RSE et bien-être au travail

Il est urgent de sortir du syndrome des 5C...

Management intelligent

Les 5 C : C’est Con, mais C’est Comme Ça

Il y a quelques mois, j’ai eu le privilège d’intervenir auprès d’une centaine de cadres d’un grand groupe français. Fraîchement revenu au pays après avoir passé 23 années à Montréal, j’ai été surpris de constater à quel point l’atmosphère de la salle était tendue...

Bien que l’intention même de cette journée ait eu pour objectif l’installation de nouveaux codes managériaux, tels que la bienveillance et la confiance, la haute direction me recevait sur la pointe des fesses, prête à se lever d’un seul homme si je dépassais le cadre rigide qui m’était imposé : « Attention, on ne veut pas du bisounours ! ».

Pour résumer : ils ne me paraissaient pas plus ouverts qu’un dictateur devant un traité de paix, ou qu’un bocal de langue de bœuf devant l’assiette d’un végane convaincu.

D’ailleurs, l’organisateur de l’événement s’affirmait la veille sur LinkedIn par un discours acide à l’égard des coachs et autres « gourous du mieux-être », qui selon lui, « fissurent les âmes et moulifient les esprits, pour mieux s’enrichir des malheurs qu’ils proposent d’atténuer ». La table était mise, accueillante et fleurie. 

Mais je ne me dégonfle pas, attaquant le sujet par cette introduction que je reprends souvent dans mes ateliers et conférences : « Au cours de votre carrière, vous, comme moi, allons-nous lever plus de 10 000 fois pour nous rendre au bureau. Une grande majorité d’entre nous s’y rendra la peur au ventre parce qu’elle porte en elle les pesantes séquelles d’un traumatisme professionnel : une humiliation publique, une parole irrespectueuse, une brimade récurrente, un regard désapprobateur, une iniquité flagrante, un geste déplacé, un racisme voilé, une insidieuse pression, pire, une mise au placard placidement niée ».

J’interroge alors leur ventre, épicentre de leur éventuelle détresse, en les invitant à lever la main pour m’indiquer s’ils se sentent concernés par l’une de ces brimades, ce qu’ils font, à l’unisson, d’un signe discret, comme pour se délivrer d’un honteux secret qu’ils croyaient être les seuls à connaître. La glace se fissure sous le poids des maux. 90% des participants, à l’exception de la haute direction, bien évidemment, admettent souffrir du bide de façon quotidienne…

Je leur propose alors de réfléchir à la question suivante : « Une grande partie d’entre vous ne serait-elle pas responsable du traumatisme d’un autre ? »

Bien que cette fois-ci je ne les invite pas à me confirmer cette hypothèse, deux mains se lèvent, courageuses, suivies de trois autres, fébriles, puis de 26, confessionnelles… Si les autres mains ne cèdent pas à l'impudeur du moment, je vois que certains regards sont bas... La messe est dite.

Je prends alors un moment pour que raisonne ce silence, prétextant vouloir me désaltérer… S’attendant sans doute à être absous d’un jet d’eau sacrée de ma bouteille de Perrier citron, les cadres me sourient d’un air faussement coupable, mais non responsable, convaincus qu’au fond, rien n’est anormal, puisque le mal semble légion.

Après le bide, je change d’organe, et me dirige vers le cœur par cette question un poil culpabilisante, je l’admets : « Un traumatisme individuel le reste-t-il vraiment ? »

Les regards interrogateurs m’invitent à préciser ma pensée : « Aussi petit soit-il, un trauma reste-t-il vraiment au bureau ? N’aurait-il pas l’insidieux pouvoir de traumatiser une famille ? »

Car oui, je l’affirme, les traumas s’invitent dans les familles, intoxiquent l’atmosphère, assombrissent des nuits, éteignent des cœurs et peuvent même parfois activer des dépendances… En résumé : un trauma est contagieux. Il se propage dans les couloirs, dans les bureaux voisins, dans le métro, dans la rue, sous les toits, pour parfois même, se glisser sous la couette… Je sais que vous le savez. Et pourtant, la violence en entreprise existe encore…

Cette introduction n’épargne personne, surtout pas moi. J’ai été ce directeur général patriarcal, acide et anxiogène…

Bonne nouvelle (enfin, me direz-vous !). Ce constat invite à l’optimisme. Parce que si un cadre a le pouvoir de nuire, il a aussi le pouvoir, et la délicieuse responsabilité, d’améliorer la qualité de vie, d’un collaborateur, d’une entreprise, d’une rame de métro ou d’une famille…

Lors de mes conférences, je ne manque pas une occasion de partager cette idée parce qu’elle met en lumière les papillonnesques effets d’une culture d’entreprise saine et sécurisante.

