Imaginez la belle au bois dormant figée dans un sommeil tourmenté. Languissante, elle attend quelque chose venant de l’extérieur, qui la délivrera de son état comateux et lui apportera le bonheur. Son sommeil, d’abord teinté du délicat rose de l’espérance, a viré, le temps passant, au pourpre colérique de la frustration. Piégée dans des limbes de l’attente et des déconvenues, la belle immobile laisse désormais les tentacules de la victimisation et de la paranoïa lui faire le coup du chant des sirènes.
Avouons-le, une part de nous joue parfois cet attentisme passif.
C’est le cas lorsque nous espérons sans vraiment en être conscients :
- Que le téléphone sonne enfin, avec un chasseur de talent au bout du fil, nous offrant sur un plateau l’opportunité tant attendue qui nous permettra de briller de mille feux.
- Que le boss soit brutalement touché par une révélation lui indiquant à quel point nous sommes indispensables et géniaux, et qu’il lui faut toutes affaires cessantes faire preuve de reconnaissance envers nous, avec, qui sait, une promotion ou une augmentation.
- Que la motivation surgisse du tréfond de nous, comme un diable de sa boîte, pour nous pousser à l’action, dans la joie et la bonne humeur, vers ce changement tant souhaité (un déménagement, la fin d’une addiction, un virage professionnel …) perpétuellement repoussé à demain.
- Que ceux qui nous ont porté tort s’excusent enfin, et nous demandent d’effacer la triste ardoise du passé.
- Que notre âme sœur surgisse au bout de la rue et nous place délicieusement au centre de sa vie en nous répétant à quel point nous sommes merveilleux et uniques.
Mais comme l’opportunité ne tombe pas du cocotier, que Cupidon s’en fout, et que le changement ne se décrète pas par l’opération du Saint Esprit … Alors, pour protéger notre estime de nous-même, nous prenons parfois le chemin le plus court : refuser notre part de responsabilité et blâmer le monde extérieur.
Mazette, c’est alors que tout y passe !
Nous accusons la société de nous brimer ou d’être « pourrie » ou sans vraies valeurs; nous blâmons les autres : pistonnés, hypocrites, vaniteux ou incapables de voir nos talents; et parfois nous ruminons aussi un radical et commode : « C’est eux contre moi ! ».
Est-ce que je me moque de ce travers ? Non, car je me surprends souvent à céder à la morosité passive. Tout comme vous peut-être ?
Je pense (sans en avoir la preuve) que ce syndrome de « la-Belle-au-bois-dormant-dans-des-sables-mouvants » est une expérience presque universelle. Que tous, par moment, nous tombons dans le piège des biais cognitifs (ou de la simple fatigue) et nous n’arrivons plus à prendre du recul et à sortir de nos ornières mentales, émotionnelles ou comportementales.
Nous sommes languissants sans le savoir.
Parfois c’est une stratégie efficace : pour recharger ses batteries, prendre du recul, faire des choix, bifurquer ou persister. Parfois c’est une impasse : moins on agit moins en a envie d’agir. Et ne pas prendre pas sa vie en main, c’est se mettre dans la poigne du hasard et de l’arbitraire.
Les signes qui montrent que vous êtes « languissant » dans la vie pro :
- Vous ne vous sentez plus concerné par votre travail et/ou vos collègues,
- Votre humeur change facilement : vous passez d’irritable à triste en un clin d’œil,
- Plus grand chose ne vous amuse ou vous enthousiasme,
- Vous êtes cynique, blasé, « à-quoi-bon-iste »,
- Vous vous sentez vide et déconnecté du réel mais sans être fatigué pour autant,
- Vous êtes dans l’exagération, le « tout ou rien » et ne voyez plus de nuances,
- Vous avez du mal à décrire et à expliquer ce qui se passe en vous.
Comment reprendre le chemin de l’épanouissement ?
1. Identifier le problème:
La plupart des problématiques ont des causes multiples. Accordez-vous le temps de prendre réellement du recul, avec discernement, sans sauter sur la solution la plus évidente dans l’instant.
Durant cette exploration il faut garder deux fils rouges :
- Ne pas prendre ses émotions au 1er degré
- Ne pas croire toutes ses pensées sur parole
Car oui, nos émotions nous mentent parfois. Et de même, nos pensées peuvent être totalement à côté de la plaque.
Vous en avez sans doute fait l’expérience : un état schtroumpf grognon peut se résoudre par un peu de sport, ou une visite à votre meilleur ami.
Et il est parfaitement démontré aujourd’hui que l’alimentation affecte les états d’âme.
Pensées, émotions, comportement interagissent en permanence.
