Les pénuries de compétences se sont durablement installées comme une difficulté majeure pour de nombreuses entreprises. Au point de freiner le développement de ces organisations, voire de mettre en cause leur pérennité au sein de certains secteurs. Compte tenu des données démographiques, il est écrit que cette situation continuera à s’aggraver.

Dès lors, l’entreprise est poussée à revisiter toute sa politique de gestion des ressources humaines, avec notamment une démarche d’anticipation de type Strategic Workforce Planning.

C’est aussi la politique de recrutement dans son ensemble qui doit être repensée pour être plus efficace et permettre de générer les flux externes requis. Sur la phase amont de cette politique, une approche différenciante consiste à définir la Proposition de Valeur Collaborateur ciblée par l’entreprise à partir de sa stratégie (facteurs de différenciation sur ses marchés, business model, priorités de développement).

Mais même lorsque cette identité a été formalisée, mise en œuvre et largement communiquée, la phase de sélection reste un enjeu majeur. Là aussi, les pénuries de compétences ont un impact considérable puisqu’elles transforment radicalement le rapport de force entre l’entreprise et les profils qu’elle cible. Il y a plutôt matière à se réjouir que les conditions soient ainsi créées pour une interface revue, avec une relation adulte et basée sur le respect mutuel.

Réinventer le processus de sélection

Comment revisiter le processus de sélection pour qu’il soit à la fois porteur de cette mutation et plus efficace ? Dans cette phase, l’entreprise a pour objectif d’identifier si le candidat correspond à son besoin. Mais repenser le processus de sélection à partir de cette seule dimension ne prendrait pas en compte la nouvelle donne et conduirait à négliger l’autre partie de l’équation : le candidat est désormais lui aussi en position de choisir quelle entreprise correspond à son besoin. C’est pourquoi il va s’agir pour la DRH de repenser son approche non pas dans une logique de processus, mais à partir du vécu du candidat. C’est l’expérience candidat, du premier contact à la fin de l’onboarding, qu’il s’agit de redessiner.

Respecter les candidats, c’est tout d’abord prendre en compte l’impact de ce processus sur leur organisation de vie. Selon une étude de CareerBuilder, 60% des personnes ont déjà abandonné un processus de recrutement parce qu’il était trop lourd. Alors que seulement 8% des recruteurs pense qu’un processus de candidature compliqué fait fuir les meilleurs talents. Le déroulé doit être simple et limité dans le temps, les différentes étapes étant présentées dès l’amont de manière transparente au candidat.

Cela suppose que l’entreprise ait défini sans ambiguïté un certain nombre d’éléments. Les informations à communiquer au candidat. Mais aussi ce qui doit être évalué : compétences métiers, soft skills, adéquation à l’équipe, autres éléments par rapport au poste, dimensions renvoyant à la suite du parcours, etc. Et qui, du futur manager, de la DRH ou d’autres acteurs intervenant dans le processus, devra évaluer chacune des dimensions retenues, en évitant les redondances. Avec quels outils éventuels, en addition des entretiens. Notons au passage, sans vouloir polémiquer, que le caractère prédictif de certains tests ou outils « sur étagère » n’a pas plus été démontré que celui de la graphologie, encore omniprésente dans le recrutement en France il y a une vingtaine d’années.

Une relation pleinement responsable

Le ressenti du candidat dépendra en premier lieu des comportements de ses interlocuteurs dans l’entreprise. Ce qui suppose que ceux-ci aient été formés à adopter une posture équilibrée et respectueuse avec chaque candidat durant tout le processus.

Cela doit aller jusqu’à assurer au candidat non retenu un feedback argumenté sur les raisons de la décision. Le caractère chronophage de cette approche est tout relatif, un quart d’heure suffisant à formaliser ce feedback, à rapprocher des 4 ou 5 heures que les acteurs de l’entreprise auront consacrées à organiser et à réaliser les entretiens. S’engager à assurer ce retour à chaque candidat non retenu en lui fournissant ces éléments de développement est un moyen de pousser les différents acteurs à objectiver leur évaluation. Des phrases telles que « Je ne le sens pas » ou « Je ne me vois pas travailler avec lui » ne sont plus acceptables. Cette approche fera de certains candidats non retenus des ambassadeurs de l’entreprise, au regard de l’expérience qu’ils auront vécue.

Avec le candidat retenu, restera à assurer la période intermédiaire et l’intégration pour qu’elles soient aussi qualitatives et riches humainement. Des entreprises comme Saur ou Rémy Cointreau sont allées jusqu’à supprimer la période d’essai, considérant que la qualité de leur sélection le leur permettait et adressant un message de confiance au candidats embauchés. Toujours dans une optique de qualité de l’expérience, l’entreprise devra avoir reconfiguré son processus d’onboarding en distinguant ce qui doit être automatisé et ce qui doit au contraire être réhumanisé.

Les conséquences de l’inaction

Certains utiliseront comme prétexte à l’inaction les comportements inacceptables de certains candidats : no-show à un entretien voire à la prise de poste, ghosting, etc. Ces comportements existent, mais l’entreprise doit-elle pour autant pratiquer elle aussi ces dérives ? Ce n’est certes pas parce qu’elle se comportera de manière respectueuse que le candidat lui rendra la pareille. Mais a contrario, comment attendre de celui-ci certaines attitudes lorsque celles des acteurs du recrutement sont contraires ? Si l’entreprise veut faire face à la situation aggravée de pénuries qui s’annonce, elle se doit d’agir.

D’autant que les conséquences d’un processus de sélection défaillant ne se limitent pas aux équipes incomplètes. Selon une étude de Cegid, 72% des candidats qui ont eu une mauvaise expérience candidat ont partagé cette expérience négative en ligne ou directement avec quelqu’un. « Un client maltraité, c’est un client perdu. Mais un candidat maltraité, c’est dix clients perdus. » affirmait récemment le DG d’une entreprise du secteur de la distribution.

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