Recrutement, compétences, parcours, rémunération, etc. : dans chacun des domaines RH, quelle est la politique de votre entreprise ? Certaines organisations, en premier lieu les grands groupes, ont mené un travail de formalisation de ces politiques. D’autres les ont vues émerger avec le temps, de façon pragmatique. Dans leur cas, ce sont les pratiques qui ont construit les politiques plus que l’inverse.

Même quand ces politiques ont été dessinées, leur production remonte parfois à plusieurs années, alors que l’environnement de ces organisations peut s’être considérablement transformé. Quelle démarche adopter pour remettre à plat non seulement les pratiques mais aussi, en amont, les politiques qui les structurent ?

Une partie significative de mes activités relève de la formalisation des politiques RH pour les entreprises que j’accompagne. J’enseigne ou a enseigné ces politiques et leurs évolutions dans des établissements comme Dauphine ou Sciences Po. J’ai publié plusieurs ouvrages en la matière. Je partage donc ici les éléments de réponse qui me paraissent clés.

Politique RH et non processus RH

Rappelons ce qu’est la politique d’un domaine RH. Elle est composée des fondements de l’action future : ce qui constituera les principes fondamentaux de l’entreprise et structurera ses activités en la matière.

Pour ce qui est du développement des compétences, ce peut être par exemple : « L’entreprise identifie et développe en priorité les compétences identifiées comme critiques dans la démarche de GEPP. » Ou bien « La formation est positionnée comme un des leviers pour développer les compétences parmi d’autres : apprentissage en situation de travail, accompagnement par le manager, etc. Le travail lui-même doit être reconfiguré pour être apprenant pour celui qui le réalise. »

Il ne s’agit donc pas du processus RH, qui lui détaillera l’ensemble formalisé et séquencé des activités et tâches à réaliser, en étant décliné de la politique. Nous n’évoquons pas non plus ici le plan d’action qui sera nécessaire pour que cette politique se matérialise.

La politique définira notamment les responsabilités respectives des différents acteurs (collaborateur, manager, dirigeants, DRH, etc.) dans le domaine RH concerné, ainsi que leurs articulations.

Par exemple, en matière de gestion des carrières, sur le projet professionnel : « Le collaborateur est le premier responsable de la construction de son parcours. La DRH à pour responsabilité de mettre à sa disposition les informations et les outils qui lui permettent de murir son projet professionnel. Le manager aide le collaborateur à formaliser un projet individuel ambitieux et réaliste. La validation et la réalisation de ce projet relèvent de la décision conjointe de la ligne managériale et de la DRH. »

Une déclinaison de la stratégie

Traitons maintenant ce qui doit être structurant pour définir la politique dans le domaine RH ciblé. Pour être vraiment impactante, celle-ci doit être déclinée de la stratégie de l’entreprise. Toute organisation-ci appuie son activité sur des choix : facteurs de différenciation pour ses clients par rapport à ses concurrents sur ses marchés, business model garantissant la viabilité économique de ce positionnement marché, priorités de développement à moyen terme. Les politiques RH doivent servir ces choix stratégiques et donc en être déduites.

Prenons quelques exemples : en matière de recrutement, le contenu de la communication doit être défini à partir de la Proposition de Valeur Collaborateur déployée en interne, celle-ci ayant été formalisée pour servir la stratégie. La politique de rémunération quant à elle doit garantir que chaque dimension stratégique est couverte par le levier pertinent, plutôt que de n’être que la résultante du millefeuille de dispositions issues de l’historique des négociations et d’ajustements ponctuels.

La politique de développement des compétences d’une entreprise qui vise un repositionnement de son offre via l’innovation intégrera la nécessité d’un enrichissement continu des savoir-faire spécifiques des métiers qui sont identifiés comme étant au cœur de cette mutation.

Ce positionnement des politiques RH comme devant apporter leur contribution à la mise en œuvre de la stratégie suppose de réaliser un travail de déclinaison de la stratégie pour les définir. La stratégie en question est parfois formalisée, mais dans de nombreuses entreprises, elle est implicite. Il est alors nécessaire de faire exprimer ces choix par les dirigeants, par exemple à travers une démarche d’interviews. C’est à partir de ces éléments que les principes structurants de chacune des politiques RH peuvent ensuite être formalisés. Capturer ces déterminants stratégiques permettra ensuite de mettre en évidence la contribution forte des RH au déploiement de la stratégie.

Notons que cela permet de repositionner la fonction RH non plus comme une fonction support, mais comme une fonction qui crée de la valeur en impactant directement le chiffre d’affaires et le résultat de l’entreprise. Ce repositionnement facilitera notamment les éventuels arbitrages budgétaires ultérieurs sur la politique du domaine RH concerné. En effet, avec cette approche, les budgets affectés au déploiement effectif de cette politique RH ne constituent plus une dépense qui vient peser sur l’économique, mais un investissement qui rapporte via l’accélération de la mise en œuvre de la stratégie.

Une fois ces politiques RH définies, l’entreprise devra engager un travail sur leur mise en œuvre effective via la transformation des pratiques qui doit en découler. Pour en arriver à cette intégration dans le quotidien, il sera nécessaire de réaliser un état des lieux des pratiques au regard de la politique ciblée, d’identifier les macro-projets RH à mener pour matérialiser cette politique, d’en déduire les moyens requis et les principaux outils à développer, et enfin d’analyser les principales articulations de cette politique avec les autres politiques RH, de manière à garantir leur cohérence.

Une conception moderne des RH

Les entreprises ont longtemps considéré qu’il y avait dans chaque domaine RH une politique de référence, décrite dans les ouvrages et vers laquelle il fallait tendre, à partir de logiques assises sur l’expertise métier des RH. Beaucoup ont pris conscience de la nécessité d’adopter une approche contingente.

Chaque politique RH découlera donc de la stratégie spécifique de l’entreprise. La politique de développement des compétences d’une entreprise n’aura donc alors qu’une finalité : lui permettre de disposer des compétences requises aujourd’hui et demain pour mettre en œuvre son projet stratégique.

Mais le collaborateur sera lui aussi gagnant avec cette approche : elle va lui permettre non seulement d’assurer son activité en maîtrisant les compétences requises, mais aussi de renforcer son employabilité en développant son capital compétences et d’intégrer les compétences requises dans son futur professionnel.

Pour finir, j’illustrerai mon propos avec la démarche qu’a mené la DRH du groupe Labeyrie. La situation économique et notamment les tensions inflationnistes ont conduit Labeyrie Fine Foods à accélérer le déploiement de son projet stratégique, avec notamment une volonté de premiumisation de l’offre. C’est dans ce contexte que la DRH a eu la volonté de refonder ses politiques RH. Un pilote a été mené sur une de ces politiques, celle de développement des compétences. Il s’agissait de déployer sur un temps resserré une méthodologie de construction et de formalisation de cette politique, ainsi que de partager à travers des exemples les tendances émergentes dans les entreprises sur cet enjeu. La politique de Labeyrie Fine Foods en matière de développement des compétences a ainsi été formalisée en étant pleinement alignée sur le projet stratégique. Labeyrie Fine Foods a ensuite pu généraliser cette démarche de déclinaison de la stratégie en politiques RH aux autres domaines RH.

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