« L’espoir et la curiosité pour l’avenir semblaient meilleurs que les garanties. L’inconnu a toujours été si attirant pour moi… et l’est toujours ». Hedy Lamarr[1].

Hedy Lamarr est une artiste éduquée par son père à différents principes scientifiques. Elle a conduit sa double carrière d’artiste et de chercheuse scientifique. Star de cinéma dans les films produits par la Metro Goldwyn Mayer, elle fut considérée comme la plus belle femme du monde dans les années 1930-1950. Sa présence à l’écran sous la direction des plus grands réalisateurs assure le succès, le triomphe. La reine d’Hollywood devint un modèle, une référence aussi bien pour le public que pour les professionnels du cinéma. Elle fut choisie pour illustrer le visage de Blanche Neige, par Walt Disney, dans son dessin animé de 1937. Chercheuse scientifique, elle a proposé à la marine américaine un système de code des transmissions pour le radioguidage des torpilles, brevet déposé avec GC Antheil[2] en 1941. Ce dispositif appelé : « étalement de spectre par saut de fréquence » n’a pas été retenu à l’époque. Il fut exhumé avec succès par l’US Navy lors de la crise entre Cuba et les USA d’octobre 1962. Ce brevet fut utilisé en 1980 pour l’exploitation des téléphones mobiles. A ce jour il est mis en œuvre pour les liaisons satellites, le GPS, le Wi-Fi, le Bluetooth et bien d’autres applications tenues secrètes. La plus belle femme du monde, « la bombe à tête chercheuse » a été honorée tardivement en 2014 par son admission au National Inventors Hall of Fame.

Il est donc possible de mener de front une double activité dissemblable : contradictoire dans leur fonctionnement réciproque, artistique et scientifique. Pour y parvenir, il convient de s’équiper et de faire fonctionner les « deux logiciels » nécessaires et suffisants.

La vie d’étude et la vie professionnelle, mais quoi ?

La vie d’étude se déroule depuis l’école maternelle jusqu’au doctorat,[3] statut de reconnaissance ultime du savoir. La vie professionnelle est l’activité destinée à fournir ses moyens d’existence. Ces deux vies présentent des différences fondamentales[4] qu’il est indispensable d’identifier pour définir le cahier des charges des deux logiciels à mettre en œuvre pour répondre aux exigences de la vie d’études et de la vie professionnelle.

La sanction, différence principale. Le mode sanction de l’activité représente la principale différence entre la vie d’études et la vie professionnelle. L’exemple proposé est l’activité qui consiste à livrer un colis entre la Cathédrale de Notre-Dame de Paris et la Cathédrale de Chartres, deux types de sanctions sont réalisés.

1 Sanction de la vie d’études :

 

La note 20/20 est très rarement attribuée, en général les meilleures notes sont 14 ou 16/20.

2 Sanction de la vie professionnelle : Il faut prendre le colis à Notre-Dame de Paris et le livrer à la Cathédrale de Chartres dans les conditions fixées, le travail doit être fait et aucune note n'est accordée.

Cette différence entre la vie d’étude et la vie professionnelle est extrêmement déstabilisante. Les étudiants qui deviennent professionnels, les professionnels qui entrent dans une vie d’étude vivent une grande tension conflictuelle. Les repères habituels disparaissent au profit de ceux de l’autre vie. Il s’agit bien de deux logiciels à mode d’évaluation différents qu’il convient de faire exister, de connaitre, de comprendre, d’accepter et d’appliquer.

Les multiples autres différences. Elles sont identifiables par les paramètres du comportement.

 

La liste des différences entre les deux vies décrit le cahier des charges des deux logiciels, des deux référentiels de comportement.

La vie d’étude et la vie professionnelle, mais comment ?

Lors d’un changement de vie l’incompétence nait de l’ignorance de différences existantes entre les deux référentiels et des moyens pour les gérer, soit dans le sens étude profession ou profession étude. Pour adopter une vie d’étude ou une vie professionnelle, deux stratégies sont possibles à partir de l’’analyse des quatre paramètres :

  • La situation se présente par le choix entre la vie d’étude ou la vie professionnelle.
  • Le moi se détermine par la personnalité, le caractère, les valeurs…
  • La fonction se définit par les responsabilités dictées dans la vie en question.
  • Le rôle se caractérise par le comportement adopté pour représenter la fonction.

