Performance et évolution

Le DRH, le deal et les soft skills !

Deal

« La négociation et la discussion sont les meilleures armes dont nous disposons pour promouvoir la paix et le développement » Mandela.[1]

L’histoire se déroule il y a un peu plus de 55 ans. Les très jeunes mariés, sont attablés dans le rustique restaurant d’un très joli village de Normandie. Leur conversation porte sur la vie quotidienne du couple, leur vie future. La controverse traite du style de relations à établir entre eux « Qui doit décider, qui doit céder ». Deux opinions débattent pour la sentence finale, est-ce le fruit d’un accord moitié-moitié ou bien d’un accord remporté par l’un des deux ? C’est alors que le jeune marié prit la salière et le poivrier. Il les fit danser sur la table en disant : «La prise de décision offre trois possibilités : soit la salière et le poivrier se rejoignent au centre de la table, soit les deux se placent devant toi, soit devant moi ». Il conclut en ces termes « Le plus important c’est que l’ensemble des décisions entre toi et moi s’équilibre dans le temps ». Il y a plus de 55 ans que cette conversation a eu lieu. À ce jour je n’arrive pas à me souvenir d’une seule dispute entre nous. Certes il y a eu des différences de point de vue, elles ont toujours été traitées sur le principe de la salière et du poivrier. Même si je n’étais pas d’accord pour le petit chien, mais cela est une autre histoire.

Cette forme de négociation est désignée par un anglicisme « le deal », elle n’est pas exclusive à l’organisation de la vie d’un couple. Le deal désigne un marché au sens de la transaction, un arrangement entre deux parties. Un des plus célèbres a été négocié par Roosevelt[2] : le New Deal[3] à partir de 1933 sous la forme d’un contrat social entre le gouvernement fédéral et le peuple américain. Le deal était d’une part que le gouvernement instaure des réformes économiques et sociales et d’autre part que le peuple représenté par les travailleurs, les agriculteurs et les entreprises, bénéficie des mesures à travers des aides, des créations d’emplois et des régulations économiques. Les objectifs du New Deal étaient de lutter contre les effets de la Grande Dépression de 1929 par la relance des activités sous toutes leurs formes. Le New Deal a restauré la confiance du peuple en l'État au prix d’un effort mutuel pour le gouvernement un changement de doctrine et pour le peuple l’acceptation de l’intervention de l’état sur leur vie.

Ces deux exemples démontrent la vertu du deal par l’acceptation de l’effort mutuel.

Le DRH, le deal et les soft skills ! oui, mais quoi ?

Le deal, mot générique, désigne toutes les sortes d’obtention d’accords possibles. Il s’applique dans les organisations en général et dans les entreprises en particulier. Pour comprendre de quoi le deal est fait, il est nécessaire de procéder à l’analyse systémique de sa composition.

Le deal est semblable au béton armé matériau composite alliant le ciment, le sable et l’eau pour résister à la compression et l’acier pour combattre la traction. Le deal est une activité composite de la relation client pour résister à la traction, la compression par l’obtenance. Le béton armé et le deal partagent la même logique de complémentarité et de renforcement mutuel, visant à créer une entité plus performante que la somme de ses parties. Les deux présentent le point commun de la solidité, qu’elle soit matérielle pour le béton armé, ou relationnelle pour le deal.

Le DRH, le deal et les soft skills ! oui, mais comment ?

Le deal se maitrise par la capacité à mobiliser plusieurs concepts pour en faire une création composite harmonieuse et efficiente :

Client : Ce terme vient du latin cliens, qui désignait une personne sous la protection d’un patron dans la Rome antique évoluant vers une relation commerciale ou technologique. Un client est celui dont on cherche l’accord sur une proposition. La méthode repose sur l'analyse des besoins, la gestion de la relation et l'évaluation de la satisfaction.

Fournisseur : Ce terme vient du latin furnire, signifiant « équiper » ou « approvisionner ». Il a évolué dans le temps pour désigner une entité fournissant des biens, des services ou des idées. Il est essentiel aux échanges économiques, il implique souvent un cadre contractuel. La méthode repose sur la création de relations de confiance et l’application des règles de négociation, de vente et de compromis.

