Tendances et innovation

Gamification RH : levier stratégique majeur ?

Gamification RH

Les directions des ressources humaines doivent-elles considérer la gamification non comme gadget, mais comme pilier de l’expérience collaborateur ? Un pilier fort de leur marque employeur et de leur performance ?

Longtemps cantonnée à des outils ludiques « gadget », la gamification des processus se révèle désormais comme un vecteur puissant d’apprentissage et de transformation de l’engagement collaborateur. Elle peut aussi enrichir la marque employeur et optimiser la performance RH. À l’ère des générations Y–Z, les directions des ressources humaines doivent l’intégrer comme une composante stratégique de leur feuille de route. Dans cet article, nous explorons les fondements, les applications concrètes et les conditions de réussite de cette mutation. En route vers une politique RH digne de 2025 ?

1. Les nouvelles générations exigent l’interactivité et l’immersion

Les collaborateurs issus des générations Y et Z arrivent avec des attentes fortes : autonomie, immédiateté, feedback en temps réel, progression visible… Ces profils ont grandi dans l’univers numérique, les jeux vidéo et les interfaces interactives. Ils vivent dans un monde connecté, où le clic produit une réponse immédiate. Ce que l’on appelle dorénavant “l’instantanéité”.

Une enquête de Deloitte souligne que plus de 60 % des jeunes talents considèrent l’apprentissage continu comme un levier de motivation incontournable.

Aussi, selon Applauz, 92 % des salariés interrogés affirment que des formations pertinentes et motivantes influencent positivement leur engagement.

Dans les entreprises, la culture du feedback continu, l’auto‑développement et les micro-parcours s’imposent donc comme une norme incontournable afin de retenir et d'accompagner ses talents.

La gamification, en proposant des échelles de progression, des badges, des challenges, répond directement à ce besoin d’interactivité et d’immersion. Prêt à commencer la partie ?

2. Le coût du désengagement : du bruit assourdissant aux pertes réelles

Le désengagement de ses équipes est loin d’être un concept abstrait ; il a un véritable coût pour l’entreprise.

Selon Gallup, le « faible engagement » des employés coûte à l’économie mondiale 8,9 trillions de dollars. Si nous zoomer sur l’hexagone, l’Indice de Bien-Être au Travail (IBET) estime ce coût à environ 14 840 € par salarié et par an. Le turnover coûte entre 30 % et 150 % du salaire annuel selon les profils. A contrario, les entreprises avec des collaborateurs engagés constatent une réduction du turnover de 43 %.

Ces chiffres illustrent ce que l’on appelle, le « coût du silence ». Autrement dit, des collaborateurs qui se désinvestissent et qui, par conséquent, freinent l’initiative collective et le développement de l’entreprise. Dans ce contexte, comment impliquer davantage ses ressources humaines et mesurer cette implication ?

3. Les mécaniques “gamifiées” à intégrer dans les processus RH

À l’heure de l’interactivité généralisée, les entreprises, peu importe leur secteur d’activité, doivent revoir leur gestion des ressources humaines et tenter de se démarquer dans un marché du travail complexe.

C’est à cet instant que la gamification entre en jeu. Celle-ci ne se limite pas à des badges décoratifs ; pour être stratégique, elle doit s’ancrer dans les processus RH à moyen et long terme.

Un exemple, l’onboarding ludifié ou comment transformer l’accueil en aventure engageante ?

L’onboarding constitue un moment décisif dans la vie d’un collaborateur. Selon la SHRM (Society for Human Resource Management), près de 20 % des départs volontaires surviennent dans les 45 premiers jours suivant l’embauche. Cela illustre l’importance stratégique d’un accueil soigné. La gamification peut ici jouer un rôle majeur en transformant un parcours souvent perçu comme administratif en une véritable expérience engageante.

● Donner du sens dès le premier jour

Un parcours gamifié peut prendre la forme d’une « aventure » où le collaborateur découvre progressivement son nouvel environnement. Chaque étape (rencontre avec l’équipe, exploration des outils, lecture des procédures clés) devient une « mission » qui, une fois validée, débloque un badge ou un niveau supplémentaire. Ce design narratif apporte un fil conducteur et permet de rendre visibles les progrès dès les premiers jours.

● Créer des interactions et du lien

Les quiz interactifs (par exemple sur l’histoire de l’entreprise, ses valeurs ou ses produits) peuvent être intégrés pour stimuler la curiosité et favoriser l’appropriation culturelle. L’aspect ludique facilite la mémorisation, tout en encourageant les échanges collectifs : certains dispositifs proposent même des défis à relever en binôme ou en équipe avec d’autres recrues, renforçant ainsi la cohésion.

