal, j’aime, je n’aime pas, parfait, mauvais, bon, agréable, désagréable… » est de valeur absolue sans système référentiel de comparaison. L’utilisation des valeurs absolues empêche de mesurer le résultat, les écarts et d’engager des mesures correctrices.

Les valeurs absolues, les valeurs relatives et les soft skills, oui, mais comment ?

« Il faut partir de l’absolu dans la pensée pour réaliser le relatif dans l’action ». Gustave Thibon[4].

Etablir la règle : L’exemple signifiant de l’absence d’évaluation pertinente des soft skills sont les l’injonctions : « Soyez empathique, utilisez l’empathie… ». Sachant que l’empathie est un phénomène complexe et nomade[5] sa définition initiale est simple : « l’empathie est la capacité d’une personne à pouvoir analyser des informations, ressentir des émotions en relation avec les circonstances vécues », mais il se présente plusieurs formes d’application induites par les situations à traiter. A ce titre l’empathie se précise par un substantif complémentaire pour en préciser le champ d’action.

Empathie émotionnelle : capacité à ressentir, à vivre les émotions dans un résultat d’identification à une autre personne. Souvent présentée sous le vocable simple d’empathie avec comme définition se mettre à la place de l’autre. Il convient de faire preuve de prudence, car se mettre à la place de l’autre consiste à conduire une reconstruction psychoaffective de l’autre à partir de ses propres habitudes socioculturelles, d’où le risque d’interprétation de la réalité de son interlocuteur[6].

Empathie esthétique ou artistique : vocable créé par Robert Vischer[7]. Cela se traduit par l’influence émotionnelle ressentie au contact d’une œuvre d’art. La quintessence s’exprime par le syndrome de Stendhal ou syndrome de Florence créé par l’abondance d’œuvres d’art. Ce phénomène est vécu à Paris par certains voyageurs asiatiques.

Empathie cognitive : capacité à connaitre et comprendre les idées, les émotions, les sentiments, les croyances de l’interlocuteur. Cette fonction sert de base à la construction de la relation pour les psychologues, les vendeurs, les négociateurs, les managers… en conclusion pour toutes les relations humaines.

Empathie par procuration, c’est la capacité à pouvoir comprendre ce que l’autre attend de vous, cette fonction peut être spontanée ou provoquée par un questionnement et par l’observation.

« Par ailleurs, l’empathie mérite d’être distinguée de tout ce qui est véhiculé par le terme de sympathie. Il ne s’agit pas de partager un sentiment ou une croyance (par un phénomène de contagion affective), mais de se représenter les sentiments, les désirs et les croyances d’autrui. »[8]

Etablir la règle s’applique pour chaque paramètre des soft skills, des compétences comportementales. Il est d’usage devant chaque situation d’établir, de connaitre, de comprendre, d’accepter, d’utiliser les règles.

Réguler le comportement : La régulation remplace le contrôle qui a pour but de détecter les fautes et déclencher des sanctions. La régulation directement inspirée de la notion de "control" issue de la démarche qualité anglo-saxonne a pour objectif de détecter et de traiter les différences entre l’attendu et ce qui est constaté.

Le point de sortie d’une action de contrôle est la soumission avec la promesse : « je ne le ferais plus ! ». Dans cette situation la personne a tendance à cacher ses anomalies. La régulation apporte une valeur ajoutée, elle a la vocation de supprimer définitivement les anomalies par le « poka yoke[9] ». La personne est coproductrice de la solution, elle est donc force de proposition. Elle se responsabilise et se mobilise sur la nature et l’intérêt de son activité.

Phase 01 Audit / diagnostic : dans le cadre de la régulation, les deux démarches s’appliquent pour détecter la différence entre l’attendu et ce qui est constaté.

  • Audit : comparaison de la réalité avec un référentiel pour détecter les différences.
  • Diagnostic : examen d'une situation à dire d'expert pour définir les écarts et les améliorations. Dans cette situation il est fait usage de référentiel(s) conjointement avec l’expertise de l’expert.

