Management et leadership en entreprise

Surmonter les résistances au changement

Vaincre les résistances au changement

Petit manuel d’une transformation réussie

Introduction

Dans cet article, je voudrais aborder un élément essentiel à tout projet de transformation, celui de la levée des résistances. Difficile de s’y retrouver dans la grande patouille des résistances opposées par une partie du collectif à un projet pourtant bien préparé en amont, que ce soit en termes de communication ou de formations. Décrivons la scène du crime :

La victime, le projet, avait été bien accueillis lors de sa présentation par le CoDir et les groupes de travail à l’ensemble des collaborateurs. Sans doute, l’enthousiasme de certains masquait-il déjà une interrogation qui ne voulait pas s’exprimer.

Les suspects : les employés, les managers et peut être même (hypothèse de travail) un ou plusieurs membres du CoDir.

L’arme : l'attachement aux habitudes et à la culture d'entreprise

Complice vu sur la scène : le temps logique

Enquêtons donc et suivons la piste…

Vous le savez, le déploiement d'un projet en entreprise est rarement un long fleuve tranquille. Au-delà des obstacles techniques et organisationnels, les résistances symboliques se dressent, insidieuses et tenaces. Elles ne sont pas liées à des problèmes concrets, mais à des perceptions, des valeurs et des émotions ancrées dans la culture d'entreprise.

Comprendre la nature des résistances

Dans tout projet, on suppose que former les employés aux nouveaux outils ou nouvelles procédures, les informer de l’avancée du déploiement, permettra son bon déploiement et l’acceptation de celui-ci. C’est en partie vrai, mais nous ne sommes, en tant qu’être humain, aussi rationnel qu’un process technique !

Car enfin, ce qui nous distingue des machines, c’est notre appareil psychique, lequel offre plusieurs couches de complexités qu’il nous faudra surmonter pour accepter et mettre en œuvre tout changement.

Résistance au changement 

Rassurons-nous, le changement est le propre de l’homme. Pour s’en convaincre, il suffit de constater sa remarquable adaptation à tous les milieux de notre planète depuis sa sortie de la Corne d’Afrique (-200/300 000 ans).

Pour autant, si nous voulons réduire le temps pour son acceptation, nous devons avant tout prendre conscience que nos résistances s’inscrivent dans trois registres.

Du registre du REEL : c’est-à-dire de l’expression de nos besoins fondamentaux qui freinent notre acceptation du projet : par exemple le bon matériel, une formation au nouveau produit ou service, des bureaux adaptés, une augmentation de salaire, voir une adaptation des conditions de travail.

Ce sont des résistances objectives et mesurables :

  • Par exemple, des retards dans l'exécution des tâches.
  • Une baisse de la productivité.
  • Un absentéisme accru.
  • Une augmentation des erreurs et des malfaçons.
  • Un refus de suivre les nouvelles procédures.
  • Du sabotage de matériel ou de logiciel.
  • Des grèves ou arrêts de travail.
  • Des démissions.
  • Un manque de participation aux formations ou aux réunions.
  • Un non-respect des délais.

Elles ont pour cause, sans que la liste soit limitative :

  • Le manque de compétences ou de ressources.
  • La charge de travail excessive.
  • Les conditions de travail dégradées.
  • Les craintes pour la sécurité de l'emploi.
  • Les problèmes techniques ou organisationnels.

Du registre del’IMAGINAIRE : c’est-à-dire les demandes psycho-sociales, comme par exemple la remise en question de la position sociale, le regard des autres, la relation au pouvoir, l’image… et dont les expressions vont de la frustration aux risques psycho-sociaux

Ce sont des résistances liées aux perceptions et aux émotions :

  • Des rumeurs et de la désinformation.
  • Des craintes et une anxiété face à l'inconnu.
  • Un sentiment de perte de contrôle.
  • Une méfiance envers la direction.
  • Une démotivation et un désengagement.
  • Une résignation ou une apathie.
  • Un sentiment d'injustice ou de discrimination.
  • Un attachement excessif aux habitudes et aux routines.
  • Une difficulté à se projeter dans le futur.
  • Un déni de la nécessité du changement.

Elles ont pour cause :

  • Un manque de communication transparente.
  • Une peur de l'échec ou du jugement.
  • Un sentiment d'être ignoré ou dévalorisé.
  • Des expériences passées négatives.
  • Des préjugés et des stéréotypes.