● Valoriser les premières réussites

Les badges de bienvenue, visibles sur l’intranet ou dans une application interne, permettent de reconnaître publiquement l’implication du collaborateur. Par exemple :

○ « Explorateur » après avoir complété le tour virtuel des l’ensemble des locaux,

○ « Connecté » après avoir paramétré son profil numérique et ses outils de communication internes et externes,

○ « Ambassadeur » après avoir diffusé sur des réseaux professionnels les dernières actualités de l’entreprise sur une période de trois.

Cette reconnaissance symbolique, bien que simple, génère un sentiment d’appartenance rapide et évite que le collaborateur ait l’impression de « subir » son intégration.

● Exemples d’impact

  • Deloitte a mesuré une réduction de 40 % du temps d’intégration grâce à son parcours d’onboarding gamifié, qui proposait missions, quiz et retours en temps réel.
  • Dans le secteur technologique, plusieurs start-ups européennes utilisent des plateformes comme WorkAdventure ou des environnements 3D interactifs, permettant aux nouveaux arrivants de visiter un « bureau virtuel » et de débloquer des zones au fil de leurs découvertes.

● Un ROI tangible

Un onboarding gamifié réduit les erreurs de prise de poste, améliore la rétention et favorise l’engagement immédiat. Selon une étude Glassdoor, les entreprises qui mettent en oeuvre un processus d’intégration solide améliorent la rétention des nouvelles recrues de 82 % et la productivité de 70 %.

  • Mais peut-on gamifier l’ensemble des processus RH ?

À première vue, chaque action contribuant au développement des ressoruces humaines peut faire l’objet d’une gamification. Que ce soit la formation continue avec des micro‑modules déblocables, classes virtuelles à points… Des challenges internes sous forme de défis d’équipe, missions transverses… Des outils de reconnaissance et de valorisation des collaborateurs comme des trophées numériques, la gamification peut se résumer comme une façon ludique d’exercer ses missions.

Ces mécaniques doivent néanmoins rester cohérentes avec la culture d’entreprise afin d’engager le plus grand nombre de salariés dans la démarche.

4. L’état des lieux : adoption et retours d’expérience

Longtemps perçue comme une pratique réservée au loisir ou aux start-ups innovantes, la gamification s’impose aujourd’hui dans des organisations de toutes tailles et de tous secteurs. Aujourd’hui, il s’agit d’une véritable prise de conscience : le jeu n’est plus un gadget, mais un outil de transformation managériale. Ci-dessous, quelques retours d’expérience de grandes entreprises françaises.

● Deloitte : fluidifier l’intégration grâce au jeu

Le cabinet Deloitte a conçu une application dédiée à l’onboarding, transformant les étapes d’intégration en missions interactives. Résultat : une réduction de 40 % du temps nécessaire pour être opérationnel et une amélioration significative de la satisfaction des nouvelles recrues. Cet exemple montre que la gamification ne se limite pas à « divertir » mais qu’elle optimise directement l’efficacité organisationnelle.

● SAP : renforcer la formation continue

L’éditeur de logiciels SAP a déployé une plateforme d’apprentissage gamifiée où les collaborateurs gagnent des points et débloquent des badges en validant des modules de formation. Une enquête interne a révélé que 80 % des utilisateurs affirmaient avoir acquis de nouvelles compétences grâce à cette approche. La gamification devient ici un catalyseur de la formation tout au long de la vie, indispensable dans un secteur en évolution constante.

● SquadEasy : fédérer autour de défis collectifs

Moins connue, mais tout aussi emblématique, la start-up SquadEasy propose des défis collectifs liés au sport, à la santé ou à l’écologie. Les collaborateurs sont incités à marcher, courir, recycler ou adopter des éco-gestes, seuls ou en équipe, afin de gagner des points pour leur entreprise. Ces initiatives améliorent non seulement la cohésion interne, mais participent également à la construction d’une marque employeur engagée en phase avec les attentes sociétales.

D’autres exemples sectoriels

  • Dans la banque, BNP Paribas a testé des modules gamifiés pour sensibiliser ses équipes aux enjeux de cybersécurité.
  • Dans l’industrie, Michelin a développé des « quêtes » digitales pour former ses opérateurs aux règles de sécurité, réduisant ainsi le nombre d’incidents.
  • Dans la santé, plusieurs hôpitaux français expérimentent des applications gamifiées pour accompagner les soignants dans le développement de leurs compétences non techniques (communication, travail d’équipe).

Conclusion et ouverture

La gamification est un levier stratégique pour l’expérience employé et la performance. Elle nécessite équilibre, co‑conception et pilotage rigoureux.
Jusqu’où peut‑elle remplacer les pratiques classiques RH ? Peut-on vraiment combiner gamification, IA et bien‑être au travail ?

Outils et Ressources

Découvrez tout ce que propose ADP : articles, mises à jour législatives, publications, rapports d'analystes, formations, évènements, etc.

Voir toutes les ressources

Vous pouvez contribuer !

Vous souhaitez partager une réflexion, une expérience, une innovation RH ? N’hésitez pas à prendre la plume pour contribuer à RH info !

Contactez-nous