En cette veille de la semaine de la santé et de la sécurité au travail, j’invite les entreprises à fier-tiliser celles et ceux qui veulent faire mieux, plutôt que de chercher à asséner les bonnes règles… Arrêter le pire, ou éteindre la médiocrité n’a rien d’agréable. Je crois qu’il est plus puissant de chercher à reconnaître le meilleur dans une pleine vulnérabilité, donc, avec cœur, authenticité et spontanéité…

Ceci posé, je reconnais que changer une culture défaillante n’est pas si simple, parce qu’il ne suffit pas d’affirmer que l’on s’aime, ou que l’on se fait désormais confiance, pour réussir une transformation. Un syndrome post-traumatique collectif ne s’éteint pas d’un coup de baguette magique.

C’est un processus conscient qui s’établit autour d’une approche séquentielle que je recommande et applique depuis longtemps :

1. Créer le cadre qui permettra de pardonner l’indicible sans mettre à risque l’entreprise de se piéger dans un processus nominatif anxiogène. L’opération réside en un simple apprentissage : celui de la vulnérabilité, oui, je parle bien d’elle, et j’en démontre la puissance lors de mes conférences. Attention quand même, il y a des linges sales qui ne se lavent pas en famille… Faites appel à des ressources externes pour les taches tenaces…

2. Impliquer toutes les strates de l’organisation afin d’établir un nouveau contrat de confiance qui fier-tilisera l’entreprise et ceux qui la font vivre. Ce contrat tient en une simple phrase : « À partir d’aujourd’hui, nous prenons la décision de tout faire pour ne pas nous faire mal ».

3. Injecter ce contrat dans l’expression d’une nouvelle raison d’être d’employeur afin d’en sceller l’importance. L’exercice réside ici dans l’expression d’un manifeste de marque employeur ou d’une déclaration d’employeur (la nuance est importante, on s’en reparle à l’occasion ?)

4. Mettre en place, équipe par équipe, des leaders-bien-veilleurs enrichis de soft-skills-qui-font-du-bien. Formés, ils seront les gardiens de la démarche et s’assureront que les dérives s’estompent pour toujours... Pensez à légitimer leur titre et donnez-leur de vrais pouvoirs. Bien équipés et encadrés, ils sauront quoi en faire…

5. Faire de cette sécurité retrouvée le 1er levier de fiert-ilisation de la démarche… Oui, j’aime ce mot inventé et inspiré au cours de mes mandats sur le sol canadien, parce qu’il exprime l’effet vertueux recherché, mais surtout, et je peux aujourd’hui le démontrer : la fierté individuelle et/ou collective est le 1er levier d’attraction et de rétention d’une marque employeur, donc, le 1er levier de croissance d’une organisation !

Pour conclure… après 25 ans de métier, je crois, comme jamais, à la Tendresse Managériale ™ pour améliorer la santé et la sécurité au travail des collaborateurs, donc, de leurs familles…

Alors oui, il est urgent de sortir du syndrome des 5C…

Le syndrome des 5C… C’est Con, mais C’est Comme Ça… Depuis quelques années, il hante les couloirs des ressources humaines.

La fleur au fusil, les équipes se démènent pour désintoxiquer les entreprises défaillantes tout en s’arrogeant, comble du système, le droit d’affirmer combien leur RSE est exemplaire… C’est d’ailleurs souvent le cas… à un hic prêt : nettoyer les plages et recycler ses cartouches d’encre, c’est bien… Mais, commençons par aider les collaborateurs à retrouver l’appétit d’agir et de collaborer dans la sécurité. Remarquez bien que je ne parle pas de retrouver une motivation (cérébrale et instable), mais bien d’appétit, celui qui grésille matin, midi et soir…

PS Je vous épargne les derniers chiffres sur la santé globale en entreprise… Vous les connaissez comme moi…

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