Donc avant de « psychologiser » la situation, examinez les éléments de base qui soutiennent l’ensemble de nos vies :
- Sommeil de qualité,
- Bonne alimentation (variée, pas trop transformée, bien dosée)
- Activité physique suffisante (30 minutes d’activité par jour, et ne pas rester en position assise plusieurs heures sans interruptions)
Après la vérification du « terreau » de base d’une vie en pleine forme, passons aux questions d’exploration :
- Y’a-t-il eu un événement particulier en point de départ de cette période de marasme ? (Ou bien quelque chose de récurrent, si oui, quoi )
- Est-ce un malaise ciblé ou quelque chose de flou qui ressemble à une perte de sens ?
- Quelles émotions avez-vous ressenti ? (Ex : Ennui, colère, lassitude …)
- Quels besoins se cachent selon vous derrière ces émotions ? (Besoin de stimulation, de nouveauté, de stabilité, de sécurité …)
- Quelles pensées moulinez-vous en boucle ?
- Ces pensées sont-elles conformes à la réalité ?
- Qui pourrait réfléchir avec vous ?
2. Introduire des émotions positives :
En même temps que vous menez cette opération d’exploration du malaise, cherchez délibérément à faire pétiller votre vie !
- Offrez-vous des occasions de rire, même si c’est simplement devant des vidéos de cabrioles félines,
- Pratiquez la gratitude chaque soir en notant ce qui a été positif,
- Faites la liste de vos forces de caractères, de vos compétences et de vos ressources personnelles(Finances, compétences, relations …)
3. Action et engagement :
L’introspection est utile, mais nous avons besoin d’être actifs pour nous démontrer à nous-même notre propre valeur, ressentir les émotions positives et faire les découvertes qui vont avec l’expérimentation.
- Choisissez un loisir (actif de préférence) qui vous absorbe et vous plait,
- Établissez des priorités parmi les domaines qui vous intéressent et vous permettrons de vous épanouir (ex : musique, danse, écriture, apprentissage …)
- Donnez-vous des buts en liens avec ces priorités, offrez-vous des défis,
- Célébrez vos réalisations sur ces critères :
- Conformes à mes valeurs
- Conformes à mes objectifs
- M’apportent de la joie et du plaisir
- Degré d’importance dans ma vie
4. Relations :
(Re)-connectez-vous aux autres.
- Relancez d’anciennes amitiés ou de simples contacts,
- Cherchez à faire réellement connaissance avec vos collègues,
- Donnez-vous des objectifs de brefs moments de conversations au jour le jour.
5. Direction de vie par des objectifs et/ou par l’effectuation :
Dans les phases précédentes, vous avez :
- Identifié la problématique
- Fait la liste de vos forces de caractères, de vos compétences et de vos ressources personnelles.
Vous allez maintenant vous orienter vers le futur, en notant noir sur blanc vos désirs, vos espoirs et vos souhaits pour votre avenir.
Pour cela, vous pouvez utiliser la technique de la fixation d’objectifs OU la technique de l’effectuation
- Technique des objectifs
Après vous être fixés des objectifs clairs et délimités, vous pouvez les décliner par étapes : par exemple votre horizon à 5 ans vous amène à déduire vos objectifs de l’année à venir, puis à diviser l’année en trimestre etc. … sur le principe des poupées russes. A partir de ces sous-objectifs vous déterminez les actions à prendre et les moyens dont vous avez besoin. Et éventuellement, vous cherchez à vous donner les moyens (financiers par exemple) de vos ambitions.
- Technique de l’effectuation
L’effectuation suit le chemin totalement inverse du la démarche de fixation des objectifs : au lieu de vous fixer un but, de le décliner en sous-objectifs puis en moyens et en actions, vous partez de vos moyens pour explorer où ils pourraient vous mener.
Imaginons que lors de l’étape précédente (ressources personnelles), vous avez mis au jour une grande capacité d’apprendre, une bibliothèque riche d’une poignée de livres d’apprentissage du chinois, un vélo en état de marche, un goût pour l’improvisation et des économies substantielles.
Interrogez-vous sur ce que vous pourriez tenter avec tout ça… et lancez-vous !
Le résultat en lui-même importe finalement assez peu. Ce qui compte, c’est d’ouvrir en vous un chemin de créativité, de plaisir et de découverte, qui vous conduira très probablement à une autre vision de votre vie, et peut-être à de nouvelles opportunités, qui vous aurez provoquées en utilisant votre pouvoir d’agir.
Stopper la course à la langueur est une affaire de premier pas.
Quel sera votre premier mouvement ?
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