Relation interne et externe : Ce terme client-fournisseur externe est bien ancré dans la culture commerciale des organisations, tandis que la relation interne existe mais reste souvent implicite. L’ISO 9000, introduite dans les années 1990, a renforcé cette notion en structurant les échanges internes. La culture commerciale des organisations joue un rôle clé pour intégrer cette démarche grâce aux méthodes d’obtenance et de négociation dans les relations internes.

Marchande : Ces termes marchande (échange économique), non marchande (consensus d'idées) ou mixte (combinaison des deux), visent à aligner les intérêts et créer de la valeur. Ils reposent sur l’identification des acteurs, la compréhension de leurs motivations et l’analyse de l’objet négocié permettant d’adapter les stratégies pour un accord optimal.

Obtenance et deal : Ces termes désignent l'aboutissement à un accord entre acteurs sur un sujet donné. Obtenance, dérive du verbe obtenir, exprimant une action ou un état, tandis que deal vient du vieil anglais dæl, signifiant une transaction ou un arrangement. La méthode apporte la preuve que la demande répond aux attentes, que l’effort est acceptable et que le moment est propice à un accord.

Méthode : Ce terme désigne un processus structuré en quatre étapes : 1) établir une relation adaptée entre les acteurs et valider les informations essentielles, 2) définir le type de négociation (marchande, non marchande ou mixte), 3) construire l’accord en convainquant et gérant les situations, 4) réguler le processus en surveillant les écarts pour assurer un résultat équilibré et satisfaisant. Cette méthode vise l’efficience de la communication et de la prise de décision.

Les exemples de deal marchand et non marchand sont aussi nombreux que variés avec :

  • Les fournisseurs : ajustement des prix, des délais de paiement, des volumes d’achat ou des conditions de livraison.
  • Les clients : fixation des tarifs, conditions de vente, remises ou offres promotionnelles.
  • Les investisseurs : recherche de financements, définition des conditions d’investissement ou négociation des parts de l’entreprise.
  • Les partenaires : collaboration avec d’autres entreprises pour optimiser la chaîne de valeur ou accéder à de nouveaux marchés.
  • Les interlocuteurs sociaux : discussions avec les syndicats et les employés sur les conditions de travail, les salaires ou la gestion des conflits.
  • Les collaborateurs : arbitrage entre différents services pour la répartition des ressources ou la priorisation des projets.
  • Les autorités : obtention d’autorisations, respect des réglementations ou lobbying pour influencer des décisions politiques.
  • L’ensemble du système : gestion de la communication de crise ou des relations publiques pour protéger l’image de l’entreprise.

Ce dispositif s’applique dans toutes les fonctions des organisations du Président au stagiaire.

Pour aboutir à nos fins empruntons au Bureau Enquête Analyse[4] sa méthode d’investigation et de recommandations appliqué à l’Obtenance (VOCATOP).

Phase 1 : Identifier, préserver, renseigner les paramètres suivants :

  • V comme VALEURS d’usage, de responsabilité et de conviction, Identifier les principes
  • O comme OBJET de l’accord marchand, non marchand ou mixte, pour le définir clairement.
  • A comme ACTEURS celui qui demande et celui qui accorde pour identifier les parties prenantes et leur positionnement.
  • T comme TERRITOIRES à respecter pour veiller au respect des zones d’influence et des champs d’action.

Phase 2 : Examens et recherches sur les paramètres suivants :

  • C comme COMPRENDRE et faire comprendre, collecter des informations et analyser l’ensemble des paramètres de la situation et des acteurs pour comprendre et se faire comprendre
  • O comme OPPORTUNITES pour Identifier les leviers favorables et les ouvertures possibles et mettre en œuvre l’intelligence situationnelle
  • P comme PAIEMENT économique et psychologique. Évaluer les coûts et bénéfices, le niveau de solvabilité des acteurs tant économique. que psychologique.

Phase 3 : Analyses et conclusions

Synthétiser les résultats en intégrant les 7 paramètres de VOCATOP pour structurer une recommandation cohérente et efficace. Vérifier que l’accord envisagé respecte les principes d’obtenance et qu’il est faisable en fonction des valeurs, du territoire et de l’effort requis. En combinant ces approches, on renforce la rigueur méthodologique tout en intégrant une dimension stratégique comportementale pour l’action présente et les cas futurs cas de deal.

