Les chiffres sont frappants : autour de 7 salariés français sur 10 ayant recours au travail à distance déclarent effectuer des heures supplémentaires non rémunérées : 68 % pour les télétravailleurs ; 71 % pour ceux qui travaillent en mode hybride. Alors qu’ils ne sont que 56 % lorsqu’ils travaillent uniquement sur site. C’est ce que révèle l’enquête de ADP Research Institute, réalisée auprès de plus de 32 000 actifs dans 17 pays, dont près de 2000 en France.
Autre différence notable aggravant ces déclarations : les salariés à distance disent travailler en moyenne l'équivalent de 7,66 heures par semaine sans être payés, contre 5,06 heures pour ceux qui exercent sur site. A noter que ceux travaillant en mode hybride se rapprochent plutôt de ces derniers, avec 5,92 heures. Comme si c’était le temps passé en télétravail qui incitait à travailler plus, alors même que cela permet de réduire les temps de trajets, de couloirs et d’interactions grégaires… A croire que les télétravailleurs s’appliquent les mêmes horaires globaux que quand ils étaient cantonnés sur site, les temps habituellement perdus devenant ipso facto du temps de travail effectif ; c’est une hypothèse à considérer.
Le télétravail sur la sellette
On connait bien la résistance française au télétravail. D’ailleurs, 51 % des télétravailleurs avouent faire des heures supplémentaires non payées pour sécuriser leur emploi (contre 26 % des collaborateurs en présentiel). Par ailleurs, 57 % des télétravailleurs estiment que leur employeur surveille davantage les collaborateurs qu’auparavant et 54 % d’entre eux se sentent même jugés du fait qu’ils jouissent de conditions de travail flexibles.
Dans un vieux pays féodal, on a du mal à accepter l’autonomie des travailleurs. Parfois même on les en croit incapables, spontanément fainéants et tricheurs. Il aura fallu “l’état de guerre” décrété par le Président de la république contre la pandémie de Covid 19 pour faire un peu évoluer les esprits : les constats de temps de travail effectif et le niveau augmenté de productivité a en partie permis au télétravail d’acquérir ses lettres de noblesse.
Le télétravail et ses conséquences rendent prudent
Malheureusement, comme dans toute guerre, les réalités vécues n’ont pas été au même niveau pour tout le monde ; et le télétravail contraint, non préparé, non formé, mal managé, suspecté de profiter aux seuls profiteurs… s’est aussi révélé dans certains cas un calvaire, tant pour les salariés que pour les entreprises. Dans tous les cas est apparu une forte évolution des pratiques, nécessitant de nouvelles conceptions de l’organisation, du management, du rapport entre l’individuel et le collectif, de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle… Bref un changement d’état de vie et de travail requérant une capacité d’adaptation pour rechercher tant bien que mal un nouvel équilibre. Autrement dit : du stress.
Paradoxalement, ceux qui ont le plus besoin de cette adaptation sont bien ceux qui font face à plus de changement, alors même qu’ils le désiraient avant : 82 % des personnes qui travaillent à distance considèrent que leur travail est affecté par le stress (78 % le ressentent au moins une fois par semaine), contre 57 % pour les personnes qui travaillent sur site. Logiquement, ceux travaillant en mode hybride coupent la poire en deux : ils sont 62%.
Un point inquiétant : les collaborateurs sur site sont 36 % à juger que leur employeur ne prend aucune mesure proactive pour favoriser leur santé mentale au travail, alors que ce chiffre n’est que de 17 % parmi les télétravailleurs.
Ultime conséquence de ces perceptions et de la difficulté d’adaptation des entreprises elles-mêmes : les télétravailleurs sont 81 %, à avoir songé à un changement de carrière au cours des 12 derniers mois, contre 62 % de ceux travaillant en mode hybride et 54 % des collaborateurs sur site…
Plus prudents, mais plus optimistes !
Et pourtant, Les télétravailleurs français : d’une part sont satisfaits, à 91 %, de leur situation de travail à distance ; d’autre part se considèrent relativement optimistes concernant les cinq prochaines années au niveau professionnel (84 %), comparé à la moyenne globale des salariés interrogés (75 %), notamment leurs collègues qui travaillent uniquement sur site (72 %).
Peut-être les télétravailleurs établissent-ils plus que les autres une différence entre leur situation globale et leur travail professionnel ? Cette hypothèse parait accréditée par le fait que le salaire est la principale motivation au travail pour 68 % de ceux qui travaillent uniquement sur site… et seulement pour 41 % de ceux qui travaillent à distance.
Finalement, il semble raisonnable de penser que le mode hybride constitue la meilleure solution, chaque fois qu’il est possible, car c’est l’alternance entre des temps de travail personnels à forte concentration et des temps de travail collectifs à fort partage qui suscite le plus de créativité et d’efficience.
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