Deux possibilités s’offrent pour conduire le changement, soit :

  • Mélanger le moi, la fonction et le rôle, soit vivre la situation, être impliqué en qualité d’acteur. Cela revient à utiliser ses valeurs de conviction avec comme conséquences d’automatiser la motivation, de remplacer les compétences par l’énergie et de vivre une remise en cause personnelle impliquante.
  • Séparer le moi, la fonction et le rôle, soit exécuter la situation, être concerné en qualité de comédien. Cela revient à mettre en œuvre ses valeurs de responsabilité avec comme résultat de s’obliger à maitriser des connaissances et des compétences précises, de rechercher l’efficience et un besoin de motivation sur la qualité du geste professionnel.
 

L’acquisition de la maitrise de la vie d’étude et/ou de la vie professionnelle impose le respect des phases d’apprentissages suivantes :

1 Compréhension des référentiels de vie, des logiciels.

2 Rejet habituel à partir de la connaissance de la situation, mise en cause de la forme et enfin traitement du fond, de l’objectif.

3 Appropriation par la motivation à changer.

4 Application en situation réelle.

5 Constat des anomalies, des écarts chez les autres en temps réel.

6 Constat des anomalies, des écarts chez soi après coup.

7 Constat des anomalies, des écarts chez soi sur le moment et régulation immédiate.

8 Evolution progressive vers l’automatisme.

La mutation d’une vie à l’autre impose de vaincre la résistance au changement :

  • Changer présente des bénéfices plus importants que l’effort pour changer ;
  • Ne pas changer présente des inconvénients plus importants que l’effort pour changer.

Chacun est absolument libre de faire ce qu'il souhaite avec pour objectif d’évoluer de la connaissance inconsciente à la compétence consciente maîtrisée.

Conclusion

« Il n’y a pas de talent chez les artistes, le talent c’est le travail » Jacques Brel[5]

Pour changer de vie, le vouloir vraiment n’est pas suffisant. Il est indispensable de disposer de la capacité mentale qui permet d’organiser le réel en pensées en rassemblant des informations éparses en un ensemble cohérent opérationnel, adjointe de la capacité décisionnelle de s’adapter aux contingences rencontrées. Cette capacité a pour nom l’intelligence situationnelle.

Pierre Villepreux[6] a développé, à partir de 1995 cette compétence chez les joueurs de rugby du XV de France. Le comportement du joueur dépend alors de sa position sur le terrain et non du poste qu’il occupe. En respect des situations rencontrées, les avants jouent avec les arrières et vice versa. Ils utilisent la perception, la compréhension, la projection, la planification et l’exécution de la modification de posture nécessaire.

Cette capacité mentale cognitive, l’intelligence situationnelle prend tout son sens dans le cas de changement de vie d’études, de vie professionnelle comme le définissait au IV siècle Ambroise de Milan[7]« Si tu es à Rome, vis comme les Romains ; si tu es ailleurs, vis comme on y vit. »
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[1] Hedy Lamarr, nom de scène d’Hadwig Kiesler 1914-2000 autrichienne naturalisée américaine, artiste et chercheuse.

[2] George Carl Johann Antheil, 1900-1959, musicien et inventeur américain.

[3] Grade universitaire de doctorat, diplôme de troisième cycle de Docteur à différencier de Docteur honoris causa titre honorifique et thèse d’exercice qui aboutit au diplôme d’Etat de docteur pour les professions de santé. PhD philosophiæ doctor pour la culture anglo-saxonne.

[4] Travaux issus de l’expérience empirique de 50 ans de carrière, dont 30 ans de vie professionnelle, 20 ans de vie d’études et 10 ans de recherche de l’auteur qui l’ont conduit au doctorat ès science de gestion du Cnam à 72ans.

[5] Jacques Brel, 1929-1978, artiste belge.

[6] Pierre Villepreux, 1943- rugbyman français au palmarès prestigieux, inscrit au World Rugby Hall of Fame en 2022.

[7] Ambroise de Milan 339 – 397, homme d’église, écrivain et poète italien.

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