Droit du travail

Clé USB et preuve

Clé USB et preuve

La preuve issue d’une clé USB personnelle d’un salarié est-elle licite ?

Mme [O], engagée en qualité d’assistante technique le 1er novembre 1980 par la société VS technologies, aux droits de laquelle se trouve la société Verre équipements, occupaiten dernier lieu les fonctions d’assistante commerciale.

Elle a été licenciée pour faute grave le 27 septembre 2017 pour avoir copié sur plusieurs clés USB lui appartenant des fichiers professionnels en lien avec le processus de fabrication des produits de l’entreprise.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale notamment de demandes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

La salariée reproche à la cour d’appel d’avoir jugé que son licenciement était fondé sur une faute grave et de l’avoir déboutée de ses demandes.

Elle soutenait que son licenciement était en réalité fondé sur une preuve illicite au motif que son employeur lui avait dérobé ses clefs USB et en avait fait analyser le contenu sans qu’elle soit présente ni appelée, en violation de sa vie privée.

Dans cette affaire, la Cour d’appel rappelle que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, la cour d’appel a d’abord estimé qu’aucune production en justice n’a été faite d’éléments susceptibles de porter atteinte à la vie privée de la salariée.

De même, la cour d’appel a rappelé que les documents contenus sur le matériel informatique mis à la disposition du salarié par son employeur sont présumés à caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors la présence du salarié ou sans l’avoir fait appeler dès lors qu’ils n’ont pas été identifiés comme personnels par le salarié.

Pour la Cour, cette présomption s’applique à une clef USB intégrée dans l’ordinateur professionnel.

En l’espèce, la cour d’appel a estimé que les clefs USB litigieuses ont été connectées par la salariée aux ordinateurs appartenant à son employeur pour y copier des fichiers professionnels de l’entreprise, comme elle l’a indiqué elle-même aux services de police.

S’agissant de supports amovibles, ces clefs ont donc été intégrées à divers moments au matériel informatique de l’employeur, y compris à d’autres ordinateurs que celui mis à la disposition personnelle de la salariée.

En conséquence, la cour d’appel a rejeté le caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement pour faute grave prononcé à l’encontre de la salariée.

A l’occasion de cette affaire, la Cour de cassation rappelle néanmoins que l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.

Pour autant, il résulte des articles 6 civil et 9 du code de procédure civile, que dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, la Haute juridiction valide l’analyse selon laquelle l’employeur avait agi de manière proportionnée afin d’exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires,

En effet, il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée qui, selon le témoignage de deux de ses collègues, avait, courant juin et juillet 2017, travaillé sur le poste informatique d’une collègue absente et imprimé de nombreux documents qu’elle avait ensuite rangés dans un sac plastique placé soit au pied de son bureau soit dans une armoire métallique fermée.

Par ailleurs, l’employeur s’était borné à produire les données strictement professionnelles après le tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet, en présence d’un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n’ayant pas été ouverts par l’expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l’employeur.

De ces constations, la cour d’appel pouvait en déduire que la production du listing de fichiers tiré de l’exploitation des clés USB était donc bien indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi.

Dès lors, la cour d’appel pouvait valablement considérer que les pièces relatives au contenu des clés USB litigieuses étaient bien recevables.
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Cour de cassation, civile, Chambre sociale

25 septembre. 2024, n° 23-13992

Publié au bulletin
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