En 2030, la gestion des salariés sera-t-elle encore humaine ?

Au regard de l’histoire récente, la prudence est nécessaire lorsque l’on dessine ce que pourrait être le futur du travail. En effet, les bouleversements imaginés pendant la crise sanitaire dans notre rapport au temps, à la nature ou à l’ordre de nos priorités n’ont pas eu lieu. Partout annoncée, la grande démission des salariés pour des projets alternatifs ne s’est, par exemple, pas produite. Sa crainte a cependant permis de voir s’améliorer certaines conditions d’emploi et l’expérience collaborateur proposée par les employeurs.
C’est la preuve que le monde du travail est fortement résilient. D’une certaine manière, c’est une victoire des sociologues sur les psychologues : les tendances lourdes sont plus fortes que les aspirations soudaines.
Dans ce contexte, à quoi ressemblera la gestion des femmes et des hommes en entreprise d’ici 5 ans ? Aujourd’hui, l’intelligence artificielle occupe l’essentiel de la prospective en management, et cela est légitime tant ses impacts sont majeurs sur le contenu et la quantité de travail. Mais ils occultent quatre transformations tout autant structurantes.
L’équité de traitement sera décisive
En multipliant, depuis 15 ans, les dispositifs spécifiques de rémunération, de fidélisation ou de formation pour des catégories ciblées de salariés (les « talents », les jeunes « GenZ », les seniors, etc.) les collectifs de travail ont perdu en cohérence et en solidarité. C’est l’une des raisons du désengagement croissant des collaborateurs. Finalement, est-ce que l’entreprise propose toujours un projet commun mobilisateur quand elle segmente autant son corps social en petits bouts ? Plus largement, l’entreprise est-elle pérenne quand elle propose plusieurs modalités de traitement social et des expériences radicalement différentes entre des salariés qui ont pourtant le même contrat de travail ?
La culture d’entreprise se positionnera au centre des enjeux
En lien avec le point précédent, la légitimité d’une organisation reposera donc sur sa capacité à définir une raison d’être sincère, cohérente et réellement mise en œuvre au quotidien. Il ne s’agit plus seulement d’afficher des engagements sociétaux, mais d’aligner activement stratégie, culture et pratiques RH autour de finalités assumées. La DRH a un rôle décisif à jouer dans cette dynamique, tant dans la formalisation que dans l’incarnation.
Le contrat social deviendra la base de l’attractivité des entreprises
Ce contrat social s’articule autour de deux moteurs : le sens (engagement affectif) et l’équité perçue (engagement rationnel). L’entreprise performante de 2030 sera celle qui saura jouer sur ces deux registres. Avec une transparence toujours croissante sur ce qui se passe dans l’entreprise. Notamment via les réseaux comme LinkedIn ou Glassdoor, et les nouvelles exigences légales à déployer comme le « Pay Transparency Act » qui oblige une communication inédite sur les salaires pour 2026. Ainsi, la promesse employeur sera plus que jamais au centre des attentions.
Les DRH déploieront un nouveau modèle relationnel
Autonomie, responsabilité, confiance, coopération et intelligence collective sont les piliers du modèle relationnel à venir. Il ne s’agit plus de piloter par la conformité, mais de libérer les énergies, stimuler le « discernement » local, booster l’intelligence des situations et encourager les initiatives terrain. Ce sont ces éléments qui permettent de proposer aux clients finaux une satisfaction réelle et d’augmenter les marges opérationnelles. La DRH deviendrait alors architecte de dispositifs favorisant la subsidiarité et la co-construction. Ce rôle serait clairement nouveau.
En 2030, une forte hétérogénéité se développera dans l’approche des RH. Certaines entreprises conserveront leur modèle taylorien, en raison de leur incapacité à se réinventer ou parce que leur environnement ne le requiert pas. D’autres disposeront de politiques RH d’excellence, parce que positionnées sur des activités davantage intensives en travail qu’en capital, centrées sur la qualité de la relation aux clients ou encore concurrencées dans l’accès à des ressources humaines qualifiées et rares.
______________________________________________________________
Se procurer le livre : https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/rh-en-2030