Le poids des responsabilités pèse lourd sur les épaules de nos managers : la performance, la réussite des projets, les KPI et autres OKR mais aussi le bien-être des collaborateurs, leur engagement, leur motivation, leur évolution de carrière, leurs réussites comme leurs échecs.

Si François Dupuy nous mettait déjà en garde en 2005 sur la « fatigue des élites », le sujet ne semble pourtant pas encore avoir envahi le débat public. Peut-être croit-on que ces managers-là l’ont choisi, qu’ils sont payés pour et qu’ils n’ont finalement pas le droit de se plaindre. Les pointer du doigt comme cause de tous nos maux parait certainement plus simple. Certains courants appelleraient même à supprimer ce rôle, jugé comme la caricature de lui-même, arc-bouté sur des indicateurs de court terme, oubliant certainement que cette caricature n’est que le fruit d’une histoire : ils sont devenus ce qu’on leur a demandé d’être, avec les moyens que l’on a bien voulu leur donner.

Le manager, un humain comme un autre ?

Tout ce qui est vrai pour le collaborateur : le besoin de sens, le besoin de se sentir utile, les perspectives de carrière, l’équilibre vie pro / perso, l’exigence de respect et le besoin de reconnaissance… est tout aussi vrai pour nos managers.

Pour comprendre les clés de l’engagement de nos collaborateurs (et donc de nos managers), Patrick Storhaye nous propose une grille de lecture dans son ouvrage le plaisir d’entreprendre publié en 2012 :

  • Réduire la dissonance cognitive, c’est-à-dire le décalage entre l’idée que l’on se fait de l’entreprise et la réalité à laquelle nous sommes confonté·es au quotidien et que l’on nomme « expérience ». Cela passe, entre autres, par le fait de porter et d’expliquer le sens de nos décisions, de nos actions et de nos projets pour que chacun·e puisse s’y projeter, à condition de s’être préalablement assuré·e que ces décisions ne nient pas la réalité du terrain.
  • Réduire le sentiment d’impuissance en donnant les moyens d’exercer les missions qui nous sont confiées. Cela passe par les moyens matériels comme les outils ou les budgets mais aussi immatériels comme le temps et l’autonomie.
  • Réduire le sentiment d’injustice en s’assurant que les décisions que l’on prend servent le Bien Commun et ne saccagent pas la confiance que les collaborateurs ont placé dans l’entreprise. Cela passe, entre autres, par une reconnaissance juste et équitable de tous les contributeurs à la réussite de l’entreprise.

Ces trois clés de l’engagement – que l’on pourrait résumer ainsi : sens, moyens, reconnaissance – offrent trois axes de réflexion pour penser nos politiques internes à destination de nos collaborateurs et donc, aussi, de nos managers !

  • Sens : redéfinir le rôle attendu et le projet dans lequel il s’inscrit semble nécessaire lorsqu’on observe les dérives actuelles et les injonctions qui ne cessent de s’empiler.
  • Moyens : parce que personne ne fait de miracles avec des bouts de ficelles, il est temps de s’interroger sur les moyens, les compétences mais aussi l’autonomie accordées à nos managers.
  • Reconnaissance : et plus largement, comment donner l’envie aux managers de manager en abordant deux volets complémentaires de la reconnaissance morale comme financière.

Le management, une affaire de managers ?

Tenir les managers pour seuls responsables des maux de notre entreprise revient trop facilement à tomber dans un management-bashing de façade pour ne pas avouer, qu’au fond, nous sommes tous responsables. La question managériale dépasse le manager lui-même tant elle trouve ses réponses dans la culture de l’entreprise : son identité, son histoire, ses valeurs, ses modes de fonctionnements. Le management est une affaire profondément culturelle tant les questions qu’il soulève (la confiance, le pouvoir, le risque, le savoir…) prennent racine dans ce que nous sommes collectivement.

La culture d’entreprise étant bien plus une résultante de ce que nous sommes qu’un levier d’action en tant que telle, elle n’évoluera pas en un claquement de doigts. Nous pouvons néanmoins nous interroger sur les composantes de cette culture et s’assurer qu’elle contribue à servir le projet d’entreprise, ou, à défaut, qu’elle ne l’entrave pas.

La transformation managériale que nous appelons de nos vœux – et qui est peut-être davantage un retour aux fondamentaux – ne pourra se faire sans une transformation culturelle profonde. Cela suppose de passer à la loupe nos croyances communes et nos valeurs mais aussi nos manières de faire, nos politiques RH et nos processus d’entreprise afin de s’assurer qu’ils soient cohérents avec l’ambition que nous nous donnons.

Permettre aux managers… de manager !

Les managers sont indispensables à la bonne conduite des projets et des processus, pour les adapter à la réalité du terrain, pour les expliquer aux collaborateurs et également les faire respecter. Réelle courroie de transmission, le manager transmet le mouvement, amorti les vibrations, les chocs et les à-coups. 

Il est alors de notre responsabilité, dirigeant·es et RH, de s’interroger sur la manière dont nous pouvons créer les conditions de l’exercice de ce rôle.

Dans cette perspective, l’ouvrage « halte au manager-bashing » aborde ces deux mêmes parties plus en profondeur avec des exemples concrets d’entreprises qui s’engagent auprès de leurs managers et également des témoignages de professionnels RH qui nous invitent à repenser le management dans sa globalité. Parce que si 20% des cadres ne veulent pas (ou plus) manager selon une étude d’Opinion Way, menée pour Indeed en 2021, cela ne doit pas devenir une fatalité.
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L’ouvrage, illustré par Camille Simon et préfacé par Jean-Marie Peretti, est à retrouver dans toutes les librairies : Bossu Mahé, Halte au manager Bashing, réinventer l’expérience manager, Pearson, 2023.

Halte au manager-bashing

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