La limite du dealet de l’obtenance s’illustre par la résistance à la modification socioculturelle de celui qui donne l’accord, le client. L’exemple aussi significatif que probant est celui de Kodak « Quand j’ai présenté l’appareil photo numérique, la réaction a été : C’est mignon, mais ne le dites à personne. » Ce propos illustre l’échec personnel du deal entre Sansson[5] et sa direction générale. Il a été impossible pour Kodak de changer de système de valeur, admettre que l’argentique n’était plus le seul support de saisie de l’image. Le cocktail d’inhibition intellectuel, affectif, psychologique maximalisé par le déni des dirigeants a conduit l’entreprise fondée par le génie d’Eastman[6] du monopole à sa disparition.

Cette histoire est fascinante. La vie nous conduit à utiliser une série de deals, qu’il s’agisse de compromis dans nos relations, de choix professionnels, de décisions quotidiennes. C’est le prix à payer pour traiter les interactions sociales qui nous pousse à « dealer » constamment, consciemment ou non.

Les facteurs limitants la réussite d’un deal ou de l’obtenance sont d’ordre socioculturels. Pour illustrer ce phénomène il suffit de façon caricaturale de considérer les valeurs fondamentales des acteurs :

  • Communication explicite vs implicite : Certaines cultures privilégient une approche explicite directe (anglosaxonne) tandis que d'autres préfèrent une communication implicite basée sur la patience (orient).
  • Relation vs transaction : L'Amérique Latine et le Moyen-Orient valorisent les relations personnelles utilisant la négociation comme un art social, alors que dans les pays scandinaves, l’efficacité, le pragmatisme et les faits priment.
  • Hiérarchie vs statut : Dans les pays latin la structure sociale, le respect de la hiérarchie, du rang est central, alors que dans les cultures plus égalitaires comme chez les anglosaxons le statut fonctionnel permet la participation et l’expression centrée sur le sujet de l’accord.
  • Perception du temps vs immédiateté : Prendre son temps en Afrique ou au Moyen-Orient est essentiel, dans les cultures occidentales les négociations rapides sont privilégiées.
  • Prise de risque vs prudence : Les pays jeunes, notamment anglosaxon adoptent une approche flexible et audacieuse, tandis que les pays de culture ancestrales favorisent la prudence et la stabilité.

La connaissance et la pratique du système de valeurs socioculturels de celui qui donne l’accord participe à la réussite du deal, de l’obtenance.

Conclusion

« Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi se négocie. Si tu négocies avec moi ce dont tu as besoin et je t’expliquerai comment t’en passer ! » Régime totalitaire[7].

A l’instar du béton armé, qui permet de faire de simples poutres et le viaduc de Millau[8], le deal, l’obtenance permet par la mobilisation de l’ensemble des notions caractérisant la relation client-fournisseur construit une structure cohérente pour traiter les relations économiques et sociales entre les acteurs. Le client et le fournisseur interagissent dans des dynamiques internes et externes, influencés par des principes du deal et de l’obtenance. La distinction entre marchand, non marchand et mixte permet d’adapter les stratégies en fonction des objectifs poursuivis. En intégrant ces éléments, les organisations peuvent optimiser leurs échanges, renforcer la confiance et garantir des accords équilibrés et pérennes.

Ainsi le deal, l’obtenance suffisent pour relancer l’économie d’un pays en souffrance codifiés par quelques décrets ou pour définir les relations durant la vie d’un couple matérialisées par une salière et un poivrier.
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[1] Nelson Rolihlahla Mandela, dit Madiba, 1918 – 2013, homme politique d’’Afrique du Sud.

[2] Franklin Delano Roosevelt, 1882 – 1945, homme d’état américain.

[3]https://fr.wikipedia.org/wiki/New_Deal

[4]Le déroulement - BEA - Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la sécurité de l'aviation civile

[5] Steven John Sasson, 1950 - , ingénieur américain, inventeur de l’appareil photographique numérique chez Kodak en 1975

[6] George Eastman, 1854 – 1932, industriel américain.

[7] Au choix.

[8] Le Viaduc de Millau, Aveyron, pont à haubans de 2 460m de long, 343m de haut, 270m au-dessus du Tarn.

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