Ces deux catégories de résistances sont relativement faciles à traiter et à lever. Elles relèvent le plus souvent des outils et de la formation d’une part (le REEL), de la négociation, de la psychologie et de la dédramatisation d’autre part (l’IMAGINAIRE).

Du registre duSYMBOLIQUE, c’est-à-dire du besoin d’appartenance que permet la culture. Le changement remet en question les représentations, les croyances et le sens, et le tout de manière inconsciente. La difficulté est d’autant plus importante à prendre en compte puisque ce registre agit sur les individus et les collectifs de manière inconsciente, à leur insu. L’impact du changement sur ce registre peut remettre en question le sentiment d’appartenance et la cohésion sociale dans l’entreprise.

Les repères culturels qui avant le changement organisaient la bonne place des individus, mais aussi leur reconnaissance auprès du groupe sont remis en question, ce qui produit :

  • Le rejet des nouvelles valeurs ou normes.
  • La défense de la culture d'entreprise existante.
  • Un sentiment de trahison ou de rupture avec le passé.
  • Une difficulté à accepter les changements identitaires.
  • Des conflits de valeurs entre les individus ou les groupes.
  • Une résistance aux changements de statut ou de pouvoir.
  • Une difficulté à accepter les nouvelles symboliques (langage, rituels, signes...).
  • Un sentiment de perte d'appartenance.
  • Une remise en question de l'autorité.
  • Un conflit de loyauté.

Elles se produisent lorsqu’un ou plusieurs interdits culturels sont en opposition avec tout ou partie du projet :

  • C’est un choc culturel : une obligation du nouveau projet est en contradiction avec interdit.
  • Une menace sur l'identité professionnelle ou collective.
  • Un sentiment de dévalorisation de son expérience ou de son expertise qui permet de se sentir légitime au sein du groupe.
  • Une difficulté à accepter les changements de hiérarchie ou de pouvoir.
  • Pire, une non-reconnaissance des valeurs et des traditions existantes au sein de l’entreprise.

Il va sans dire, et c’est le fruit de mon expérience en accompagnement du changement, que les plus grandes difficultés apparaissent systématiquement lorsque l’on ignore le registre SYMBOLIQUE. Certes, m’opposerez-vous, encore faut-il pouvoir agir sur cette dimension inconsciente et plus largement sur les fondamentaux de la culture !

Examinons ensemble quelques pistes :

  • Identifiez et mesurez les interdits et les obligations de la culture
  • Avant de démarrer, mettez en place un questionnaire pour mesurer votre culture, au même titre qu’un questionnaire de climat social
  • Cartographiez les interdits et les obligations du collectif et ce vis-à-vis de votre projet
  • N’hésitez pas à valoriser l'histoire et l'identité de l'entreprise
  • Reconnaître le passé : Avant d'introduire de nouveaux symboles ou valeurs, il est crucial de reconnaître et de valoriser l'histoire de l'entreprise, ses réussites passées et les figures emblématiques qui ont contribué à son identité. Cela peut se faire à travers des communications internes, des événements commémoratifs ou l'intégration d'éléments du passé dans la nouvelle vision ou raison d’être.
  • Tisser le lien avec le passé : Montrer comment le nouveau projet s'inscrit dans la continuité de l'histoire de l'entreprise, en s'appuyant sur ses forces et ses valeurs fondamentales. Souligner les éléments de cohérence entre l'ancien et le nouveau.
  • Impliquer les "anciens" : Les collaborateurs de longue date sont souvent les gardiens de la culture d'entreprise. Les impliquer dans le processus de changement, solliciter leur avis et reconnaître leur expérience peut aider à légitimer le nouveau projet et à rassurer les autres.
  • Co-construirez le nouveau projet
  • Impliquer les employés dans sa définition : organisez des ateliers, des groupes de discussion ou des sondages pour recueillir les contributions de tous. Cela permet de créer un sentiment d'appropriation et de légitimité.
  • Raconter une nouvelle version du mythe (fondateur) ou de votre histoire : Construisez un récit commun autour du nouveau projet, en intégrant ses bénéfices pour l'ensemble de l'entreprise pour créer un sentiment d'appartenance à cette nouvelle aventure.
  • Identifier et valoriser des ambassadeurs du nouveau projet afin qu’ils aident à le promouvoir auprès de leurs collègues.
  • Communiquez en donnant du sens au projet
  • Donner du sens en mettant l'accent sur les valeurs et la raison d’être ou la vocation.
  • Créer des rituels : organiser des événements marquants (lancements, célébrations de succès, etc.) qui incarnent les nouvelles valeurs et renforcent le sentiment d'appartenance.
  • Utiliser des supports visuels et narratifs : Les logos, les slogans, les témoignages, les vidéos peuvent véhiculer des messages symboliques plus efficacement que de simples notes de service.
  • L’exemplarité : Les dirigeants doivent incarner les nouvelles valeurs et les nouveaux symboles dans leurs comportements et leurs décisions au quotidien. Leur adhésion visible est essentielle pour entraîner les autres.
  • Gérer le temps et le deuil de l’ancien :
  • Reconnaître le deuil de l'ancien : Le changement implique souvent la perte d'habitudes, de relations ou de statuts. Il est important de reconnaître ce sentiment de perte et de permettre aux employés d'exprimer leur nostalgie.
  • Offrir des espaces de dialogue et de soutien : Créer des forums de discussion, des séances de coaching ou des groupes de soutien pour aider les employés à surmonter leurs appréhensions et à s'adapter aux nouvelles réalités.
  • Célébrer les étapes de transition : Marquer les étapes importantes du projet pour souligner les progrès réalisés et renforcer le sentiment d'avancement vers une nouvelle identité collective.
  • Sachez être patient et persévérant :
  • Le changement symbolique prend du temps : Les valeurs et les identités ne se transforment pas du jour au lendemain. Il est essentiel d'adopter une approche à long terme et de faire preuve de patience.
  • Être à l'écoute des signaux faibles : Surveiller attentivement les réactions des employés, les non-dits et les résistances subtiles pour ajuster l'approche si nécessaire.
  • Maintenir une communication continue : Renforcer régulièrement les messages clés, les nouvelles valeurs et les nouveaux symboles à travers différents canaux de communication.