Phase 02 Différences : deux possibilités se présentent écart ou anomalie :

  • Ecart: différence qui n’empêche pas l’obtention du résultat. L’écart dans ce cas rentre dans la limite de tolérance. Accepter l’écart, ne rien faire ou le traiter pour le réduire.
  • Anomalie: différence qui empêche l’obtention du résultat. Il est impératif de la traiter pour empêcher sa reproduction.

Phase 03 Poka yoke : cette mesure correctrice est destinée à rendre impossible la reproduction de l’écart ou de l'anomalie.

Phase 04 le plan d’action : le régulateur précise les indicateurs, les unités de compte et la programmation des actions à mener.

Conclusion

« Ce qui compte ce n’est pas ce que l’on fait dans la vie, ce qui compte c’est ce que l’on fait de sa vie ». Jacques Brel[10], né le 8 avril 1929 à Schaerbeek (Belgique) et mort le 9 octobre 1978 à Bobigny (France), est un auteur-compositeur-interprètepoèteacteur et réalisateur belge.

Les soft skills à ce jour sont semblables à l’Arlésienne[11]. Cette nouvelle de Daudet[12], 3 pages devenues une pièce de théâtre en 3 actes et 5 tableaux, puis une musique de scène par Bizet[13]. Depuis ces œuvres sont reprises sous toutes les formes possibles : artistiques, littéraires, cinématographiques, symphoniques... La trame, la dramaturgie décrivent une tragédie dont l’héroïne est absente, elle demeure hors du regard des spectateurs. Le mariage est interrompu par les déclarations de l’amant de l’Arlésienne infidèle. Les affres des amours déçus conduisent Jan au suicide. L’Arlésienne reste une inconnue mystérieuse.

Il en est aujourd’hui des soft skills de la même dramaturgie, tous en parlent sous toutes les formes possibles, personne ne les rencontre. Pour permettre d’appréhender les compétences comportementales avec des valeurs relatives, il est grand temps de faire apparaitre les soft skills, les compétences comportementales. Un message univoque adossé à des valeurs relatives est incontournable pour que chacun « donne la meilleure version de soi-même[14] ». Le comportement souhaité s’obtient par l’harmonie de la compréhension des soft skills entre les acteurs. « Toute forme d’absolue relève de la pathologie » Nietzsche[15].
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[1] Woody Allen nom de plume d’Allan Stewart Königsberg, 1935-, artiste américain.

[2] Arlésienne, héroïne de la nouvelle éponyme de Daudet qui n’apparait jamais, mais dont tout le monde parle.

[3] Soft skills terme crée dans les années 1960 par l’armée américain destiné à catalogué les compétences non répertoriées dans les activités à caractères techniques.

[4] Gustave Thibon, 1903-2001, homme de lettres français

[5] C Boulanger et C Lançon http://psychiatre-marseille.com/wp-content/uploads/2017/01/empathie.pdf

[6] Harvard Business Review Hors-série septembre / octobre 2020 Le must de l’intelligence émotionnelle

[7] Robert Vischer 1847-1933 philosophe allemand

[8] C Boulanger et C Lançon http://psychiatre-marseille.com/wp-content/uploads/2017/01/empathie.pdf

[9] Poka yoke, terme japonais, fait référence à la prévention des erreurs, concept développé par le Professeur Shigeo Shingo dans les années 1960, sur le principe qu’il est préférable d’empêcher la production d’erreur avant, plutôt que de les corriger après.

[10] Jacques Brel, 1929-1978, artiste belge.

[11] L'Arlésienne, nouvelle 1866, publié dans les lettres de mon moulin en 1869

[12] Alphonse Daudet, 1840-1897 homme de lettre français.

[13] Georges Bizet nom de plume d’Alexandre-César-Léopold Bizet, 1838-1875, compositeur français.

[14] Ugo Mola, 1973- rugbyman français.

[15] Friedrich Wilhelm Nietzsche, 1844-1900, homme de lettre allemand.

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