Culture d'entreprise

Faire émerger des leaders : le rôle décisif des RH

Former des leaders

J'ai parfois des retours de responsables RH qui ressemblent à Sisyphe. Toujours à pousser de l’épaule un laborieux rocher : gérer les conflits, traiter l’absentéisme, aplanir les tensions... À peine le rocher du jour repoussé, un autre roule déjà vers eux. Et pourtant, comme l’écrivait Camus : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ». Et je peux les imaginer heureux, ces DRH, car derrière les entretiens, les plans de carrière, les incendies étouffés, derrière la routine qui a sa part ingrate ... ils s’inscrivent dans une vision mobilisatrice : faire grandir les individus pour transformer l’organisation. Mais pourquoi ce bonheur reste-t-il si fragile ?

Peut-être parce qu’un déficit de leadership pèse toujours sur les RH. Avoir des managers compétents pour piloter les process ne suffit pas : encore faut-il que certains incarnent un rôle plus large : celui de leader. Donner du sens, créer la confiance en l’avenir, fédérer, inspirer la loyauté. Là où le manager administre et contrôle, le leader ouvre des perspectives, aligne les énergies et donne envie de monter dans le bateau. Quand les leaders manquent, ce sont les RH qui ramassent les morceaux. Et dans un monde où l’incertitude est devenue la norme, les entreprises n’ont pas seulement besoin de bons gestionnaires : elles ont besoin de figures capables de rassembler et d’entraîner malgré le brouillard.

C’est là que les RH ont une carte maîtresse à jouer. Non pas en se limitant à créer un climat favorable, mais en prenant un rôle actif : former, accompagner, développer. Ce sont eux qui conçoivent les parcours qui transforment des managers compétents en leaders inspirants. En d’autres termes, les RH ne sont pas spectateurs du leadership : ils en sont les artisans.

Repenser la détection des leaders

Dans trop d’entreprises "leader = premier de la classe". Celui qui semble cocher toutes les cases : objectifs atteints, expertise technique, sang-froid en crise. Et qu’on promeut mécaniquement. Mais le leadership ne se lit pas qu'à travers ce style de tableau de bord. Il s’exprime ailleurs : dans la manière d’apaiser une équipe après une réunion tendue. Dans la capacité à motiver sans ordonner. Dans l’art de montrer la voie sans jamais l’imposer. Dans l'écoute authentique doublée de la capacité de trancher.

C’est précisément là que les RH doivent intervenir. Repérer les forces de caractère en devenir, élargir l’évaluation aux dynamiques d’équipe, intégrer l’intelligence émotionnelle, donner la parole aux pairs. Ce travail qualitatif révèle des profils inattendus : des collaborateurs discrets mais déjà influents, porteurs de cohésion, d’engagement ou d’innovation. Les RH, alors, ne se contentent plus de mesurer : ils font émerger. Ils donnent de la visibilité aux talents cachés et transforment un potentiel discret en ressource stratégique pour l’organisation.

Les compétences qui font la différence

Créer du sens et orienter l’action

Le sens ne se découvre pas, il se construit. Orientation d’abord : un cap qui évite la dispersion. Signification ensuite : qu’est-ce que ce travail dit de nous ? Pourquoi faisons-nous cela ? En quoi est-ce utile ? Le leader relie l’effort quotidien à une finalité plus grande et aux valeurs de chacun. Il transforme le travail en récit partagé. Et c’est ce récit qui mobilise. Les RH peuvent soutenir cette dynamique en formant les managers à la communication narrative et au partage de vision.

Instaurer la confiance et la sécurité psychologique

La sécurité psychologique n’est pas le confort émotionnel garanti ni la non-contrariété permanente. C'est au contraire un vrai danger pour l'entreprise, ce silence aseptisé des pantoufles, qui étouffe la créativité, ne fait pas remonter d'info et empêche le frottement des idées.
Une culture de la confiance se construit dans les micro-gestes : clarifier ses intentions, tenir ses engagements, protéger ceux qui alertent, accueillir la contradiction, reconnaître ses limites.
Les RH peuvent l’ancrer en formant à l’écoute active, en instaurant des rituels de feedback, en évaluant aussi la qualité du climat d’équipe et de la communication.

Assumer ses responsabilités, même dans l’incertitude

Quand les repères s’effondrent, les caractères se révèlent à la lumière crue. Assumer, c’est décider quand personne n’ose, accepter l’incertitude et le risque. C’est refuser de se réfugier derrière l’attentisme et reconnaître ses erreurs sans se dérober. Un leader crédible n’est pas celui qui ne faillit jamais, mais celui qui affronte ses décisions et en assume les conséquences avec son équipe, à l'intérieur d'elle. Assumer, c’est moins porter seul le poids des choix que montrer l’exemple : avancer sans détourner les yeux de la réalité, ni le cœur de ceux qui la vivent. Quel rôle pour les RH ? Ils peuvent encourager cette posture en légitimant le droit à l’erreur, en valorisant les leaders qui endossent publiquement leurs choix plutôt que ceux qui esquivent, et former au courage managérial.

Accompagner le développement des collaborateurs et Faire émerger les leaders de demain

Un bon leader se mesure aussi à sa capacité à rendre son équipe plus forte demain. Il donne des responsabilités, des marges de manœuvre, nourrit le sentiment de compétence et de fierté. Sa réussite n’est pas d’être indispensable, mais de préparer ceux qui pourront prendre le relais.

Le vrai leadership ne se vit pas dans un fan-club. Un leader sûr de lui partage le pouvoir, accepte que certains fassent différemment, parfois mieux, et transmet son expérience, son savoir-faire et surtout sa confiance. Il n’écrit pas sa propre légende : il construit la pérennité de l’organisation.

Les RH, eux, peuvent co-créer les parcours et les terrains d’expérimentation qui rendent cette relève possible. Accepter que la prochaine génération essaie, se trompe et rebondisse, ce n’est pas une menace : c’est la seule manière d’assurer la continuité.

Valoriser l’apprentissage, y compris par l’échec

Un leader qui exige la perfection permanente condamne ses équipes à l’immobilisme. La peur de l’erreur tue l’initiative.
Valoriser l’apprentissage, c’est transformer chaque essai en étape, chaque raté en ressource.
Les RH peuvent traduire cette philosophie dans les systèmes d’évaluation : reconnaître les efforts et les apprentissages, pas seulement les résultats.

Conclusion

Toutes ces compétences ne tombent pas du ciel : elles se cultivent.
Vous auriez peut-être choisi d’autres exemples, et c’est très bien.

L’essentiel n’est pas la liste, mais la question qu’elle soulève : "quand est-ce que je vois ce collaborateur faire une différence positive ? Et, dans mon rôle RH, comment puis-je l’aider à franchir une étape et à grandir vers un rôle plus large ?"

Ce sont les RH qui, en créant des environnements propices à l’apprentissage, à l’autonomie et au droit à l’erreur, permettent à ces qualités de s’ancrer durablement, de se peaufiner.

Nous vivons une époque exigeante, mais fertile pour celles et ceux qui savent voir au-delà des schémas établis. Dans ce contexte, les RH ne sont pas là (seulement) pour ramasser les morceaux. Ils sont là (aussi) pour révéler les talents silencieux, former les leaders de demain et cultiver les conditions de leur essor.

Former des leaders n’est pas un luxe : c’est un impératif. Les RH ne sont pas seulement gardiens du quotidien : ils sont les accoucheurs des éclaireurs de demain

Et vous, qui êtes-vous en train de former aujourd’hui ? Un bon exécutant… ou le leader qui manquera demain?

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