Un parcours professionnel est constitué de l’ensemble des fonctions qu’un salarié va assurer au sein de l’entreprise, sur la base de ses aspirations et des opportunités qui lui sont offertes : changement de poste ou de métier, promotion, mobilité, etc. C’est l’un des domaines RH parmi les plus complexes à aborder car très individualisé et, par nature, peu normé. Les modalités de gestion des parcours dans l’entreprise connaissent aujourd’hui des mutations inédites. Ce qui est une opportunité pour de nombreux professionnels RH de les questionner et, bien souvent, de les transformer.

Le parcours professionnel est une responsabilité conjointe de l’entreprise, qui a la volonté de fidéliser ses ressources et de les professionnaliser, et du salarié qui cherche à satisfaire ses objectifs au sein de l’organisation de travail et à maximiser son employabilité.

Cette gestion des parcours est aujourd’hui percutée par les effets conjugués de l’évolution des compétences et de leur obsolescence accélérée, du manque de ressources sur le marché du travail, du désintérêt pour les fonctions managériales et, en premier lieu, des nouvelles relations au travail.

Des attentes très évolutives des salariés

Le principal enjeu des gestionnaires de carrière qui accompagnent les collaborateurs dans leur mobilité réside dans l’appréhension des attentes des salariés vis-à-vis de leur parcours au sein de l’entreprise. La crise sanitaire a largement transformé les repères initiaux. 

Entre 2020 et 2022, la plupart des salariés ont interrogé le sens du travail, les conditions matérielles qu’il offrait, l’articulation de celui-ci avec la vie personnelle. Tous les acteurs RH témoignaient alors, tous secteurs confondus, d’une période de foisonnement des projets individuels et de très grande instabilité pour rationaliser les parcours dans l’entreprise. Au final, il y a eu peu de « mises au vert » et peu de ruptures dans les trajectoires initiales de chacun : le taux de démission n’a pas dépassé 2,7% en France (contre 2,9% en 2008 par exemple) et les entreprises n’ont pas connu de pic de mobilité interne.

Aujourd’hui, les attentes des salariés concernant leur parcours ne sont pas homogènes, et apparaissent très fractionnées selon les catégories socioprofessionnelles, le niveau d’études, le lieu de travail, les niveaux de salaire. Dans ce contexte, il est tentant de chercher à simplifier l’approche en évoquant les effets de génération X, Y ou Z. Ce n’est clairement pas suffisant.

Des transformations importantes des compétences

La transformation des compétences requises par les évolutions business conduit à s’intéresser plus qu’auparavant aux parcours des collaborateurs, afin de s’assurer que leur progression au sein de l’entreprise leur permet d’acquérir les compétences nécessaires, qu’il s’agisse des compétences techniques ou comportementales.

Il n’est plus possible de compter uniquement sur l’effet d’expérience. Ainsi, un chef de produit ne peut plus seulement miser sur sa connaissance du marché pour devenir responsable de marque ou de zone. Il doit également progresser sur les outils digitaux, la gestion de projet, le management, l’animation commerciale, le renouvellement de l’offre de services, etc.

De plus, la gestion des parcours est d’autant plus stratégique au sein des entreprises qu’elle intervient souvent dans un contexte de pénurie de main d’œuvre. Dès lors, l’entreprise va rechercher plus qu’avant à proposer des parcours en adéquation avec les souhaits de ses collaborateurs.

La voie managériale est mal aimée

Devenir manager ne constitue plus un « Graal », tandis que cette perspective a motivé des générations de salariés qui entraient en fonction jusqu’à il y a encore 5 ou 10 ans en envisageant de progresser via la logique hiérarchique. La gestion des parcours professionnels est clairement percutée par le manque d’attractivité des fonctions managériales.

De nombreux salariés, notamment les plus jeunes, sont rebutés par les responsabilités induites par le rôle de manager, la complexité des relations humaines à gérer, la disponibilité requise, voire le peu de contreparties associées. Dès lors, il s’agit de proposer d’autres parcours de progression, davantage basés sur l’exercice du métier et le développement de l’expertise en continu.

Les réponses RH à construire

Nos expériences auprès des entreprises sur la thématique de la gestion des parcours professionnels nous conduisent à identifier 3 clés de succès :

  1. Articuler la gestion individuelle et collective. Les demandes individuelles croissantes et la variété des attentes de la part des collaborateurs peuvent conduire à déployer une approche RH exclusivement sur-mesure. Ainsi, l’employeur répond aux attentes exprimées par chacun, avec une faible objectivation des besoins et un accompagnement limité de la part du manager. Cette approche de gré-à-gré est dangereuse pour la cohésion des collectifs de travail. Elle existe dans certaines entreprises de la Tech, de la Communication ou du Conseil. Et cela ne permet pas de répondre aux besoins durables de l’entreprise.

Il s’agit donc de combiner à la fois un conseil carrière qui soit personnalisé (assuré par des gestionnaires de carrière formés et déployant des approches sur-mesure), tout en rendant les approches collectives (entretiens annuels, entretiens carrières, people reviews, comités carrières) nettement plus opérationnelles et utiles aux différents business.

  1. Donner de la visibilité aux salariés sur les parcours possibles dans l’entreprise. Les déclencheurs de la mobilité sont aujourd’hui bien connus. Il est nécessaire de pouvoir visualiser simplement les contenus des fonctions auxquelles il sera possible de prétendre. Et ainsi d’identifier les compétences à acquérir avant ou pendant la prise de poste. Pour cela, il est déterminant de changer la logique des référentiels de compétences, en mettant en évidence les compétences clés pour aller d’un métier vers un autre.

Par ailleurs, les « forums inter-métiers », les « vis-ma-vie » ou les dispositifs de « mobilité test » sont autant de leviers à expérimenter pour approcher les réalités des métiers et aider les salariés à franchir le pas vers une mobilité.

  1. Structurer les filières d’expertise. Les parcours managériaux répondent aux collaborateurs qui envisagent des évolutions verticales, classiques, héritées des organisations pyramidales. Il est pertinent de structurer des filières d’expertise permettant des parcours plus horizontaux, tout aussi motivants et porteurs en termes d’employabilité.

Structurer une filière d’expertise nécessite de bien définir les expertises du futur au regard du plan stratégique et des transformations à accomplir. Il est ensuite essentiel de clarifier les contributions attendues chez les experts : savoir-faire technique, transfert de compétences internes et externes, capitalisation des savoirs. Enfin, les experts doivent constituer une communauté bénéficiant d’une animation et d’une valorisation de ses apports dans la durée.

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