En adoptant ces bonnes pratiques de la transformation, les entreprises peuvent aborder les résistances symboliques de manière efficace, en favorisant l'adhésion au changement par une intégration respectueuse des identités et des cultures en présence. Le succès réside dans la capacité à créer un nouveau récit collectif où chacun se sent reconnu et valorisé.

J’irais plus loin dans l’explication des points 5 et 6 dans le prochain article.

En résumé

Les résistances au déploiement d'un projet en entreprise ne sont pas monolithiques. Elles se manifestent selon trois registres distincts souvent imbriqués :

Le registre du réel : Il s'agit des oppositions concrètes et mesurables, ancrées dans des préoccupations pratiques. Elles se traduisent par des actions visibles comme des retards, une baisse de productivité, des problèmes techniques ou un refus d'appliquer de nouvelles procédures. Les causes sont souvent liées à un manque de ressources, des conditions de travail difficiles ou des craintes objectives pour l'emploi.

Le registre de l'imaginaire : Ce niveau concerne les appréhensions subjectives et les émotions suscitées par le changement. Il se manifeste par des rumeurs, de l'anxiété face à l'inconnu, un sentiment de perte de contrôle, de la méfiance ou un manque de motivation. Les causes résident souvent dans un manque de communication, la peur de l'échec ou un sentiment d'être dévalorisé.

Le registre du symbolique : Plus profond, ce registre touche aux valeurs, aux croyances et à l'identité collective de l'entreprise et de ses membres. Il se manifeste par un rejet des nouvelles valeurs, une défense de la culture existante, un sentiment de trahison ou une difficulté à accepter de nouveaux symboles ou statuts. Les causes sont liées à un choc culturel, une menace perçue sur l'identité professionnelle ou un sentiment de non-reconnaissance du passé.

Comprendre ces trois registres et leurs manifestations spécifiques est crucial pour identifier les leviers d'action adaptés et accompagner efficacement le changement en entreprise. Ignorer l'une de ces dimensions peut compromettre le succès du projet, malgré des solutions techniques ou organisationnelles bien conçues.

… mais, ce n’est pas tout. Ce serait trop simple !

En effet, l’appareil psychique possède son propre temps… celui de l’imprégnation.

Dans l’article du mois prochain, j’aborderai deux notions fondamentales : le temps logique, qui n’est pas notre temps chronologique ni celui du projet et les mécanismes du « deuil symbolique » nécessaire à notre appareil psychique pour accepter et intégrer le changement !

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