Management et leadership en entreprise

Le chemin escarpé de la responsabilisation

Responsabiliser le management

La responsabilisation des salariés, le général De Gaulle en parlait déjà en 1941 : « Il faut attribuer aux travailleurs, dans l’économie nationale, des responsabilités qui rehaussent de beaucoup le rôle d’instrument où ils étaient jusqu’alors confinés. Il faut, en outre, associer les travailleurs, à la marche de l’entreprise, afin que leur travail ait les mêmes droits que ceux que détient le capital ».

Alors pourquoi est-ce si difficile de responsabiliser les salariés et ainsi développer la coopération ? Les raisons sont multiples, en voici quelques-unes :

  • La force de la pléonexie organisationnelle : le fait de vouloir plus que sa part et son corollaire, se penser plus indispensable qu’on ne devrait et, dès lors, se croire légitime pour décider pour les autres, voire régenter leur vie au travail est quasi ontologique. Pour paraphraser François Lagandré, « se mêler de tout, en particulier, de ce qui ne vous concerne pas, en négligeant au besoin ce qui vous concerne », semble être le terreau social des organisations. Seul un haut degré de confiance peut en venir à bout, difficile dans un monde de défiance. 
  • On ne coopère pas avec un pistolet sur la tempe : quelqu’un qui n’a pas de marges de manœuvres avec la possibilité de choisir entre différentes options, ne peut pas être responsable car la responsabilité implique de pouvoir répondre de ses actions. Les salariés sont-ils libres alors que le contrat de travail acte un lien de subordination (l’employeur a le pouvoir de donner des ordres, de contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du subordonné) ? Quelqu’un qui est contraint de toutes parts, qui ne peut pas dire « non » sans conséquence fâcheuse sur son destin n’est pas un acteur libre, c’est un truisme de le dire ; c’est juste un « client » dans le sens étymologique du terme c’est à dire un « vassal ». N’appelle-t-on pas désormais les salariés, des « clients » internes ? 
  • La possibilité d’un management de droit divin induite par le droit : développer la coopération nécessite de la part du manager de renoncer à un pouvoir que lui octroie le droit du travail par le truchement du lien de subordination. La responsabilisation, préalable à la coopération, nécessite ainsi de la part du chef, un esprit de renoncement. Comme le note Marc Oraison, dans son ouvrage « Tête dure », le patron « doit renoncer à sa prévalence », ce qui n’est pas aisé car je cite « il se discerne très vite deux niveaux. Le conscient ou l’explicite, ou l’on est sincèrement préoccupé par ce renoncement. L’inconscient qui nous amène à des comportements diamétralement opposés. Le patron s’efforcera à « faire participer l’ouvrier » l’ouvrier à une décision dont il est sûr que c’est la bonne, sans mettre en question le besoin qu’il a que cette décision soit « la bonne ». De là, « d’insondables quiproquos » et des frustrations légitimes : le manager pensera être dans la coopération en faisant l’effort de donner la parole au salarié, le salarié vivra cela comme un épisode de communication, rien de plus. 
  • L’obstacle de la profusion des dispositifs (procédures, processus, modes opératoires) : la prolifération des outils de gestion et des dispositifs de gouvernement en nombre changent la nature même du sens du travail. Comment coopérer lorsqu’une procédure vous dit ce qu’il faut faire, comment il faut le faire et quand il faut le faire ? En effet, comme l’avait bien vu Günther Anders dans son ouvrage « L’obsolescence de l’homme », « un moyen est par définition quelque chose de secondaire par rapport à la libre détermination d’une fin, quelque chose que l’on met en œuvre après coup comme médiation en vue de cette fin. Ces instruments ne sont pas des moyens, mais des décisions prises à l’avance : ces décisions, précisément, qui sont prises avant même qu’on nous offre la possibilité de décider ». Il n’y a pas donc de coopération sans possibilité de décision c’est-à-dire sans questionner la pertinence et l’efficacité de la rivière d’outils et d’instruments qui gouvernement beaucoup de destins au sein des organisations. Il s’agit, par la simplification, d’instruire les conditions de la confiance là où le jugement humain reste nécessaire.

En conclusion, on peut dire dire qu’il est bien plus simple de réduire la participation à la simple redistribution aux salariés d’une partie du bénéfice réalisé par l’entreprise que d’accroître leurs responsabilités concrètes dans le processus de production afin qu’ils se reconnaissent dans ce qu’ils font, gage de santé et de performance durable. Ma conviction est que tant que le lien de subordination existera, la responsabilisation (et donc la coopération) sera toujours totalement tributaire de la personnalité et du courage du dirigeant, c’est-à-dire intimement liée à sa volonté et donc à son bon vouloir. Ce n’est pas l’idéal pour forger les conditions d’une coopération véritable entre égaux pour le bien collectif.

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