La crise sanitaire a accéléré deux évolutions majeures. Premier phénomène : l’entreprise rencontre de plus en plus souvent des difficultés pour attirer et recruter les profils dont elle a besoin, au regard des pénuries de compétences. Au point que les équipes incomplètes viennent handicaper son activité. Les pressions des opérationnels sur la DRH n’y changeront rien.

Seconde difficulté : l’entreprise doit faire face à une fragilisation de l’engagement de ses collaborateurs. Nombreuses sont les organisations qui constatent une distanciation accrue, qui peut se traduire par une dégradation de l’ambiance de travail, une croissance de l’absentéisme et des départs.

Les voies sans issue

Pour traiter cette situation, certaines organisations continuent à s’en tenir à des réponses cosmétiques : « Nous devons mieux communiquer, que ce soit en interne ou avec les candidats. » C’est ainsi que la marque employeur devient un enjeu aux mains des agences de communication. La réalité ne changera pas et les responsables d’équipes continueront à désespérer.

Le concept de marque employeur a été importé des USA à la fin des années 90, mais la moitié de son contenu semble s’être perdue au passage. La notion mobilise deux approches articulées. En amont celle d’Employee Value Proposition, l’identité employeur vécue par les collaborateurs dans leur quotidien. En aval celle d’Employer Branding, qui ne renvoie de fait qu’à la seule communication recrutement.

Ce distinguo ouvre la porte à une approche qui permettra à une Direction des Ressources Humaines non seulement d’impacter avec une efficacité radicale les enjeux d’engagement de ses collaborateurs et d’attractivité pour les candidats, mais aussi de repositionner sa contribution sur de la création de valeur. Par quelle voie ce miracle peut-il s’opérer ?

Il s’agit tout d’abord d’éviter une seconde erreur : celle qui consiste à définir l’Employee Value Proposition que va cibler l’entreprise à partir des attentes des intéressés, qu’il s’agisse de celles des collaborateurs ou de celles supposées des candidats ciblés. 

Articuler RH et stratégie

Les employeurs de référence (avec plus de 90% des collaborateurs engagés) ont adopté une approche inverse. Elle consiste non pas à répondre à cette demande supposée, mais à construire et à pousser une offre. L’entreprise part d’une question : sur quelles dimensions RH devons-nous investir en priorité et devenir différenciants en tant qu’employeur pour servir la mise en œuvre de notre stratégie business et notre développement économique ?

Cela conduit ces entreprises à veiller certes à n’être démotivantes sur aucune dimension RH, mais aussi et surtout à devenir différenciantes en tant qu’employeur en sélectionnant deux ou trois dimensions RH, pas plus. Vouloir avoir des pratiques très supérieures à celles des autres entreprises sur l’ensemble des dimensions serait complètement illusoire. Quand l’entreprise communique ainsi, elle n’est pas crédible. L’organisation va sélectionner les leviers RH qui nourrissent plus particulièrement le déploiement de la stratégie.

Des exemples

Face à des géants comme Coca ou Pepsi, Orangina fait la différence pour ses clients de la grande distribution sur son agilité. Pour assurer ce positionnement, Orangina encourage l’initiative de ses collaborateurs et a développé un modèle différenciant sur l’autonomie.

Le positionnement prix de Decathlon lui impose de contenir ses frais de personnel qui représentent une part prépondérante des coûts dans la distribution spécialisée. De même, son modèle commercial conduit ce groupe à positionner face au client des jeunes passionnés. Le turn-over organisé qui en découle est compensé par un effort massif de développement des compétences garantissant d’apporter au client un haut niveau de service.

Le business model de Schlumberger est basé sur sa capacité à s’installer rapidement dans une zone géographique et à s’en retirer tout aussi vite, dans une logique de projets. Les ingénieurs qui constituent l’essentiel de ses effectifs ont par conséquent des parcours à l’international très riches, l’entreprise valorisant ces opportunités.

Une démarche en 5 étapes

  1. Capturer les déterminants stratégiques

Ce sont eux qui conditionneront l’Employee Value Proposition que doit cibler l’entreprise :

  • Sa proposition de valeur client (ses facteurs de différenciation pour ses clients sur ses marchés).
  • Le business model qui la sous-tend (l’équation économique qui rend sa proposition de valeur viable pour l’entreprise).
  • Les axes stratégiques (les priorités de développement de moyen terme qui permettront de renforcer la proposition de valeur client et le business model).

Ces éléments ne sont pas toujours formalisés. Pour autant, l’activité de l’entreprise repose toujours sur des choix stratégiques, même s’ils sont implicites. Dans ce cas, un travail de questionnement et d’analyse devra être mené pour identifier ces déterminants stratégiques.

  1. Traduire ces déterminants stratégiques en Employee Value Proposition cible

L’entreprise analysera la contribution potentielle de chacun des axes RH à la mise en œuvre de ces choix stratégiques. Sur lequel doit-elle investir en priorité pour pouvoir déployer cette stratégie ? Sur cette approche articulant déterminants stratégiques et axes, un accompagnement sera particulièrement utile, la DRH n’étant pas toujours familière avec l’exercice.

  1. Mesurer l’identité employeur actuelle

Les perceptions des collaborateurs peuvent être très différentes de ce qu’imaginent les dirigeants. Pour les évaluer, l’approche pourra être quantitative via une enquête réalisée auprès de l’ensemble de l’effectif ou d’un panel large. Elle pourra être qualitative, en interviewant un échantillon représentatif.

  1. Combler les écarts entre la réalité et la cible

Le plan d’action construit à ce stade permettra à l’entreprise de réorienter ses priorités RH autour d’un objectif unique : réduire et combler les écarts avec la cible. Tout autre projet RH doit s’effacer devant celui-ci, en délaissant les terrains sur lesquels l’entreprise pourrait être tentée de faire du « mieux-disant social » sans motivation business.

  1. Déduire la communication recrutement de l’Employee Value Proposition

Lorsque l’entreprise aura déployé en interne une Employee Value Proposition forte, la formalisation de sa communication recrutement en sera grandement facilitée. La DRH devra alors réaliser un travail de mise en communication : choix des cibles, formulation des messages, sélection des canaux, etc.

Mais ayant ainsi dépassé la seule approche cosmétique, elle se sera donné les moyens d’impacter en profondeur ses réalités et de modifier le quotidien de ses opérationnels. 

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